L’APPROCHE OBJECTIFS INDICATEURS.
La cinquième séance du séminaire sur les méthodes d’évaluation des politiques publiques s’est intéressée à la démarche qui articule la définition d’objectifs pour la conduite des politiques publiques et la mise en place d’indicateurs permettant de mesurer l’atteinte de ces objectifs.– Jean-René Brunetière (Conseil général de l’environnement et du développement durable) a ainsi présenté dans un premier temps la conception et l’utilisation des indicateurs dans le cadre de la Loi organique relative aux lois de finances (LOLF).– Dans un deuxième temps, Isabelle Engsted-Maquet (Direction générale« Emploi, affaires sociales et égalité des chances ») a présenté lesexercices de benchmarking réalisés par la Commission européenne dansle cadre de la méthode ouverte de coordination (MOC).Ces deux interventions ont été suivies d’un débat avec la salle.L’association Pénombre à laquelle j’appartiens s’intéresse et s’alarme parfois de l’usage des nombres dans les médias, les débats politiques et le débat social. À ce titre, la Revue française d’administration publique (RFAP) m’a demandé de rédiger un article sur les indicateurs dans le cadre de son numéro spécial sur la LOLF en 2006, première année d’application de la loi. Afin qu’il ne me soit pas reproché d’avoir sélectionné trop peu d’indicateurs, je me suis basé sur un échantillon de 32 missions en sélectionnant l’indicateur 1 pour la première mission, l’indicateur 2 pour la deuxième mission et ainsi de suite, les missions étant classées par ordre alphabétique et les indicateurs dans l’ordre dans lequel ils apparaissent dans le texte du minis tère des Finances. J’ai cherché à déterminer dans mon analyse si ces indicateurs reflétaient les objectifs correspondants, s’ils mesuraient un résultat de l’action de l’État, s’ils étaient utiles et s’ils n’entraînaient pas d’effets pervers.qui concerne les Affaires étrangères. Son objectif vise à défendre les intérêts de la France à l’étranger. L’indicateur choisi est le nombre de consultations des sites Internet du ministère.
Les défauts des indicateurs LOLF.
D’autres cas similaires existent, notamment quand un opérateur réalise l’essentiel de la poli tique publique comme dans la branche de l’tieuses relatives à la taxe d’habitation traitées dans le délai d’un mois censé mesurer l’activité du service qui traite les réclamations contentieuses relatives à plusieurs impôts. Cet indicateur qui a été choisi dans le but de ne pas multiplier les indicateurs pour chaque impôt risque en effet d’inciter les fonctionnaires de ce service à traiter prioritairement les réclamations contentieuses relatives à la taxe d’habitation au détriment des autres réclamations. L’action publique en est alors distordue.Ainsi, dans les services du ministère de l’Équipement, le permis de construire devient tacite si l’administration n’a pas traité la demande dans un délai de deux mois. En revanche, aucune disposition n’existe si le délai de deux mois est dépassé dans le cas des demandes de certifi cat d’urbanisme. En conséquence, dans un service particulier, 53 % de demandeurs de certi ficats d’urbanisme sont mécontents contre seulement 12 % de demandeurs de permis de construire.Le deuxième cas d’indicateur distordu concerne le nombre d’affaires pénales qui sont trai tées par un magistrat à l’instruction dans les tribunaux de grande instance. Dans ce cas, seule la quantité est mesurée au détriment de la qualité. Si les magistrats considéraient cet indica teur avec sérieux, ils classeraient le maximum de dossiers, en commençant par les plus faciles. En fait, la cible à atteindre pour chaque magistrat s’élève à 61 dossiers par an, ce qui correspond à la moyenne réelle.Troisième exemple, la part de crédits de formation des professeurs des écoles consacrée à la spécialisation des personnels d’adaptation et d’intégration scolaire (AIS) qui mesure leur part de formation consacrée à la manière d’enseigner aux enfants handicapés. Or pour faire évo luer un quotient, il suffit d’augmenter son numérateur ou de diminuer son dénominateur. En l’occurrence, la deuxième solution a été privilégiée.
Enfin, quatrième exemple, le taux de maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés à 6 mois qui est censé mesurer l’activité de l’Association pour la gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH). Or mesurer l’atteinte de l’objectif « l’insertion professionnelle des personnes handicapées » par le biais de ce seul indicateur risque de conduire à une sélection des personnes handicapées selon leur probabilité de réus site dans une entreprise.Les indicateurs inopérantsParmi les indicateurs inopérants, on peut citer le taux d’annulation par le Conseil d’État des arrêts des Cours administratives d’appel censé constituer un contrôle de qualité. Or, le direc teur du programme en question est également le viceprésident du Conseil d’État. Si le taux dérive, il pourrait ainsi réunir les présidents de chambre pour leur demander d’être moins sévères. Par ailleurs, la valeur cible du taux d’annulation s’élève à moins de 15 % du total des arrêts des cours administratives, soit une cible largement supérieure aux taux réels de 10,9 % en 2004 et de 11,5 % en 2003.Les indicateurs indiquant autre chose que leur objet déclaréParmi les indicateurs indiquant autre chose que leur objet déclaré, on peut citer celui de la sécurité civile mesurant la disponibilité opérationnelle des canadairs durant la saison des feux. Or cette disponibilité ne résulte pas d’une action de l’État en général et des services de sécuritéLes indicateurs non maîtrisablesEnfin, on peut mentionner les indicateurs non maîtrisables. Il s’agit des indicateurs sur les quels l’État a peu d’influence, comme le nombre de titres d’information politique et géné rale, qui correspondent globalement aux publications sérieuses « apport[ant] de façon per manente sur l’actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ». Il vaut même mieux que l’État n’ait pas trop d’influence à cet égard dans une démocratie. Ainsi, si une aide publique à la presse existe, cette aide reste générale.