L’absence de protection légale.
L’arbitrage financier correspond à un comportement qui est en inadéquation profonde avec la vision de l’actionnaire sur laquelle est fondée le droit des offres publiques. Alors que le législateur envisage un actionnaire de long-terme, l’arbitrage a pour finalité le profit financier à court-terme. Ce comportement peut donc avoir des conséquences négatives pour la société cible de l’offre, s’il permet la réalisation d’une offre peu ou pas pertinente sur le plan économique. Nous allons maintenant étudier l’état de la réglementation actuellement applicable à cette question pour juger si celle-ci offre une protection aux sociétés. Le problème de l’arbitrage financier ne se pose pas si les sociétés ont les moyens de prévenir l’action des arbitragistes dans des situations où ces dernières peuvent compromettre son développement à long-terme. Le droit boursier encadre, au nom de l’impératif de transparence, la plupart des moyens permettant de prendre le contrôle d’une importante part du capital d’une société et vient poser des limites significatives. Ces limites aux prises de contrôle rampantes par un investisseur sont de nature à pouvoir défendre la société contre un fonds arbitragiste étant donné que ce dernier a la qualité d’actionnaire et se verra donc appliquer ces mesures. Il existe donc tout un arsenal de mesures destinées à assurer la transparence du marché et à protéger les actionnaires minoritaires. Aucune d’elle ne semble cependant être réellement de nature à pouvoir neutraliser l’intervention d’actionnaires de court-terme et de réduire leur influence sur le mécanisme de l’offre (§1). Le droit français offre aussi de nombreuses possibilités de défense aux sociétés que ces dernières peuvent adopter de façon optionnelle. Il s’agit des défenses statutaires, mises en œuvre de manière volontaire dans les statuts des sociétés. On peut douter de leur efficacité étant donné qu’elles reposent sur les mêmes mécanismes que ceux des mesures de défense issues de la réglementation. Les seules mesures efficaces présentent dans la réglementation pour endiguer l’arbitrage financier en période d’offre publique restent les règles sur les abus de marché. Elles sont cependant conçues pour protéger le marché et ne sont finalement efficaces que si l’actionnaire de court-terme a commis une faute constituant un abus de marché (§2).
Les défenses découlant de la législation.
Une réglementation spécifique encadre les prises de participations importantes dans les sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé. Le législateur s’est ainsi attaché à garantir la transparence des participations dans les sociétés cotées. L’idée sous jacente à cette réglementation est de s’assurer que le marché ait une parfaite connaissance de la répartition du capital au sein des sociétés. C’est ce à quoi s’emploie la réglementation sur les déclarations de franchissement de seuil (A). Le législateur a aussi posé des barrières aux prises de contrôle dites rampantes pour protéger les actionnaires minoritaires, notamment à travers l’action de concert et le régime spécifique de l’offre publique obligatoire. L’ensemble de ces dispositions ont cependant été soumises à la créativité de la pratique, ce qui en fait un domaine en pleine évolution (B).l’ensemble des sociétés dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé et qui ont leur siège en France. Cette obligation a été étendue aux émetteurs qui ont des titres admis à la négociation sur un marché de l’espace économique européen, sans qu’ils n’aient européenne en la matière1101. Un autre seuil est celui de l’excès de vitesse d’acquisition1102, c’est-à-dire l’acquisition de plus de 2% du capital ou des droits de vote de la société lors des douze derniers mois. Ce franchissement de seuil ne s’applique que pour un actionnaire détenant entre 33.3% et 50% du capital ou des droits de vote de l’émetteur. Tout investisseur, venant à franchir l’un de ces seuils devra en informer l’autorité des marchés financiers, qui se chargera alors de publier cette information, ainsi que l’émetteur concerné. Cette déclaration devra également avoir lieu si ce franchissement de seuils s’effectue dans le cadre d’une action de concert entre plusieurs investisseurs, nous aurons l’occasion de revenir sur l’appréhension mes ou des dix-neuf vingtièmes du capital ou des droits de vote informe la société dans un délai fixé par décret en Conseil d’Etat, à compter du franchissement du seuil de participation, du nombre total d’actions ou e droits de vote qu’elle possède. L’information mentionnée à l’alinéa précédent est également donnée dans les mêmes délais lorsque la participation en capital ou en droits de vote devient inférieure aux seuils mentionnés par cet alinéa ».
Les actionnaires de court-terme, et principalement les hedge funds arbitragistes, seront donc confrontés à l’obligation de déclarer leurs participations et leurs intentions au capital de la société. Ce dispositif légal, qui vient renforcer la transparence des marchés, peut venir limiter l’action de certains arbitragistes en les forçant à déclarer leur participation, ce qu’ils ne recherchent pas forcémment. Il devront informer le marché au fur et à mesure de leur montée au capital de la société. La déclaration d’intention, en cas de franchissement de certains seuils, vient aussi les obliger à exposer leur stratégie quant à l’avenir de leur participation. Cela reste cependant extrêmement théorique étant donné que les actionnaires arbitragistes n’atteindront que très rarement le seuil nécessaire à une telle déclaration d’intention. Même si cette transparence est souhaitable et nécessaire et vient nécessairement compliquer les campagnes activistes, elle n’est cependant pas une limite absolue contre l’action des actionnaires de court-terme. Nous avons pu constater dans certains exemples queactions excédant la fraction qui n’a pas été régulièrement déclarée pour toute assemblée d’actionnaires qui se tiendrait jusqu’à l’expiration d’un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification. Dans les mêmes conditions, les droits de vote attachés à ces actions et qui n’ont pas été régulièrement déclarés ne peuvent être exercés ou délégués par l’actionnaire défaillant. Le tribunal de commerce dans le ressort duquel la société a son siège social peut, le ministère public entendu, sur demande du président de la société, d’un actionnaire ou de l’Autorité des marchés financiers, prononcer la suspension totale ou partielle, pour une durée ne pouvant excéder cinq ans, de ses droits de vote à l’encontre de tout actionnaire qui n’aurait pas procédé aux déclarations prévues à l’article L. 233-7 ou qui n’aurait pas respecté le contenu de la déclaration prévue au VII de cet article pendant la période de six mois suivant sa publication dans les conditions fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ». déclaré1132. Il nous semble que la finalité des textes sur les franchissements de seuils est d’assurer la transparence. Dès lors qu’un second seuil est franchi et déclaré cette dernière est assurée. On peut estimer qu’une sanction est nécessaire pour le manquement à l’obligation de déclaration mais que la sanction automatique de privation des droits de vote n’a plus à s’appliquer dès lors que cette transparence est assurée. Une autre difficulté tient à la reconnaissance d’une action de concert et aux pouvoirs dont dispose le bureau de l’assemblée régularisation ne pouvant être implicite1138, une déclaration devra être faite à l’émetteur concerné et au régulateur. Les activistes n’auront d’autre choix que de jouer le jeu de la transparence vis-à-vis de l’émetteur et du marché et ne pourront pas chercher à se soustraire à leurs obligations en la matière. Il en va différemment pour un arbitragiste qui n’aura pas besoin de ses droits de votes pour mener sa stratégie à bien. Dès lors, la privation des droits de vote n’est pas un élément déterminant pour dissuader les actionnaires de court-terme à ne pas déclarer leur participation. La réglementation actuelle en la matière nous paraît donc satisfaisante pour l’ensemble des actionnaires qui auront besoin de leurs droits de vote. A l’inverse, elle ne paraît pas assez dissuasive pour les autres investisseurs, comme les arbitragistes, dont la privation des droits de vote ne constitue pas une sanction suffisamment dissuasive.