Méthodes de conservation des fourrages verts
Il est important de conserver des ressources de fourrage pour la saison sèche (pays chauds) ou pour l’hiver (pays tempérés) afin de garantir une alimentation continue et régulière du bétail, que ce soit pour maintenir la croissance, l’engraissement ou la production de lait, ou pour continuer à produire dans les périodes difficiles, lorsque les prix du marché sont en hausse .
La conservation des fourrages se pratique de 2 façons : La voie sèche, le plus souvent par fanaison, qui consiste à amener le fourrage à une teneur en MS supérieure ou égale à 85%. A cette teneur, la plante est morte. Ses enzymes sont devenues inactives et le développement des moisissures devient impossible car elles ne disposent plus de suffisamment d’eau pour rester actives et se multiplier.
La voie humide, l’ensilage, où la stabilisation du fourrage n’est obtenue que s’il y a anaérobie (l’absence d’oxygène supprime les bactéries et les moisissures aérobies qui sont putréfiantes) et une acidité suffisante pour empêcher la fermentation butyrique, elle-même putréfiante mais anaérobie .
Entre autres, l’enrubannage des balles rondes de fourrages plus ou moins préfanés (ou de foins plus ou moins humides) s’apparente à la voie humide dans son principe. La suppression de la fermentation butyrique est obtenue, d’une part, par une élévation suffisante de la teneur en MS (> 45%) qui empêche l’activité des ferments butyriques et, d’autre part, par une mise en anaérobiose, grâce à l’enrubannage par un film étirable, qui ne permet pas le développement des moisissures, tous aérobies .
Importance de l’ensilage dans l’alimentation des ruminants
En alimentation animale, les fourrages constituent une part important (40 à 80%) de la ration alimentaire des ruminants, leur richesse en fibre est essentielle pour le fonctionnement du rumen . En raison de la répartition irrégulière et saisonnière de la production des aliments pour animaux (fourrages et céréales), le recours à la conservation de ces aliments est une étape pratiquement incontestable et quasi obligatoire dans plusieurs pays. L’objectif est de pouvoir donner des fourrages durant la période de déficit fourrager (hiver et saison sèche). La libre disposition d’une base fourragère permanente est une priorité physiologique pour les ruminants, consommateurs prioritaires de fourrages, et une priorité économique pour l’éleveur ou l’agriculteur. Les fourrages verts fournissent l’apport énergétique et azoté le moins coûteux . L’ensilage est destiné le plus couramment à des animaux à haute valeur productive (production laitière et viande, bœufs de trait) pour réellement tirer le maximum de profit de ses qualités nutritives . Au Canada, l’industrie fourragère consacre 80% de sa production fourragère pour l’ensilage destiné aux bétails . Les ensilages sont utilisés essentiellement du fait de leur récolte moins coûteuse et d’une moindre perte en nutriments au stockage et autorisent aussi une plus grande flexibilité dans la teneur en humidité lors de la récolte de l’aliment.
Du point de vue pratique, en faisant l’ensilage, l’éleveur peut disposer d’un aliment de très haute valeur nutritive et adéquat pour la production et peut maîtriser les quantités à produire pour couvrir les besoins de ses animaux sur une période donnée ou pour toute la saison difficile (hiver et saison sèche), car le fourrage vert ensilé conserve ses qualités pendant très longtemps.
Evaluation d’un ensilage de bonne qualité
Il est possible d’apprécier l’appétence d’un ensilage selon les 3 caractéristiques qui sont l’odeur qui est agréable, aromatique et légèrement acide (flaveur de fruits ou de pain frais), la consistance qui présente une structure où les composants de la plante sont bien reconnaissables et enfin la couleur franche et brune.
La qualité de conservation d’un ensilage peut être estimée grâce à un barème d’appréciation proposé par l’INRA et établi à partir de la compilation des résultats des essais conduits sur l’ensilage. Le classement s’effectue à partir de 6 paramètres:
Le pH, révélateur de l’intensité des fermentations lactiques (pH≤4,5); L’acide lactique, responsable de l’abaissement du pH; L’acide acétique, indice d’une mauvaise orientation des fermentations, ne dépasse pas 20 à 25 g/kg de MS;
L’acide butyrique, produit par les clostridies, doit se retrouver à l’état de traces (moins de 0,1 g/kg de MS d’ensilage) ;
L’ammoniac indique l’état de dégradation des protéines de l’ensilage et représente moins de 5% de l’azote total pour le maïs et de 6 à 7% pour les ensilages d’herbe avec conservateur ; L’alcool est produit par les ferments lactiques hétérofermentaires et les levures.
L’excès (plus de 25 g/kg de MS) provoque une chute d’appétit et de production généralement associée à une atteinte hépatique (cirrhose) .
La composition chimique et la valeur énergétique des fourrages conservés sont plus ou moins modifiées par rapport à celle du fourrage vert récolté . Les modifications les plus importantes portent sur les glucides solubles qui disparaissent en quasi-totalité, sauf dans les ensilages très préfanés ou préparés avec une addition importante (> 5 l/t) d’acide formique, et sont remplacés par de l’acide lactique, des acides gras volatils et des alcools. Ces modifications atteignent également les constituants azotés, les protéines, notamment les protéines chloroplastiques, transformées en peptides, acides aminés, NH3 et amines. Il en résulte une augmentation importante de la proportion d’azote soluble: rarement inférieure à 50% dans les très bons ensilages, elle peut atteindre 80% dans les mauvais.
La conservation par ensilage diminue peu ou pas la digestibilité et la valeur énergétique des fourrages, sauf en cas de très mauvaise conservation (ensilage plus ou moins putréfié) ou de pertes très importantes de constituants très digestibles dans les jus (faible teneur en matière sèche à la mise en silo). En général, l’ingestibilité des ensilages est inférieure à celle des plantes récoltées correspondantes. L’ingestibilité d’un fourrage correspond à la quantité de matière sèche ingérée lorsqu’il est distribué à volonté comme seul aliment. Cette baisse d’ingestion varie en fonction de la teneur en matière sèche, de la taille du hachage des brins et de la qualité de conservation. Quant au préfanage, il améliore la quantité ingérée surtout pour les ensilages sans conservateur.
Additifs pour l’ensilage
Acides : L’acide formique est utile dans les fourrages humides (≤ 25% de la MS). Il abaisse rapidement le pH de l’ensilage et inhibe le développement de bactéries indésirables (coliformes et clostridies). Il réduit les teneurs en azote ammoniacal et en azote soluble, ainsi que celles en acides butyrique et acétique. De plus, il permet de conserver plus de sucres solubles, conséquence d’une moindre utilisation par les bactéries lactiques et autres microorganismes .
L’acide propionique est un très bon inhibiteur de levures et de moisissures. Son addition améliore de façon marquée la stabilité aérobie de l’ensilage. L’acide propionique abaisse le pH et réduit la dégradation de la protéine de façon moins marquée que l’acide formique puisque c’est un acide plus faible.
Produits sucrés : L’addition de sucres peut améliorer la conservation d’un ensilage dont la teneur en sucres solubles est trop faible (<10 à 12% de la MS) pour atteindre le pH de stabilité anaérobie. En fait, une addition adéquate de mélasse permet de faire baisser le pH plus rapidement et de diminuer la production d’azote ammoniacal dans les ensilages humides, alors que dans les ensilage préfanés ou demi-secs, ce traitement n’a d’effet que sur le pH final de l’ensilage.
Enzymes : Les enzymes sont des produits naturels d’origine fongique. Ils sont utilisés dans les ensilages pour dégrader en sucres simples les sucres complexes contenus dans les cellules et dans les parois cellulaires (fibres). Cependant l’efficacité des enzymes est difficile à prédire puisqu’elle est influencée par plusieurs facteurs (type de plante, maturité, matière sèche et pH). Il existe deux grandes catégories d’enzymes en fonction de leur rôle. Les enzymes qui s’attaquent au contenu cellulaire (ex : amylase, pectinase) ont uniquement pour rôle de fournir plus de sucres pour la fermentation. Par contre les enzymes qui s’attaquent aux parois cellulaires (ex : cellulase, hémicellulase) peuvent influencer la qualité de l’ensilage de deux façons. En plus de libérer des sucres solubles, elles peuvent aussi faire augmenter la digestibilité des fourrages en réduisant la teneur en fibres .
Facteurs favorisant l’acidification
Dans un fourrage ensilé, les principaux facteurs conditionnant la vitesse et le niveau d’acidification sont surtout les suivants :
La teneur en glucides solubles (glucose, fructose, saccharose, fructosanes) , Le pouvoir tampon du fourrage ensilé Et la teneur en matière sèche.
Ainsi, si la combinaison de ces trois facteurs pour assurer une bonne fermentation est connue, il est possible de prédire l’issu de la fermentation. À l’inverse, si ces facteurs ne rencontrent pas les besoins de la fermentation, il est alors possible de modifier l’ensilabilité par la matière sèche et/ou les additifs à ensilage .
VIII.1.Teneur en glucides solubles
Idéalement, la plante devrait contenir une teneur en sucres solubles de 10% de la matière sèche pour assurer une bonne fermentation .
La teneur en sucre est très importante pour le développement des bactéries lactiques. Les substrats les plus communs sont le glucose, le fructose, le saccharose, et les fructosanes. Cette teneur en sucre varie suivant de nombreux facteurs : le type de plantes, le stade de maturité, les conditions climatiques, le préfanage, la fertilisation, et le temps de récolte durant la journée. Pouvoir tampon : Le pouvoir tampon d’une plante est la capacité à résister aux changements du pH. Il dépend essentiellement de la teneur de la plante en protéines, acides organiques et sels minéraux . Le pouvoir tampon se mesure par le nombre de milligramme (mg) d’acide lactique par gramme (g) de matière sèche nécessaire pour amener le pH du fourrage à 4 . Il est donc exprimé par la quantité d’acide lactique nécessaire pour réduire le pH de l’ensilage à 4 . Les facteurs de variation du pouvoir tampon sont : le type de plantes, la maturité de la plante, le préfanage et la fertilisation .
Table des matières
INTRODUCTION
PREMIERE PARTIE : RAPPELS
I. Qu’est-ce qu’un fourrage?
II. Méthodes de conservation des fourrages verts
III. Historique de l’ensilage
IV. Définition de l’ensilage
V. Importance de l’ensilage dans l’alimentation des ruminants
VI. Processus d’ensilement
VI.1. Flore microbienne du fourrage frais ou flore épiphytique
VI.2. Processus biochimiques et microbiologiques au sein de l’ensilage
VI.2.1. Phase aérobie
VI.2.2. Phase de fermentation
VI.2.3. Phase de stabilité anaérobie ou phase stationnaire
VI.2.4. Phase d’alimentation ou phase post-fermentaire
VII. Orientation des processus fermentaires
VII.1. Respect de l’anaérobiose
VII.2. Contrôle de la teneur en matière sèche (MS) et la teneur en eau
VII.2.1. Teneur en matière sèche (MS)
VII.2.2. Teneur en eau
VII.3. Valeur d’acidification recherchée
VIII. Facteurs favorisant l’acidification
VIII.1.Teneur en glucides solubles
VIII.2. Pouvoir tampon
IX. Additifs pour l’ensilage
IX.1. Acides
IX.2. Produits sucrés
IX.3. Enzymes
IX.4. Inoculants bactériens
IX.5. Ammoniac et l’urée
IX.6. Autres bactériostatiques
X. Différents types de silo
X.1. Silos-tours ou silos verticaux
X.2. Silos horizontaux ou silos couloirs
X.3. Silos-meules ou silos taupinières ou encore silos à ciel ouvert
X.4. Ensilage de grosses balles ou l’enrubannage
X.5. Silos-boudins
X.6. Silo fosse
X.7. Silo en balle ou en sac
XI. Evaluation d’un ensilage de bonne qualité
XII. Pertes lors de l’ensilage
XIII. Ensilage et pathologie liée à sa consommation
DEUXIEME PARTIE : METHODES ET RESULTATS
I. MATERIELS ET METHODES
I.1. Présentation de la cadre de l’étude
I.1.1. Station Régionale de Recherche KIANJASOA
I.1.2. Région de VAKINANKARATRA
I.1.3. DRZVP/FOFIFA
I.1.4. FIFAMANOR
I.2. Type de l’étude
I.3. Période et durée de l’étude
I.4. Préparation de l’ensilage
I.4.1. Matières végétales
I.4.2. Confection de l’ensilage
I.5. Population de l’étude
I.5.1. Fourrages verts
I.5.2. Ensilages
I.6. Taille de l’échantillon
I.7. Collectes des données
I.7.1. Détermination des qualités sensorielles des ensilages
I.7.2. Détermination des pertes moisies dans les ensilages
I.7.3. Détermination du pH des ensilages
I.7.4. Prélèvement d’échantillon pour les analyses chimiques
I.7.5. Analyses bromatologiques des échantillons
I.7.6. Analyses en SPIR des échantillons
I.8. Traitement et analyse des données
I.8.1. Paramètres à étudier
I.8.2. Analyses des données
I.9. Considérations éthiques
II. RESULTATS
II.1. Description de l’échantillon
II.1.1. Fourrages verts
II.1.2. Ensilages
II.2. Qualités sensorielles et organoleptiques des ensilages
II.2.1. Odeur des ensilages
II.2.2. Couleur des ensilages
II.2.3. Textures physiques des ensilages
II.3. Qualité de conservation et moisissures
II.4. Qualité de conservation et valeurs de pH
II.5. Qualité de conservation et compositions chimiques des ensilages
II.5.1. Compositions chimiques et type de fourrage
II.5.2. Compositions chimiques et origine de la plante fourragère
II.5.3. Compositions chimiques et familles fourragères ensilées
II.5.4. Compositions chimiques et stade végétatif de la plante fourragère ensilée
II.5.5. Compositions chimiques et type de silo
TROISIEME PARTIE : DISCUSSION
CONCLUSION
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ANNEXES