Début du chaos-2
Descartes pensait il y a seulement trois siècles et demi que les animaux étaient des machines. Et lorsque l’on regarde autour de nous, il semble bien que ce soit toujours la conviction implicite ou explicite de nombre de nos contemporains. Mais justement, comment se fait-il que l’on traite encore aujourd’hui les animaux comme des machines ou des << légumes >> bons à être poussés sans ménagement vers l’abattoir ? En fait, cela nous arrange bien, car s’il fallait reconnaître que les animaux ont une conscience, c’est notre << Système >> dans son ensemble qui basculerait. Un article du supplément du Monde (en date du samedi 11 août) pose la question de savoir si les animaux ont une conscience. On peut notamment y lire des choses étonnantes sur les positions de grands savants :- Darwin a écrit << il suffit de voir des chiots en train de jouer pour ne pas douter qu’ils possèdent leur libre arbitre >>. Il décrit en détail les origines animales des comportements affectifs et même des croyances des humains. Selon lui << la différence d’intelligence entre homme et animaux(…) est une différence de degré et non de nature >>. Il démontre qu’il existe une c- Ils apprennent, et sont capables d’adapter la pédagogie en fonction de la capacité d’apprentissage de leurs rejetons (observé notamment chez les singes). Ils ont une mémoire.- Ils ont une représentation de soi et des autres. Par exemple, ils savent imiter, donc ils font la différence entre l’autre et soi (Dauphins). Ils savent aussi mimer différentes facettes de la vie dans l’acte de jeu, l’attaque, la fuite, …- Ils sont capables d’apprendre le langage des sourds-muets (chimpanzés, gorilles)- Ils savent raisonner. Ils savent trouver des solutions face à des situations nouvelles (castor). Ils savent construire des outils en fonction d’utilisations différentes.
Ils savent ruser et tromper (corbeaux).- Qu’importait les preuves que pouvait fournir Galilée, il était impensable que l’Eglise se déjuge et que la terre ne soit pas le centre du monde.- La violence des réactions de l’église vis-à-vis de Giordano Bruno et de Galilée pourrait signifier que l’église savait parfaitement à quoi s’en tenir sur la réalité astronomique. Mais elle a reculé devant la remise en cause des textes sacrés et de leur exégèse que la reconnaissance de cette vérité aurait impliquée. De fait, quand on examine, dans les siècles suivants, la corrélation entre progrès de la science et recul de la foi, on comprend pourquoi la << foi >> chrétienne de cette époque a suscité autant de << mauvaise foi >> scientifique…- Faut-il aussi rappeler la controverse de Valladolid en 1550, durant laquelle on s’est interrogé si les amérindiens et les noirs avaient une âme? Reconnaître que les amérindiens avaient une âme privait les grandes puissances commerciales d’une réserve de main d’Œuvre esclave. Les noirs n’ont pas eu cette chance, puisque déclarés dénués d’âme, il n’y avait aucune raison de les traiter autrement que des bêtes ou des machines. Peut être que dans 400 ans, nos lointains descendants seront honteux à l’idée que nous puissions penser les animaux dénués d’une âme.
Il n’est donc pas interdit de se demander si la position suivant laquelle les animaux n’ont pas de conscience définie obéit à une simple recherche de la vérité, ou si elle est polluée par des considérations matérielles. Deuxièmement, s’il est difficile de prouver que les animaux ont une conscience, rien ne permet d’affirmer l’absence de conscience chez l’animal. De plus, rien n’autorise à affirmer qu’un seul modèle de conscience existe, celui de l’Homme. Rechercher une image de notre propre conscience chez autrui est un bel exemple d’anthropocentrisme. Juger les autres à l’aune de ses propres forces est confortable. Imaginons que chaque animal puisse édicter un critère de comparaison entre animaux : le lion choisira la force, le guépard la vitesse, le lapin la capacité de reproduction, la puce la résistance à la pression, les chats la capacité de voir dans le noir, les chauves souris la capacité à recevoir des ondes, les pigeons à se guider avec les champs magnétiques… Que sais-je ?
Et nous la conscience, la force de notre abstraction ? En cas de modification climatique importante, on peut douter que notre critère à nous nous permette de vivre bien longtemps. Notons à ce titre que la réglementation stricte qui encadre depuis quelques temps, dans les pays développés, l’expérimentation animale est un pas dans la bonne direction. Une révolution aboutit souvent à des excès similaires (mais inverses) que ceux qu’elle a voulu supprimer. Le mieux, pour tenter de limiter cet effet, est de commencer par un changement limité, << tranquille >>. Pourquoi ne pas envisager un label qui s’assurerait de la bonne << traitance >> des animaux.