Comparaison de structure du capital et de profitabilité des banques islamiques et conventionnelles analyse théorique
Comme nous l’avons présenté dans le chapitre introductif, les banques islamiques sont gouvernées par des principes fondamentaux originaux. Cependant, elles sont en compétition avec les banques conventionnelles et opèrent généralement dans un même environnement réglementaire. Les caractéristiques des ressources financières des banques islamiques sont de nature unique. La principale originalité de leur structure de passif réside dans la présence des comptes d’investissement participatifs qui constituent une nouvelle catégorie de passif. Leurs fonds sont assimilés théoriquement à des capitaux propres vu qu’ils sont rémunérés à la base d’un taux de rendement variable et non à un taux d’intérêt fixe et prédéterminé. Cependant, leurs capitaux ne sont pas permanents, donc ne peuvent pas être assimilés à des capitaux propres si nous nous référons au sens conventionnel de ce terme. Il serait important de comparer le degré de dépendance du secteur bancaire islamique des fonds de créanciers vu que les principes qui gouvernent les dépôts sont différents. Le choix d’une structure de capital est une décision importante dans la gestion financière des banques comme pour les entreprises classiques. L’étude de la structure financière a constitué depuis longtemps le thème central de la finance d’entreprise. L’étude de la structure du capital est l’un des courants principaux de la finance. Les travaux théoriques et les analyses empiriques sont très nombreux et riches.
La grande majorité des travaux théoriques et empiriques ne distinguent pas entre les entreprises et les banques ou ne concernent que les entreprises non financières. Tout débat sur la structure financière émane des travaux précurseurs de Modigliani et Miller (1958). A la suite de leurs travaux, différentes théories ont été proposées pour relâcher les hypothèses simplificatrices de Modigliani et Miller (1958), parmi celles-ci, la théorie du ratio optimal d’endettement (Myers, 1984), la théorie du financement hiérarchisé (Myers, 1984 ; Myers and Majluf, 1984), la théorie de l’agence (Jensen & Meckling, 1976), théorie de signal (Ross, 1977). Les théories modernes de finance sont essentiellement développées en vue d’expliquer le choix entre le financement par dettes et par capitaux propres. Chaque théorie propose un certains nombres de variables et de mécanismes qui déterminent la structure de capital des firmes. La prise en compte des spécificités des banques islamiques nous incite à poser des questions sur l’applicabilité de ces théories dans ce nouvel environnement de finance islamique. Dans cette perspective, nous avons fixé un premier objectif pour notre chapitre qui consiste à analyser les théories de structure de capital dans un contexte islamique. A notre connaissance, notre étude représente la première étude essayant d’expliquer la structure de capital des banques islamiques en se basant sur les apports de théories financières classiques.
Conscients que peu d’études se sont intéressées à la comparaison des structures de capital des banques Islamiques et conventionnelles (généralement descriptives), nous conduirons une étude empirique dans ce domaine. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons aux déterminants de la profitabilité des banques islamiques en comparaison avec celle des banques conventionnelles. Les Banques Islamiques ont un univers d’investissement des contraintes et une exposition aux risques spécifiques. Rappelons que selon la théorie financière moderne (Markowitz, (1952) et de Sharpe (1964)), le risque est le déterminant principal de la rentabilité. La structuration des modes de financement islamiques, la rémunération des dépôts ainsi que leurs natures, sont différents des banques conventionnelles. En conséquence, le coût du capital des premières devrait s’écarter de celui des secondes. Dans une étude empirique nous testerons l’existence de ces différences et leur impact sur la rentabilité des deux types de banque. Nous essayerons de répondre principalement à ces trois questions :
Les études portant sur l’étude de structure de capital des banques sont inspirées de la théorie financière des entreprises, la structure de capital est ainsi étudiée en l’absence de la prise en compte de la réglementation prudentielle. En plus, l’analyse de la structure financière des banques intègre les contraintes réglementaires. L’analyse de Berger, Herring et Szegö (1995) illustre bien ces deux approches. Modigliani et Miller (1958) ont fondé la théorie de structure financière en reposant sur la stricte condition de l’existence d’un marché parfait de capitaux. L’approche de MM (1958) propose que toutes les formes de financement sont équivalentes et qu’il n’existe pas de structure optimale de financement. La proposition de Modigliani et Miller (1958) ne distingue pas les banques des autres firmes non financières dans sa version originale. Par rapport à une entreprise quelconque, la banque présente une structure financière particulière. Miller (1995) démontre que le théorème de Modigliani et Miller s’applique aussi aux banques en assimilant les dépôts à des dettes. Le raisonnement en dehors du cadre simplifié des marchés à l’équilibre, par tenir en compte d’un certain nombre de biais (fiscalité, coûts de faillite, conflits d’intérêt, asymétrie d’information, coûts de transaction), rend l’analyse plus complexe et permet le développement des théories financières plus pertinentes.