Flore française des lichens et champignons lichénicoles des roches de berge de rivière
Malgré un nombre important de publications, l’étude de la flore lichénique européenne reste encore très superficielle. En effet, les ouvrages existants sont anciens pour la majorité et peu homogènes à l’échelle européenne. Ces flores offrent cependant quelques possibilités de détermination des taxons saxicoles-hydrophiles, mais elles restent, par absence de recherches soutenues, très incomplètes en termes d’espèces qui sont par ailleurs décrites de manière superficielle du fait du peu d’échantillonnages effectués. Cette lacune est due à la difficulté de prélèvement des espèces qui doivent, pour être étudiés sérieusement au laboratoire, être récoltées avec leur support, ce qui représente une contrainte de terrain non négligeable (dureté et accessibilité de la roche). D’autre part les lichens saxicoles-hydrophiles comprennent de nombreux pyrénolichens à thalle crustacé qui sont difficiles à identifier. En effet de nombreuses observations microscopiques sur des coupes fines, ainsi que des réactions colorées sur les différentes structures des ascocarpes , sont nécessaires pour la détermination des taxons, mais délicates à réaliser. Enfin les travaux européens publiés actuellement sur les espèces hydrophiles et réalisés sur la base d’études effectuées dans des périmètres géographiques réduits ne reflètent pas la diversité bioclimatique de la France (climats méditerranéen, atlantique et continental) et plus généralement celle de l’Europe occidentale. Un outil spécifique d’identification des taxons saxicoles-hydrophiles est donc indispensable pour faciliter l’étude des communautés de lichens et des champignons lichénicoles qui se développent sur les roches de berge des cours d’eau de géomorphologie variée et différents climats et reliefs européens.
Matériel et méthode
Il est évident qu’une étude exhaustive du territoire français était impossible dans le laps de temps qui nous était imparti. Nous avons sélectionné en fonction des contraintes climatiques, logistiques et financières, une série de cours d’eau situés pour la majorité dans le sud de la France mais également dans le nord-est (Lorraine) et le nord-ouest (Bretagne). Les rivières étudiées (environ 50) sont situées sous les différents climats français : méditerranéen, atlantique ou continental. Les espèces ont été prélevées avec leur support à l’aide d’un 1 Fructifications. Écologie et fonctionnement des communautés lichéniques saxicoles-hydrophiles marteau et d’un burin par cheminement le long des berges du cours d’eau. Les éclats de roche prélevés sont introduits dans une enveloppe papier pour le transport. Les poches plastiques sont à proscrire car elles accélèrent le pourrissement des thalles. Les caractéristiques environnementales ont été notées sur les enveloppes. Ainsi l’altitude a été obtenue à l’aide d’un GPS (projection WGS 84) ; les orientations générale et locale ont été relevées à l’aide d’une boussole ; la nature du support a été déterminée au laboratoire à l’aide de la clé de détermination des roches (Clauzade, 1992) ; l’inclinaison du support a été estimée sur le terrain (0°, 30°, 45° et 90°). Pour évaluer l’effet de la durée d’immersion annuelle des espèces, les relevés ont été effectués à différent niveau d’éloignement du centre de l’axe du cours d’eau (Figure 1). La localisation du relevé par rapport au niveau de la berge (PSLA1 , PILA2 et CE3 ) a été déterminée en période d’étiage. Les relevés ont été effectués au niveau de l’eau pour le CE, puis dans la partie supérieure du lit apparent identifiée à l’aide de différents indices : divers dépôts transportés par les hautes eaux de la rivière, présence d’une flore phanérogamique et/ou d’une flore lichénique franchement non hydrophile. Le troisième relevé a été effectué au centre des deux premiers relevés. Figure 1 : Localisation des relevés. Les lichens saxicoles ne sont, pour une grande majorité, pas identifiables sur le terrain. Les déterminations doivent être réalisées au laboratoire avec une loupe binoculaire et un microscope. Tous les éclats de roche pour chaque relevé ont été étudiés pour déterminer tous les taxons présents. Pour les déterminations, nous avons utilisé un stéréomicroscope (grossissement de 6 à 50 fois), un microscope à transmission équipé d’un dispositif à contraste interférentiel (grossissement de 60 à 1500 fois) et les réactifs chimiques usuels : KOH (solution aqueuse à 20 %) : noté K dans les clés de détermination. Déposer une fine goutte de K sur la partie du lichen à tester et attendre la coloration qui peut être assez longue à venir. NaClO (solution aqueuse concentrée (10%) d’eau de javel du commerce, diluée 2 fois et préparée avant les séances de détermination) : noté C dans les clés de détermination. Déposer une fine goutte de C sur la partie du lichen à tester et attendre la coloration qui peut être assez longue à venir. Lorsque dans les clés de détermination il est mentionné KC, il faut déposer une fine goutte de K sur la partie du lichen à tester, laisser agir quelques secondes, éliminer l’excédent de K avec du papier absorbant puis déposer une fine goutte de C et attendre la coloration qui peut être longue à venir.HNO3 (solution aqueuse à 50 %) : noté N dans les clés de détermination. Pour tester l’épithécium, lorsque une coupe fine est montée dans l’eau entre lame et lamelle, il faut avec du papier absorbant retirer l’eau du montage d’un côté de la lamelle et la remplacer simultanément de l’autre côté de la lamelle par N à l’aide d’une pipette pasteur. KI (solution iodo-iodurée : lugol) : noté I dans les clés de détermination. Pour tester la médulle du lichen, il suffit de mettre la médulle à nue à l’aide d’un scalpel et déposer un fine goutte d’I et attendre la réaction bleue s’il y a lieu. Pour tester les sommets des asques procéder comme avec l’N ci-dessus. C6H8N2 (paraphénylène diamine) solution alcoolique fraîchement préparée (quelques cristaux dans quelques gouttes d’alcool à brûler) : noté P dans les clés de détermination. Déposer une fine goutte de P sur la partie du lichen à tester et attendre la coloration qui peut être assez longue à venir. Pour les réactions avec les UV : mettre la médulle du lichen à nue à l’aide d’un scalpel, se placer dans une pièce obscure et allumer la lampe à UV (lampe à UV de poche du commerce pour philatélistes) et observer la coloration de la médulle. Les coupes sont réalisées sous la loupe binoculaire à l’aide d’un scalpel munie d’une lame neuve et sur des échantillons secs (pour faciliter les coupes). La coupe est déposée sur une lame sur laquelle il est déposé au préalable une goutte d’eau ou de KOH (pour éclaircissement du montage) puis recouvert d’une lamelle. Les observations sont réalisées dans la majorité des cas au grossissement de 400 ou à l’immersion au grossissement de 1000. Tous les lichens et les champignons lichénicoles non lichénisés récoltés ont été déterminés. Les ouvrages de détermination utilisés sont : Pour les lichens : Clauzade et Roux, 1985 (et les suppléments) ; Ozenda et Clauzade, 1970 ; Purvis et al., 1992 ; Smith et al., 2009 ; Thüs , 2002 ; Thüs et Schultz, 2009 ; Wirth, 1980 et 1995. Pour les champignons lichénicoles non lichénisés : Clauzade et al., 1989 et de nombreuses publications récentes mentionnées en bibliographie. Le catalogue (donné en annexe) a été réalisé grâce aux flores précédemment citées, aux données de la base relationnelle du conservatoire botanique national Des Pyrénées et de MidiPyrénées (CBNPMP) et au catalogue des lichens de France (Roux et coll., en préparation, version 09/2010)
INTRODUCTION |