Comportement d’une matrice alumine-silice au cours de l’élaboration de composites à matrice céramique oxyde/oxyde
Les composites à matrice céramique oxyde/oxyde
Les composites à matrice céramique (CMC) regroupent trois familles de matériaux : les composites à matrice vitrocéramique, les composites non oxydes et les composites oxydes. Les CMC les plus avancés et utilisés à ce jour sont les composites SiC/SiC. En effet, ces composites non oxydes possèdent d’excellentes propriétés mécaniques à très haute température. Cependant, ils souffrent d’une faible résistance à l’oxydation pour des températures comprises entre 500 °C et 900 °C. En outre, les CMC entièrement oxydes présentent des propriétés thermomécaniques intéressantes pour des températures allant jusqu’à 1000 °C. Ils constituent ainsi des candidats potentiels pour des applications opérant sur cette gamme de température et sous environnement oxydant (par exemple, au niveau des turboréacteurs). Les procédés de mise en œuvre de ces composites comprennent, entre autres, une étape d’imprégnation, qui est suivie d’un traitement thermique de frittage. Ceci permet d’associer le renfort fibreux et la matrice d’oxydes. Cette dernière doit respecter le concept de Weak Matrix Composites afin d’obtenir un matériau tolérant à l’endommagement.
Une matrice microporeuse pour des CMC oxyde/oxyde tolérants à l’endommagement
Les céramiques monolithiques sont des matériaux reconnus pour leurs bonnes propriétés dans des environnements sévères, notamment à haute température. Toutefois, ils présentent un mode de rupture fragile lié à la propagation brutale des fissures. Afin de pallier cette fragilité, les composites à matrice céramique ont été développés et considérés. En effet, des mécanismes de propagation intervenant au niveau de l’interface fibre/matrice permettent notamment de conférer au matériau une tolérance à l’endommagement.
Les trois approches microstructurales offrant une tolérance à l’endommagement
Les composites à matrice céramique sont renforcés par des fibres qui sont également en matériaux céramiques. Autrement dit, ils associent des constituants au comportement intrinsèquement fragile. Ainsi, contrairement aux composites à matrice organique (CMO) où une liaison forte est recherchée entre le renfort et la matrice, les CMC vont plutôt viser une liaison suffisamment faible afin d’éviter la propagation de fissures continues à travers les fibres et la matrice. En effet, cette interface doit favoriser la déviation des fissures matricielles afin d’éviter qu’elles ne se propagent aux fibres. Ceci a aussi pour conséquence d’accroître l’énergie de rupture lors de l’extraction des fibres puisqu’elles peuvent rompre indépendamment les unes des autres. La liaison partielle entre les fibres et la matrice, permettant de conférer au matériau composite une tolérance à l’endommagement, peut être réalisée à travers trois approches microstructurales (Figure 1.1). Celles-ci découlent de l’interprétation des travaux de He et Hutchinson [8] concernant le comportement d’une fissure au niveau d’une interface (Figure 1.2). La première approche consiste à déposer, au préalable, un revêtement sur les fibres (fiber coating). Celui-ci doit être compatible à la fois avec le renfort et avec la matrice. De plus, une faible résistance mécanique est recherchée pour ce matériau d’interphase. En effet, il joue un rôle de « fusible » mécanique dans le but de favoriser la déviation des fissures matricielles. Cette approche est classiquement utilisée pour des systèmes non oxydes à matrice dense, avec des revêtements en carbone (C) ou en nitrure de bore (BN) [9]. Elle a aussi été étendue à des systèmes oxydes. La monazite (LaPO4 ), du fait de sa très bonne compatibilité chimique avec l’alumine [10], constitue généralement le revêtement. Cependant, ses précurseurs dégradent les fibres oxydes au cours du traitement thermique de dépôt [11]. De plus, la difficulté majeure de cette approche réside dans l’application uniforme du revêtement tout en maintenant les fibres séparées, ce qui est particulièrement délicat lorsqu’elles sont tissées pour former le renfort [3]. Une autre méthode consiste à contrôler la porosité de la matrice. En effet, l’utilisation d’une matrice poreuse permet également de favoriser la déviation des fissures au niveau de l’interface [3]. Autrement dit, cela revient à générer des composites à matrice faible (Weak Matrix Composites). Dans ce cas, les fibres et la matrice doivent être compatibles et stables entre elles étant donné qu’elles sont, ici, en contact direct. Ce concept évite aussi d’avoir recours à un revêtement ce qui, d’une part, simplifie les procédés d’élaboration et, d’autre part, permet une réduction des coûts associés. C’est ce type de microstructure qui est généralement retenu pour les composites à matrice céramique oxyde/oxyde
Les composites à matrice céramique oxyde/oxyde
La dernière approche, moins commune, considère un revêtement dit « fugitif » qui disparaîtra au cours de l’élaboration du composite afin de créer une discontinuité au niveau de l’interface. Un revêtement en carbone est un exemple typique dans le cas des CMC oxyde/oxyde [12]. Celui-ci disparaîtra par oxydation lors du frittage. En outre, la maîtrise de l’épaisseur du revêtement est primordiale dans cette approche puisque cela définit la largeur de la discontinuité.
Le concept de Weak Matrix
Composites appliqué aux CMC oxyde/oxyde Les composites à matrice céramique oxyde/oxyde reposent sur le concept de Weak Matrix Composites afin d’être tolérants à l’endommagement. Dans ce cas, la matrice doit être suffisamment faible pour favoriser la déviation des fissures matricielles au niveau de l’interface fibre/matrice. Mais elle doit également conserver une certaine résistance afin d’assurer des propriétés hors-axes et interlaminaires acceptables pour le composite. Ces exigences a priori contradictoires ne peuvent être respectées que par un contrôle précis de la porosité de la matrice [13]. Celle-ci doit être finement distribuée et répartie de manière homogène [14] afin de limiter les sites préférentiels d’amorçage de fissures. En outre, les particules, constituant la matrice, sont liées entre elles dans le but de former un réseau continu. Enfin, un taux de porosité matricielle de l’ordre de 30% à 40%vol. est requis [3]. Un exemple d’une telle microstructure est représenté sur la Figure 1.3.
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