Généralités sur les plasmas et propriétés des arcs électriques
Dans cette première partie, nous décrivons dans un premier temps les principales caractéristiques générales propres aux arcs électriques. Nous décrivons l’amorçage des arcs en distinguant bien les deux régimes possibles de décharge (Townsend ou streamer), ainsi que la phase de thermalisation jusqu’à l’équilibre thermique. Nous établissons ensuite les principales caractéristiques des défauts d’arc qui sont l’objet de la thèse. Enfin, un état de l’art sur les défauts d’arc amorcés entre des câbles sera donné
Notions générales sur les plasmas
A mesure de l’échauffement de la matière, se succèdent les trois états classiques que sont les états solide, liquide, et gazeux. La distinction entre ces trois états de la matière réside principalement dans l’énergie de liaison entre les particules qui composent le système considéré, allant de très forte dans les solides à quasiment inexistante dans les gaz. Les transitions d’un état solide vers un état gazeux apparaissent lorsqu’on augmente l’énergie cinétique des particules (augmentation de la température) jusqu’à dépasser les énergies de liaison entre les atomes ou les molécules. L’ultime étape de ce processus intervient lorsqu’en augmentant d’autant plus l’énergie des particules, on parvient à arracher les électrons de leurs atomes comme schématisé sur la figure 1.1. Si la matière est alors suffisamment ionisée pour que des phénomènes collectifs apparaissent (dus aux particules désormais chargées électriquement), on obtient un plasma qui désigne au sens très large une grande variété de gaz ionisés. Ce dernier état est alors naturellement considéré comme le « quatrième état de la matière ». Toutefois, le passage à l’état plasma ne constitue pas, au sens thermodynamique, une transition de phase comme dans le cas des trois autres états de la matière [11]. En effet, les changements d’états entre solide, liquide et gaz sont caractérisés par une enthalpie de changement d’état qui intervient à pression et température constantes, Figure 1.1 – Illustration schématique des changements de phases [10]. La longueur des traits représente l’énergie cinétique des particules. tandis que l’apparition de l’état plasma se fait de manière continue [12], sans transition de phase brusque. C’est ce qui est représenté sur la figure 1.2a qui montre l’évolution de l’enthalpie spécifique en fonction de la température. Contrairement au passage à l’état plasma, les transitions de phases entre états solide, liquide, et gazeux, sont caractérisées par des discontinuités des propriétés. De même sur le diagramme de phase montré sur la figure 1.2b, où les différents états de la matière sont associés à des couleurs distinctes et sont séparés par une ligne noire signifiant la discontinuité de l’enthalpie. A l’inverse, les états de la matière ionisée, dont on peut voir qu’il n’y a pas que le plasma, apparaissent comme des particularités des trois états classiques. Contrairement à un gaz classique, gouverné par des collisions élastiques (conservation de la quantité de mouvement) entre particules neutres, un gaz ionisé est régi par des phénomènes collectifs, provoqués par les interactions à longue distance dues aux champs électromagnétiques induits par les particules chargées présentes dans le plasma. Les comportements collectifs n’apparaissent que si le degré d’ionisation α (α = ne/ne+nn avec ne la densité d’électrons et nn la densité des espèces neutres) du gaz est suffisamment important. L’atmosphère terrestre, par exemple, présente un très faible degré d’ionisation qui ne permet pas de le considérer comme un plasma ; la densité d’électrons libres et d’ions positifs dans l’air au niveau de la mer est de l’ordre de 108 − 109 m−3 [9, 14]. Nous verrons cependant dans le chapitre suivant, que la présence de ces charges libres dans l’air permet, dans la plupart des cas, d’amorcer un plasma. On distingue les plasmas faiblement ionisés pour lesquels α < 1, des plasmas complètement ionisés où α ≈ 1. Les processus d’apport en énergie doivent être suffisamment importants pour arracher les électrons de leurs orbites atomiques et engendrer une ionisation significative. En dehors des 16 1.1 Notions générales sur les plasmas (a) Représentation des états de la matière en fonction de la température et de l’enthalpie de changement d’état [9]. (b) Diagramme de phase avec les états de la matière ionisé correspondants . Figure 1.2 plasmas complètement ionisés, qui nécessitent d’atteindre des températures très élevées et qui sont composés presque exclusivement de populations d’électrons et d’ions positifs, les énergies dans les plasmas thermiques ou faiblement ionisés permettent d’engendrer un mélange complexe de plusieurs types de particules : électrons libres, atomes et molécules dans leur état fondamental ou dans un état excité, ions positifs et négatifs. Toutes ces particules participent à une forte réactivité chimique, atout majeur de la technologie des plasmas.
Critères et classification des plasmas
On peut définir quatre critères qui permettent de limiter le domaine d’application des théories des plasmas . Un premier critère nécessaire pour définir un plasma, est la propriété de quasi-neutralité, qui stipule qu’il doit y avoir autant de charges électriques positives que négatives dans le plasma. Autrement dit, la densité électronique (ne) et la somme des densités ioniques (P i Zini , Zi étant l’état d’ionisation) doivent être égales, ce qui s’exprime par la relation : ne − X i Zini = 0 (1.1) Cette propriété de neutralité du plasma s’applique à une échelle macroscopique. En effet, la quasi-neutralité du plasma n’est plus vérifiée pour des distances inférieures à la longueur de Debye. Celle-ci est une grandeur caractéristique d’un plasma qui vaut λD = qε0kBT nee 2 , avec ε0 la permittivité du vide, kB la constante de Boltzmann, T la température du plasma, e la charge élémentaire et ne la densité électronique. On définit généralement la longueur de Debye comme étant la distance pour laquelle le potentiel électrostatique d’un ion est écranté par des électrons présents dans une sphère de rayon λD et centrée sur l’ion positif. Cette sphère ne doit pas être considérée comme statique et ordonnée, mais comme dynamique et statistique : elle résulte du compromis entre l’agitation thermique qui tend à écarter de la neutralité, et les forces d’interaction coulombiennes entre les charges de signes opposés qui tendent à restaurer la neutralité électrique. Ainsi donc, puisque cette longueur exprime la distance pour laquelle des déviations à la neutralité apparaissent, il faut que la taille du plasma L soit bien supérieure à la longueur de Debye. Cela constitue le deuxième critère : L λD (1.2) Dans le cas de valeurs typiques pour un arc électrique à pression atmosphérique, ayant une densité électronique comprise entre 1022 et 1024 m−3 et une température d’environ 10 000 K, la longueur de Debye vaut entre 70 et 7 nm. L’écrantage du potentiel électrostatique des ions permet la quasi-neutralité du plasma à grande échelle. Pour que cet écrantage ait lieu, il faut que le nombre d’électrons dans chaque sphère de Debye soit grand devant 1 [17], ce qui conduit au troisième critère : neλ 3 D 1 (1.3) Ce critère implique également que l’énergie d’interaction entre les particules du plasma Uint est bien inférieure à l’énergie thermique d’agitation Uth [18] : Uint Uth (1.4) Cette inégalité permet d’utiliser l’équation d’état des gaz parfaits appliquée aux différentes populations du plasma (loi de Dalton) : P = P i nikBT. De même que l’on vérifie l’hypothèse de quasi-neutralité pour des distances supérieures à λD, on peut définir une échelle de temps en dessous de laquelle la quasi-neutralité du plasma n’est pas vérifiée. En réponse à une perturbation locale de charges positives ou négatives qui crée une charge d’espace, les électrons, qui sont les plus mobiles, vont subir 18 1.1 Notions générales sur les plasmas Figure 1.3 – Classification des plasmas [9] une force électrostatique importante qui va tendre a restaurer la neutralité du plasma. Mais cette force de rappel est convertie en énergie cinétique qui donne aux électrons une inertie suffisante pour créer une oscillation autour d’une position d’équilibre.
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