Activité anti-tumorale de la voie XBP1 dans les
leucémies aiguës myéloïdes
Rôle de l’UPR
Comme évoqué précédemment, l’UPR possède une dualité, et peut aussi bien restaurer les capacités du RE et conduire à l’adaptation de la cellule, que provoquer la mort 56 par apoptose ou autophagie. L’UPR représente donc un « point de contrôle », qui permet l’intégration des signaux de stress et détermine le devenir cellulaire. 1. Rôle pro-survie L’activation de l’UPR implique une large reprogrammation transcriptionnelle et traductionnelle, qui permettent de renforcer des mécanismes adaptatifs préexistants et d’affronter les dérégulations de la protéosynthèse. Ces mécanismes d’adaptations jouent sur plusieurs facteurs : Dans un premier temps, l’activation de PERK et de IRE1 réduit l’afflux de peptides au niveau du RE, respectivement par la phosphorylation de la sous-unité eiF2α, et par la dégradation d’ARN par le RIDD. Cette « pause » traductionnelle est accompagnée d’une augmentation des capacités générales du RE : les FT ATF6, ATF4 et XBP1s activent la transcription de gènes codant pour des protéines impliquées dans la synthèse et dans le repliement des protéines du RE. Plus généralement, ils activent la transcription de gènes codants pour des protéines impliquées dans la biogénèse du RE (synthèse des lipides, trafic vésiculaire…). Ainsi, ces trois acteurs majeurs en augmentent les capacités d’accueil, tant en termes de prise en charge des peptides qu’en termes de volume du RE. Enfin, le désengorgement du RE est aussi dépendant de la dégradation des peptides mal-conformés : en effet, la machinerie de dégradation des protéines, le protéasome, est cytoplasmique. La dégradation des protéines du RE passent donc par un système de rétrotranslocation nommé ERAD (ER-Associated Degradation), qui relocalise les peptides anormaux dans le cytoplasme. Ce processus fait intervenir un grand nombre de partenaires protéiques : – des chaperonnes, comme BiP ou Edem1, qui recrutent les substrats, – des protéines adaptatrices comme la famille des Derlin, qui guident les substrats à travers le dislocon c’est-à-dire le canal de rétrotranslocation, – le dislocon lui-même, un canal qui permet le passage des substrats de la lumière du RE vers le cytoplasme, tout en assurant leur adressage au protéasome par l’action d’ubiquitine-ligases . L’ensemble de ces protéines sont également produites en réponse à ATF6, ATF4 et XBP1s, qui provoquent ici l’augmentation du contrôle qualité des protéines ainsi que des capacités de dégradation du RE. 57 Les capacités de prise en charge du RE varient énormément en fonction des types cellulaires, et le rôle adaptatif de l’UPR joue un rôle crucial dans les tissus à forte protéosynthèse. C’est le cas des cellules sécrétrices, qui activent l’UPR de façon chronique, afin d’assurer leur production protéique. L’exemple le mieux documenté reste celui des cellules β pancréatiques : en effet, chaque cellule β est capable de produire et de sécréter un million de molécules d’insuline par minute lors d’une prise alimentaire, afin de générer un pic insulinémique. De même, les plasmocytes, des lymphocytes B spécialisés dans la sécrétion des anticorps, peuvent produire leur poids en anticorps par jour, une fois activés. Dans ces 2 cas, ces cellules doivent momentanément s’adapter à une production exacerbée de protéines et, de fait, activent l’UPR à l’état basal
De l’UPR adaptatif à l’UPR terminal
L’UPRosome
Dans le cas où l’homéostasie protéique ne parvient pas à être restauré, l’UPR opère un « switch » vers un programme pro-apoptotique appelé UPR terminal. Le devenir cellulaire est largement influencé par l’intensité et la durée d’exposition à un stress du RE. En effet, une longue exposition ou un stress trop intense conduisent à l’activation de l’UPR terminal. Cependant, les mécanismes d’intégration des signaux de durée ou d’intensité, qui déterminent la transition vers l’UPR terminal, ne sont pas encore totalement connus. De plus en plus d’études pointent du doigt l’implication de l’UPRosome, c’est-à-dire l’ensemble des facteurs qui modulent l’activité des trois senseurs, et plus particulièrement de IRE1. De nombreux co-facteurs reconnaissent le domaine cytoplasmique de IRE1 dimérisée, et régulent de façon dynamique sa signalisation. IRE1 n’apparaît alors plus comme un senseur de l’état du RE mais plutôt comme un senseur de l’état général de la cellule ; il permet de centraliser un ensemble de signaux et de faire la balance entre signaux anti et pro-apoptotiques : ainsi, HSP72 inhibe l’apoptose médiée par IRE1 en activant la sous-unité RNase, ce qui augmentent la production de XBP1s et à l’inverse, les protéines BAX et BAK se fixent sur le domaine kinase de IRE1 et activent l’apoptose via la voie JNK (Figure 13) Les variations de ces facteurs au cours d’un stress du RE sont donc autant de stimuli qui influencent le devenir cellulaire et qui sont intégrés au niveau de IRE1. Cependant, il semblerait que IRE1 n’agisse pas seulement comme « la charpente » d’un édifice protéique, mais que les modifications post-traductionnelles qui lui sont appliquées orientent également le devenir cellulaire. C’est notamment le cas de son degré 58 de phosphorylation : ainsi, une hyperphoshorylation de IRE1 est associée à une hyperactivité endonucléolytique 263 . De plus, parmi les nombreux co-facteurs qui reconnaissent son domaine cytoplasmique, peu ont, en définitive, un effet sur l’activité endonucléolytique de IRE1 mais semblent plutôt agir sur son degré de phosphorylation. Par exemple, la kinase cytosolique ABL se fixe par son domaine kinase et provoque une hyperactivité de IRE1, associée à la mort des cellules β pancréatiques 264 . Le double KO des protéines BAX et BAK provoque une perte de la phosphorylation de IRE1, entraînant une perte du signal de IRE1 et une inhibition de l’apoptose 262 . En définitive, l’état de phosphorylation de IRE1 agirait comme une « horloge interne » et l’accumulation de marques de phosphorylation, comme le signe d’une activation prolongée de IRE1, suggérant l’incapacité de la cellule à restaurer l’homéostasie protéique et activant la mort cellulaire. IRE1 est également ubiquitinée lors d’un stress du RE : CHIP (carboxyl terminus of HSC70-interacting protein) est une E3 ubiquitine-ligase associée au RE, et classiquement impliquée dans le processus ERAD .L’ubiquitination de IRE1 par CHIP stabilise la liaison avec TRAF2 et induit la mort cellulaire via l’activation de la voie JNK (Figure 13) . A l’image de IRE1, l’activité soutenue de PERK est associée à l’induction de l’UPR terminal : la protéine NDRG2 (N-myc downstream-regulated gene 2) reconnaît le domaine cytoplasmique de PERK et promeut sa phosphorylation, ce qui est associé à l’induction de la mort de la cellule. A l’inverse, la fixation de la chaperonne p58IPK inhibe le domaine kinase de PERK, et est associée à une meilleure survie des cellules. La voie ATF4-CHOP, en aval de PERK, est également liée à la transition vers l’UPR terminal : classiquement, CHOP a été associé à la transcription de gènes liés à l’apoptose. Mais des analyses de ChIP-seq ont révélé une majorité de cibles en lien avec la synthèse et la dégradation des protéines, donc une implication plutôt adaptative. Cependant, dans le cas d’une activation prolongée de la voie ATF4-CHOP, la synthèse protéique soutenue provoque une déplétion en ATP ainsi qu’une augmentation du stress oxydatif, menant à la mort de la cellule 230 .
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