Le bruit des lasers bi-fréquences
Un laser bi-fréquence se caractérise par l’émission de deux modes dont les polarisations sont orthogonales entre elles et possédant des fréquences différentes. Tel que l’a défini Lamb, la possibilité de faire osciller deux modes simultanément est gouvernée par le taux de couplage C entre ces deux modes au sein du milieu actif. Ainsi, l’oscillation de deux modes simultanés n’est possible que si ce couplage C < 1 . Dans le cas où le taux de couplage est supérieur à 1, il apparait une situation de bistabilité et un seul mode peut osciller. Cette constante de couplage rend compte à la fois des contributions spatiales et spectrales liant les modes dans le milieu actif. De nombreux travaux ont ainsi démontré la possibilité d’obtenir un régime bi-fréquence en profitant par exemple, de l’inhomogénéité de gain du milieu actif ou encore en diminuant le recouvrement spatial des modes. Les deux modes propres d’oscillations du laser permettent de générer un battement optique stable et accordable dans la gamme micro-onde (GHz) voire térahertz. Les lasers bi-fréquence présentent donc de nombreux avantages pour des applications dans des domaines tels que la photonique micro-onde, la métrologie, les horloges atomiques ou encore les lidars-radars. <<, à l’intérieur du milieu actif, la dynamique du laser devient semblable à celle d’un système de deux oscillateurs harmoniques couplés. Chaque mode propre du laser possède alors deux fréquences de résonance. Ces deux résonances apparaissent aux fréquences à laquelle l’intensité des deux modes fluctue en phase et en opposition de phase Les méthodes pour s’affranchir des fluctuations d’intensité en-phase correspondent à celles usuellement employées pour réduire le bruit à la fréquence des oscillations de relaxations d’un laser monomode. En ce qui concerne le bruit d’anti-phase, les solutions ne sont pas aussi immédiates.
Une approche chaque état de polarisation propre se comporte comme un laser indépendant. Chaque mode propre du laser présente ainsi une seule fréquence de résonance correspondante à la fréquence des oscillations de relaxation. Pour obtenir deux modes découplés, une solution consiste à utiliser une architecture de laser bi-axe en séparant spatialement les deux propres modes dans le milieu actif. Cependant, une telle architecture nécessite l’utilisation de deux faisceaux de pompe ce qui complexifie le laser et diminue les corrélations de phase entre les modes. Ces corrélations de phases sont utiles pour réaliser des battements avec une bonne qualité spectrale. Afin de garder une architecture mono-axe, il a été démontré qu’il était possible dans un laser à milieu actif Nd:YAG de découpler les modes en choisissant un cristal taillé selon le plan (001) et en alignant la direction de polarisations des états propres du laser avec ceux des axes cristallographiques du cristal [30]. Cette méthode n’est malheureusement pas applicable pour tous les milieux actifs solides et notamment pas pour des milieux actifs non cristallins. D’autre part, l’approche classe A permet également de s’affranchir de ces bruits résonants mais, comme précisé auparavant, elle n’est applicable que pour des VCSELs à cavité externe.
Au précédent chapitre, nous avons montré l’efficacité de l’insertion de faibles pertes non-linéaires pour la réduction des bruits résonants au sein d’un laser à état solide mono-fréquence. Cette approche s’avère être exploitable pour de nombreux types de lasers de par notamment sa facilité d’implémentation. Dans ce contexte, nous pouvons donc nous interroger sur la pertinence d’une telle approche pour les lasers bi-fréquences. Cette méthode permettrait ainsi de s’affranchir des bruits résonants d’intensité tout en conservant la possibilité d’une configuration mono-axe du laser à milieu actif solide. Nous nous proposons donc dans ce chapitre d’étudier l’effet sur le bruit d’intensité de l’insertion d’un absorbant non-linéaire au sein d’un laser bi-fréquence. Pour cela, dans la première partie, nous introduirons un mécanisme d’absorption à deux photons (TPA) au sein de la cavité d’un laser Er,Yb:verre. Nous analyserons l’effet du TPA sur le bruit d’intensité en-phase et en opposition de phase pour différentes configurations du laser. Puis, nous proposerons un modèle décrivant la dynamique du laser bi-fréquence en présence du mécanisme d’absorption non-linéaire. Nous verrons que son écriture requiert une vérification de la valeur du couplage des modes propres en présence des pertes non-linéaires. Nous mettrons en place une expérience dans le but de quantifier si le couplage est affecté par le changement de dynamique du laser. Ensuite, nous validerons l’écriture du modèle en comparant les spectres de RIN théoriques et expérimentaux pour différentes configurations du laser bi-fréquence. Enfin, l’analyse des équations d’évolution du laser permettra de mettre en évidence les paramètres primordiaux à l’optimisation de la réduction des bruits d’intensité.