Diagnostiquer un état de santé bucco-dentaire par une double approche macroscopique et métagénomique
Méthodes de décontamination
Reconnaissant les caractéristiques des molécules ADN anciennes, il est alors nécessaire de mettre en place des règles lors de la manipulation des échantillons: réaliser les extractions et préparer la phase de pré-amplification dans un laboratoire d’ADN ancien dédié. Il doit être séparé physiquement du laboratoire moderne dans lequel sera réalisée l’amplification, idéalement dans deux bâtiments différents. Les déplacements du personnel doivent se faire uniquement du laboratoire ancien vers le laboratoire moderne et jamais en sens inverse (26, 34). Le travail de laboratoire est effectué avec des vêtements de protection (combinaison, masque, deux paires de gants, lunettes de protection) et les surfaces de travail sont régulièrement décontaminées avec des oxydants tels l’eau de Javel et irradiées au Ultra-Violet (34, 75, 78). Les réactifs sont également décontaminés sous UV (75). Le laboratoire est placé sous pression positive avec filtration de l’air. Les contaminations sont surveillées grâce à des blancs et des contrôles négatifs dans toutes les expériences. Ces règles de bonne pratique ont d’abord été élaborées pour la recherche sur le génome humain ancien mais se révèlent tout aussi importantes dans la recherche sur les microbiomes anciens (voir partie 3.2) .
Critères d’authenticité pour le travail en ADN ancien
Ces critères ont été établis afin de garantir la fiabilité des résultats obtenus lors du travail en ADN ancien. L’article faisant référence dans le domaine est celui de Cooper et Poinar (2000) (33). Les auteurs donnent une série de consigne à respecter pour limiter le risque d’erreurs liées à la contamination, à la faible quantité d’ADN présente dans les échantillons et aux dégradations (tableau 1). Les manipulations sur l’ADN ancien doivent être effectuées dans un laboratoire dédié et isolé physiquement du bâtiment où sont réalisées les amplifications. Des blancs (d’extraction et de PCR) doivent être réalisés et traités comme les échantillons pour vérifier l’absence de contamination. Plus le nombre de cycles de PCR est important, plus les produits d’amplification doivent être petits, des amplicons de plus de 500 paires de base sont inhabituels. Les résultats doivent être reproductibles à partir des mêmes extraits ADN ou d’extraits ADN différents d’un même sujet. La contamination intra-laboratoire ne peut être écartée que lorsque différents échantillons d’un même spécimen sont extraits et séquencés dans des laboratoires indépendants. Des preuves indirectes de la présence d’ADN dans un échantillon ancien peuvent être obtenues en évaluant la quantité totale, la composition et l’étendue relative de la diagenèse*. Le nombre de copies de l’ADN cible doit être évalué par PCR compétitive. Lorsque le nombre de séquences de départ est faible (<1 000), il peut être impossible d’exclure la possibilité d’une contamination sporadique, en particulier pour les études sur l’ADN humain. Dans les études sur les restes humains où la contamination est particulièrement problématique, la preuve que des cibles ADN similaires survivent dans la faune associée est essentielle. Les restes faunistiques constituent également de bons témoins négatifs pour les amplifications par PCR d’ADN humain.
Les nouvelles techniques de séquençage
Principales étapes dans le séquençage New Generation Sequencing (NGS)
Durant la dernière décennie, les NGS ont été appliquées à l’ADN ancien, ouvrant de nouvelles perspectives à la paléogénétique qui deviendra la paléogénomique : reconstruction de génomes d’organismes anciens ou éteints, compréhension des paléoclimats, démographie des populations anciennes ou étude d’agents pathogènes . L’approche paléogénomique est mieux adaptée à l’ADN ancien que les approches fondées sur la PCR (paléogénétique) car elle n’est pas affectée par les variations de longueur des séquences des fragments. Une des avancées majeures est la possibilité de séquencer des millions de petites séquences («reads» en anglais) en parallèle, augmentant ainsi la quantité de données générées et réduisant les coûts . La technologie de NGS la plus utilisée actuellement dans le domaine est celle d’Illumina avec les appareils de séquençage MiniSeq, MiSeq, Hiseq et NextSeq, ces derniers ayant pratiquement remplacé les autres séquenceurs issus de technologies différentes . Trois principales approches sont envisageables en fonction de la cible ou de l’information recherchée et de la nature des échantillons archéologiques : le shotgun, la capture et le métabarcoding. Concernant l’analyse des microbiomes, ces techniques permettent l’identification taxonomique de l’ensemble des espèces bactériennes dans un environnement donné ou le ciblage spécifique d’un pathogène (83). Parmi les critères de qualité les plus importants dans l’authentification de reads générés par NGS à partir de séquences anciennes retenons: -la profondeur, exprimée en « x », il s’agit du nombre de reads couvrant une portion donnée d’un génome de référence. La profondeur permet d’évaluer la précision de l’analyse. -la couverture, exprimée en pourcentage. Il s’agit de la proportion du génome de référence couverte au moins une fois par un read. Une couverture et une profondeur importante permettent l’identification précise et fiable de génomes de microbes anciens.
Préparation des échantillons
Avant tout traitement, il est conseillé de prendre des photos des échantillons et d’enregistrer les signes pathologiques qui peuvent y être associés, car les protocoles entraînent souvent la destruction de tout ou partie de la pièce archéologique. Par exemple, avant d’échantillonner une dent, on notera sa localisation sur l’arcade, l’usure, la présence de tartre et de pathologies buccodentaires (84). L’échantillon est ensuite décontaminé au laboratoire d’ADN ancien (voir chapitre 1.5) de façon chimique (hypochlorite de sodium, EDTA…) et/ou physique (rayons UV, abrasion mécanique avec un instrument stérile…). Puis la partie d’intérêt de l’échantillon (dent entière, pulpe dentaire, cément, tartre…) est prélevée, en fonction de l’ADN ciblé (endogène humain et/ou microbien) et réduite en poudre par broyage. Le cryobroyage de l’échantillon sous azote liquide à -196°C permet de prévenir la dégradation potentielle de l’échantillon due à l’échauffement pendant cette étape (25, 85).
Extraction de l’ADN
Les méthodes de NGS débutent toutes avec l’extraction de l’ADN : il existe actuellement un nombre croissant de méthodes d’extraction, adaptées soit au support biologique qui contient les molécules (os, dent, bois, sédiment, etc.) soit aux techniques employées post PCR. Par exemple, pour des échantillons dentaires, osseux ou de tartre, l’extraction passera par une étape de décalcification de la matrice. Les techniques d’extraction, en faisant varier le temps, la température, les tampons utilisés, cherchent à maximiser les quantités d’ADN endogène extraites tout en minimisant les inhibiteurs co-extraits (62). Elles doivent également permettre d’obtenir des fragments de taille compatible avec la suite des analyses, être reproductibles et donner une représentation fidèle de la diversité microbienne (86). Des blancs d’extractions doivent obligatoirement être traités en même temps que les échantillons, afin de vérifier l’absence de contaminations à cette étape (voir chapitre 1.6) (33).
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