Etude de nanoménisques par AFM et MEB
Microscopie à force atomique
La microscopie à force atomique est une technique puissante d’étude de la matière à l’échelle du nanomètre. Inventée en 1986 [34], elle a rapidement pris une place prépondérante dans la recherche de par son caractère polyvalent. De son mode de fonctionnement le plus basique (mode contact) à des modes plus complexes et spécifiques (mode électrique, magnétique, etc.), l’AFMii est un outil polyvalent pour des études de la molécule unique à la cellule biologique. L’AFM appartient à la famille des microscopes à sonde locale. L’idée est de venir sonder la matière à l’aide d’une pointe de dimension nanométrique en utilisant les interactions interatomiques et électrostatiques entre la surface et la sonde (Figure I-1 (b)). La sonde est une pointe fixée au bout d’un levier. La déflexion du levier est généralement mesurée par un faisceau laser réfléchi sur celui-ci et capté par une photodiode à quatre quadrants (Figure I-1 (a)). D’autres techniques de mesures de déflexion sont également employées, comme par exemple l’interférométrie laser [45], la piézoélectricité [46], la piézorésistivité [47], la mesure capacitive [48], et historiquement le STMiii [34]. L’AFM est principalement utilisé pour de l’imagerie de surface : la pointe balaye la surface afin de mesurer sa topographie. La distance pointe-surface étant maintenue constante par une boucle d’asservissement, la hauteur de la pointe donne la hauteur relative de la surface en chaque point (Figure I-1 (b)). L’exploitation des signaux permet d’obtenir d’autres données quantitatives (adhésion, élasticité, etc.). Dans le cas d’un contact entre une pointe et une surface solide non chargées, la pointe, lorsqu’elle s’approche de la surface, est d’abord attirée par les forces de Van der Waals, puis les forces de répulsions entre nuages électroniques (Pauli) entrent en jeu et la pointe est repoussée (Figure I-2).L’AFM se décline en plusieurs dizaines de modes de fonctionnement différents [49]. Le mode contact, le mode tapping (ou contact intermittent), et le mode non-contact sont principalement utilisés. Le mode contact va exploiter les forces répulsives (en rouge sur la Figure I-2). Il est très facile à mettre en œuvre : une boucle de rétroaction maintient constant le signal électrique transmis par la photodiode pour avoir une déflexion du levier invariante. La pointe suit donc la topographie de la surface. L’inconvénient majeur de cette technique est qu’elle ne permet pas d’imager des matériaux mous ou fragile au risque de les abimer lors du passage de la pointe. Afin de préserver les matériaux étudiés et de garder la pointe la plus fine possible un autre mode a été développé : le mode noncontact.
Mode contact
La spectroscopie de force en mode contact consiste à approcher la pointe d’une surface et d’enregistrer la déflexion du levier en fonction de la hauteur de la pointe. En connaissant la raideur du levier, la force de l’interaction entre la pointe et la surface est déterminée en tout point. Cette technique peut être utilisée pour l’étude des liquides et plus particulièrement de nanoménisques et de la ligne de contact. La pointe de taille nanométrique permet de sonder la force capillaire à une taille difficilement accessible par d’autres techniques. L’étude des nanoménisques est fondamentale pour la recherche, notamment l’imagerie AFM sous conditions ambiantes. Un nanoménisque se forme en raison de la fine couche d’eau de quelques nanomètres adsorbée à la surface ou par condensation capillaire [51, 52]. La contribution de la force capillaire est à prendre en compte pour des études mécaniques locales du matériau . Les nanoménisques jouent également un rôle clef dans de nombreux processus industriels, ils assurent la cohésion des milieux granulaires hydratés [55], mais peuvent se révéler destructeurs pour les disques durs [56]. De nombreuses études ont été menées [57-65]. On peut citer par exemple l’étude de la force capillaire en fonction de l’humidité qui met en évidence des évolutions non triviales qui ne peuvent être expliquées que par la prise en compte de la géométrie de la pointe à l’échelle nanométrique [66]. La technique de dépôt contrôlé de gouttes nanométriques (NADIS) a permis d’étudier de façon précise et complète les forces capillaires en jeu [67], elle sera évoquée dans le chapitre V. Le développement des pointes AFM à haut facteur de forme (nanocylindres, nanotubes de carbone) a permis de sonder les forces capillaires lorsque la pointe est immergée dans un liquide. Ces mesures permettent de connaitre la forme générale de la pointe [68] (Figure I-4 (a)) et de caractériser sa surface [69]. À une échelle plus nanométrique, un nanotube de carbone est plongé dans un liquide et par l’étude de l’ancrage de la ligne de contact sur des défauts nanométriques individuels, l’énergie dissipée par la ligne de contact sur chacun de ces défauts est mesurée [44] (Figure I-4 (b)). Ce point sera discuté chapitre VI.
Bruit thermique
La méthode est similaire à celle décrite précédemment, excepté qu’au long de l’immersion dans le liquide la pointe est immobilisée et les fluctuations thermiques du levier sont enregistrées en fonction de la fréquence. Le levier n’est pas excité par l’AFM mais seulement par énergie thermique : cette mesure est donc dite passive. Le levier possède une fréquence de résonance propre qui fait apparaitre un pic sur le spectre en fréquence (Figure I-5, courbe noire). Lorsque la pointe est partiellement immergée dans le liquide, l’interaction liquide-pointe modifie le spectre du bruit thermique : le maximum de la résonance se décale et le pic s’élargit (courbes bleu et rouge). Plusieurs modèles permettent de déduire les propriétés mécaniques de l’interaction, notamment en utilisant le théorème de fluctuation-dissipation .Plusieurs études ont été menées et ont montré que l’AFM permet de mesurer quantitativement les propriétés rhéologiques des liquides. La viscosité est mesurée [20], et dans ce même papier l’extrapolation des mesures à fréquence nulle est utilisée pour déduire une friction liée à la ligne de contact. Un AFM très bas bruit a été développé au laboratoire de physique de Lyon [71] et a permis d’améliorer grandement la précision des mesures [72] grâce à un montage original. Un interféromètre à quadrature de phase mesure la déflexion du levier à partir d’un laser réfléchi à son extrémité qui est comparé à un laser réfléchi sur le support du levier. Cette double mesure permet une précision accrue, une très large gamme de fonctionnement (1 Hz à 1 MHz), et une autocalibration de la déflexion. Des données issues de cette expérience seront analysées au chapitre IV. Cet AFM a également été utilisé pour étudier l’adhésion de nanotubes sur une surface [73] et mesurer quantitativement l’énergie d’adhésion, la courbure, ou encore la raideur du nanotube. Dans le cas des liquides, la méthode de détection du bruit thermique reste toutefois limitée à des tailles de sondes micrométriques.
Introduction |