Etude expérimentale et modélisation de la structure de nanoparticules magnétiques
Effet de la taille sur le magnétisme
Les métaux magnétiques 3d
Le magnétisme est une des principales propriétés modifiées par l’effet de taille. Ainsi, des métaux magnétiques 3d présentent sous forme de clusters un moment magnétique par atome plus élevé qu’à l’état massif. Par exemple, dans des clusters de cobalt contenant entre 65 et 215 atomes, D. C. Douglass et coll. ont mesuré un moment magnétique interne de 2, 24±0, 14µB/atome1 au lieu de 1,71 µB/atome pour le cobalt massif . Des mesures similaires portant sur des clusters de fer de 25 à 130 atomes ont donné un moment de 3 µB/atome à une température de 120K. Ce moment magnétique baisse lorsque la taille du cluster augmente, pour atteindre la valeur du massif (2,2 µB/atome) vers 500 atomes . Enfin, des clusters de cobalt de 1,6 nm de diamètre, synthétisés dans des conditions identiques à celles de notre étude, présentent un moment magnétique par atome, 1, 94 ± 0, 04µB, également supérieur à celui du massif [7]. Des études théoriques sont venues appuyer ces résultats expérimentaux. F. Liu et coll., par exemple, ont calculé les densités d’états des métaux 3d magnétiques (Fe, Co, Ni) dans un modèle de liaisons fortes afin de déterminer la relation structure-magnétisme [8]. Ils ont montré que le moment magnétique par atome augmente lorsque le nombre d’atomes magnétiques dans la première sphère de coordination diminue. Ils l’expliquent par la diminution du recouvrement des orbitales atomiques quand la coordination diminue, ceci menant à une densité d’états plus découpée. 1µB : magnéton de Bohr, 9,2741.10−24 Am2
Les métaux non magnétiques
L’effet de taille ne fait pas qu’amplifier un magnétisme déjà présent à l’état massif. De récents calculs ont prévu l’apparition d’un ordre magnétique lorsque la taille diminue dans des systèmes de matériaux normalement non magnétiques. Ainsi, des calculs combinant la dynamique moléculaire et l’ab initio utilisant la théorie de la fonctionnelle de la densité (DFT), réalisés sur des clusters de rhodium de moins de 13 atomes ont montré que la plupart présentent un moment magnétique par atome non nul [9, 10]. Par exemple, le cluster de 13 atomes de rhodium devrait posséder un moment magnétique par atome de 1,46 µB. Avec ce même formalisme de la DFT, L. Wang et coll. trouvent des moments par atome de 1,5 et 1,3 µB pour Rh13 de géométrie respectivement cuboctaédrique et icosaédrique . Par contre, en utilisant un modèle de liaisons fortes R. Guirando-Lopez ne trouve qu’un moment de 0,77 µB/atome en moyenne pour Rh13 . Un autre calcul prévoit 1 µB/atome pour ce même cluster. Il y a donc des incertitudes quant à la valeur correcte mais tous ces calculs s’accordent sur le fait que les petits clusters de rhodium sont magnétiques. L’apparition du magnétisme est également prévue dans d’autres matériaux 4d ou 3d non magnétiques. Ainsi le ruthénium serait magnétique lorsqu’il est sous la forme de clusters de moins de 19 atomes .D’un point de vue expérimental, le magnétisme a été confirmé pour des éléments 3d comme le vanadium et le chrome ainsi que pour certains éléments 4d. Par exemple, l’étude de A. J. Cox et J. G. Louderback [15, 16] sur des clusters de métaux 4d comme le rhodium, le ruthénium et le palladium, a permis de mesurer un moment magnétique de 0,48±0,2 µB pour Rh13. Ce moment diminue fortement lorsque la taille augmente et devient négligeable à partir de 60 atomes. Aucun moment magnétique n’a pu être détecté au cours d’expériences similaires dans les clusters de Ru et Pd.
Effet d’alliage entre un métal magnétique 3d et un métal non magnétique
Des éléments non magnétiques sous forme massive peuvent donc présenter un moment magnétique non nul lorsqu’ils sont en petites tailles. Mais ce n’est pas le seul moyen de les rendre magnétiques. En dehors de l’effet de taille, l’alliage ou le voisinage de ces éléments avec des métaux 3d magnétiques peut induire un magnétisme sur les premiers. Par exemple, sur un substrat magnétique comme le fer, une monocouche de rhodium en épitaxie présente un moment magnétique de 0,82 µB/atome [17]. On retrouve le même effet dans des monocouches de rhodium ou ruthénium sur du cobalt où une polarisation induite a été mesurée [18]. Ce magnétisme est bien dû au substrat et non à l’état de monocouche car sur un substrat non magnétique aucune polarisation n’a été mesurée dans Rh et Ru, alors qu’elle était pourtant prévue. D’après des calculs dans le formalisme DFT avec polarisation en spin, des particules de rhodium dans une matrice de nickel seraient elles aussi magnétiques jusqu’à une taille de 43 atomes . Les clusters de 13 et 19 atomes de Rh dans le Ni possèdent des moments magnétiques plus faibles que les clusters libres de même taille, par contre, le cluster de 43 atomes qui libre est non magnétique reste encore ferromagnétique dans la matrice de nickel. Une association plus intime de ces deux types de métaux provoque également une aimantation induite. Des impuretés de fer dans du palladium induisent une polarisation de spin sur environ 5 nm d’étendue dans le palladium [24]. Dans l’alliage CoRh massif, des calculs avec le modèle de liaisons fortes par G. Moraitis et coll. [25] et des mesures expérimentales de dichroïsme magnétique par G. R. Harp et coll. [26] ont prouvé que le rhodium porte un moment magnétique non nul. Les valeurs théoriques d’une structure ordonnée hexagonale de Co3Rh1 (µCo = 1, 50µB, µRh = 0, 51µB) sont en bon accord avec les valeurs expérimentales de la composition Co77Rh23 (µCo = 1, 34µB, µRh = 0, 64µB).
Les applications possibles en magnétisme : intérêt des assemblages
Grâce à ces effets de taille, les nanoparticules magnétiques ont de fortes potentialités d’application, notamment pour les mémoires haute densité. Les mémoires nécessitent des particules ferromagnétiques à température ambiante et de très forte anisotropie afin de conserver l’information. Cette propriété conditionne essentiellement le choix du matériau magnétique. Les plus fortes anisotropies ont été obtenues dans des alliages CoPt et FePt. Une anisotropie de forme (ellipse ou bâtonnet) renforce également l’anisotropie magnétique des particules. Pour que les particules restent ferromagnétiques à température ambiante, leur taille ne doit pas être trop petite (de l’ordre de 10 nm). En effet en dessous d’une taille critique elles ont un comportement superparamagnétique : à température ambiante leur spin s’oriente aléatoirement et ne garde pas une direction fixe (cf. annexe C). Ainsi, les particules qui présentent les propriétés les plus exaltées, typiquement celles dont le diamètre demeure bien inférieur à 5 nm, sont d’un intérêt fondamental considérable mais ne sont pas adaptées aux applications envisagées actuellement. Il faut donc choisir entre avoir un effet de taille important ou conserver un état ferromagnétique à température ambiante. Si on renonce à l’effet de taille, un bon candidat pour les applications est un matériau constitué de particules de 10 nm de diamètre environ et électriquement isolées. En effet lorsqu’un matériau conducteur est soumis à un champ électromagnétique variable, il est parcouru de courants parasites appelés courants de Foucault. Ces courants provoquent une perte d’énergie par effet Joule et un échauffement, ce qui n’est pas favorable dans la plupart des cas.
Introduction |
