Etude de l’évolution des propriétés mécaniques et de la sensibilité à la fissuration intergranulaire
Irradiations aux ions
L’objectif de cette étude est d’étudier l’impact de différentes microstructures d’irradiation sur la fissuration intergranulaire, notamment avec la présence de cavités d’irradiation intragranulaires mais aussi intergranulaires. Par ces irradiations aux ions, on tente donc d’obtenir des populations de défauts proches de celles obtenues en REP, et d’autres considérées comme microstructures modèles.
Conditions d’irradiation
Dans cette étude, les irradiations aux ions lourds sont utilisées. En effet, elles permettent d’atteindre des flux de doses importants de l’ordre de 10-3 dpa/s et d’atteindre ainsi un dommage important en quelques heures seulement sans activer la matière. Par ailleurs, J. Gupta (Gupta 2016) a montré dans ses travaux la possibilité de sensibiliser un acier austénitique inoxydable à la fissuration par corrosion sous contrainte en environnement REP après irradiations aux ions lourds. Le dommage d’irradiation n’est pas le seul endommagement que permet de simuler les irradiations aux ions. Lors d’irradiations aux neutrons des aciers austénitiques, de l’hélium se forme par transmutation du nickel et du bore . La concentration en hélium augmente avec la dose d’irradiation. Elle a été évaluée à environ 15 appm/dpa en conditions REP (Garner 2012). La formation d’hélium peut être simulée par l’implantation d’ions hélium. Cet ion léger provoque peu de dommage d’irradiation lorsqu’il est implanté et perturbe peu le profil de dommage lors d’une irradiation aux ions lourds. Les irradiations aux ions lourds ont été conduites sur la plateforme JANNuS-Saclay. La plateforme possède plusieurs accélérateurs permettant notamment de coupler 3 faisceaux simultanément dans une même chambre d’irradiation. L’accélérateur Epiméthée a permis d’obtenir le faisceau d’ions fer utilisé pour induire le dommage d’irradiation. L’accélérateur Pandore a servi pour obtenir le faisceau d’ions hélium pour simuler le phénomène de transmutation. Epiméthée a également permis l’implantation d’ions hélium lors d’une pré-implantation. Les chambres d’irradiations « 3F » et « E3 » ont été utilisées pour réaliser les irradiations. La chambre « 3F » est la chambre permettant de réaliser des expériences à triple faisceaux. Dans chacune des deux chambres, le contrôle thermique des échantillons lors de l’irradiation se fait à l’aide de quatre thermocouples placés sur le porte-objet chauffant et sur le bord des échantillons à irradier comme indiqué sur la Figure II-10b). Un dernier thermocouple permet d’assurer la régulation de la chauffe. Celui-ci n’est pas placé sur les échantillons pour ne pas être impacté par la montée en température des échantillons sous faisceau. Une expérience d’irradiation se déroule en différentes étapes. Dans un premier temps, le porte échantillon est placé en contact avec le four de la chambre et les thermocouples en contact avec les échantillons sont connectés depuis l’intérieur de la chambre. La chambre d’irradiation est mise sous vide par pompage durant un minimum d’une nuit avant le démarrage de l’irradiation. Avant le début de l’expérience, le piège froid est mis en fonction. Il s’agit d’un anneau thermiquement conducteur qui est relié à un flux d’azote liquide. Cet outil permet de piéger les impuretés contenues dans le volume de la chambre et ainsi d’améliorer le vide. Une fois le vide suffisant (pression de la chambre <10-4 Pa), les échantillons sont mis en chauffe. La température visée avant irradiation est inférieure d’environ 25 degrés (cette valeur dépend de l’élément et du flux) à la température cible, du fait de l’effet thermique du flux d’ions. Une fois la température atteinte, les échantillons sont mis sous faisceau. La température des échantillons est ajustée en fonction de l’échauffement des échantillons lors de la mise sous flux. Au fil de l’irradiation, des mesures périodiques du flux sont réalisées à l’aide de cages de Faraday. Ces cages sont présentes au sein des chambres E3 (5 cages) et 3F (7 cages) et permettent de mesurer le courant induit par le faisceau d’ions. En connaissant notamment la charge des ions utilisés et les dimensions des cages, ces mesures de courant permettent d’obtenir une mesure du flux d’ions en ions.cm-2 .s-1 . Le suivi régulier du flux d’ions permet de s’assurer de la stabilité du faisceau et également de calculer la quantité d’ions implantés en ions.cm-2 . Si les mesures entre les différentes cages sont hétérogènes entre elles, cela peut indiquer que le faisceau est mal aligné. Si tel est le cas, un réalignement du faisceau est effectué jusqu’à obtenir des mesures homogènes entre les différentes cages.
Préparation des échantillons
L’irradiation aux ions lourds est choisie pour obtenir un dommage d’irradiation conséquent en peu de temps. Deux types d’échantillons ont été irradiés (Figure II-9) : des éprouvettes de traction de type dog-bone pour réaliser des essais de traction en autoclave ainsi que les essais de traction insitu, et des barres pour réaliser les caractérisations microstructurales post irradiation. Lors de l’irradiation, les barres et les éprouvettes dog-bone sont placées sur un porte-échantillon comme le montre la Figure II-10a. Les échantillons ont été prélevés dans la direction TL sauf dans le cas de l’irradiation aux ions fer à 600°C – qui fût la première irradiation réalisée dans le cadre de cette thèse – où les éprouvettes ont été prélevées dans le sens LT en raison d’un mauvais repérage des directions métallurgiques sur le bloc utilisé. Les attaques chimiques, réalisées après cette première irradiation, ont permis d’identifier les directions correctes du bloc à partir de l’orientation de la ferrite. Les éprouvettes et les barres ont été prélevées à plus de 3 mm des surfaces inférieures et supérieures du bloc afin d’éviter les effets de bords. Des plaques de dimensions 20x40x1 mm3 ont également été irradiées (Fe-450 et Fe-He-600) à partir desquelles les éprouvettes et barres ont été usinées après les irradiations. Les éprouvettes et les barres sont polies après usinage. Un bon état de surface est requis pour permettre une pénétration homogène des ions et éviter des points chauds lors de l’irradiation. L’ensemble des échantillons dédiés à une irradiation a été poli en même temps sur un même support (voir Figure II-11), afin d’éviter les différences d’épaisseur qui pourraient survenir lors d’un polissage individuel de chaque échantillon. On obtient ainsi une différence d’épaisseur maximale de 50 µm entre les échantillons. Le polissage groupé permet également d’assurer un même état de surface entre les échantillons. Les artefacts de polissage sur les bords sont évités en disposant une barre sacrificielle de chaque côté (Figure II-11). Ces barres ne sont pas utilisées par la suite. Les échantillons sur leur support sont mécaniquement polis à l’aide de papiers abrasifs SiC de grades 320, 600, 1200 puis 2400. Entre chaque étape, le montage est nettoyé au jet d’eau. L’épaisseur est contrôlée systématiquement avant le passage à un grain plus fin pour vérifier que la perte en épaisseur n’est pas trop conséquente. La pâte diamantée est ensuite utilisée sur un drap ALS. Des granulométries de 6µm, 3µm, 1µm puis 1/4 µm sont successivement utilisées. Les mêmes processus de nettoyage et de vérification sont appliqués aux échantillons entre chaque granulométrie.
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