Analyse des séances
Les résultats de l’étude de l’action professorale instrumentée, capitalisés dans les chapitres précédents, relèvent à la fois de l’outil TBI et de son appropriation en un instrument de travail. Ils relèvent également de la dynamique des schémas orchestratifs instrumentés dans la conduite du jeu en classe. Il s’agit dans ce présent chapitre d’organiser la confrontation de ces résultats relevant en partie du déclaratif avec le jeu effectif et contraint de la classe en se plaçant dans le cadre de la théorie de l’action didactique conjointe. Dans notre hypothèse d’une action didactique conjointe, c’est un processus également conjoint qui, dans une perspective d’enseignement médié par la technologie, participe à la constitution des artefacts en instruments. La TACD propose de distinguer trois niveaux de description de l’action conjointe : déterminer le jeu, faire jouer le jeu et construire le jeu. L’hypothèse que nous faisons est que l’action didactique conjointe l’est relativement à ces trois niveaux de description, en particulier, l’activité instrumentée du professeur peut être analysée à ces trois niveaux. Le niveau de la construction du jeu atteste de l’importance accordée, pour la compréhension des transactions instrumentées, au travail de préparation et aux tâches que l’enseignant choisit pour penser et organiser son enseignement. Nous organisons en conséquence la confrontation avec le déclaratif à partir de l’étude de deux pôles que sont d’une part l’activité de conception et d’autre part la gestion orchestrative des jeux instrumentés dans la classe. Les matériaux nécessaires à cette enquête relèvent à la fois des ressources construites avec l’outil et d’un découpage codifié des séances. Ils sont par ailleurs conséquents, compte tenu de la dizaine de séances à notre disposition. L’investigation de ces deux pôles est conduite en permettant la confrontation avec le déclaratif, tout en tenant compte de la densité des matériaux pour l’analyse. Dans le détail, notre première intention est d’investir le niveau de préparation du jeu à tra- vers l’activité de conception des ressources TBI par l’enseignant. Cette activité de conception est regardée comme l’une des composantes du travail documentaire du professeur. Le point de vue adopté ici n’est cependant pas celui de l’approche documentaire mettant l’accent sur la genèse documentaire du point de vue du sujet enseignant. Il s’agit plutôt de l’examen de la façon dont l’artefact, les tâches proposées aux élèves et les enjeux de savoir participent à orienter et contraindre l’activité de conception de l’enseignant menée dans l’environne- ment TBI, dans la construction du jeu épistémique.
Il s’agit d’étudier les techniques de conception instrumentées mises en oeuvre et leur valence mésogénétique, topogénétique et chronogénétique. C’est l’exercice de l’expertise instrumentale des enseignants ainsi que leur appréhension de l’outil TBI au service de l’enseignement/apprentissage des mathématiques que nous souhaitons confronter avec le déclaratif. Nous précisons les moyens de notre action,la méthodologie spécifique déployée et les résultats de cette étude dans la première partie de ce chapitre. Notre seconde intention relève de l’étude de la dynamique des jeux instrumentés dans la classe. Nous souhaitons questionner la manière dont l’enseignant utilise l’outil pour mettre en scène les différents jeux, organisateurs de l’action mathématisante des élèves. Parce que nous souhaitons en particulier quantifier cette action enseignante, notre échelle d’étude est macroscopique : la séance. La TACD se place dans une perspective de modélisation de l’action enseignante, structurée en quatre axes : définir, dévoluer, réguler et institutionnaliser, l’hypothèse étant faite que ces processus d’action concourent à déterminer la place de l’enseignant et celle de l’élève, le temps d’enseignement et celui de l’apprentissage ainsi que les milieux des situations et les rapports aux objets de ces milieux. La confrontation avec le déclaratif s’organise ici par l’examen et la quantification de l’activité instrumentée de l’enseignant et des élèves au sein de ces différents processus d’action, en lien avec les différents schémas orchestratifs qu’elle soutient. La seconde partie de ce chapitre est dévolue à ce travail.
La construction du jeu est envisagée dans la TACD comme un des éléments descripteurs de l’action didactique du professeur. Il rend compte du fait que si le jeu didactique possède une grande part de contingence dans le fonctionnement in situ, il reçoit cependant son architecture fondamentale dans le travail de préparation conduit par l’enseignant en amont. La TACD propose par ailleurs un triplet génétique (mésogénèse, chronogénèse, topogénèse) pour rendre compte du caractère conjoint de l’action professorale. En faisant l’hypothèse d’une action didactique globalement conjointe, la TACD autorise une étude de la construction du jeu à partir de ces trois genèses : il s’agit d’examiner comment le professeur joue la construction du jeu, c’est à dire, dans son travail de préparation, comment sont pensés les enjeux de savoir, les tâches données aux élèves, les objets constitutifs du milieu ou bien encore le partage des responsabilités entre les différents acteurs.