MODELISATION CLIMATIQUE DU BASSIN MEDITERRANEEN
Sous la surface de l’eau Variabilité interne
La variabilité de la mer Méditerranée est principalement imposée par ses for¸cages externes liés aux flux océan-atmosphère. Cependant, elle possède une variabilité interne non négligeable dˆue aux nombreux processus physiques qui s’y déroulent et y interagissent. Cette variabilité induite par les processus internes va de l’échelle quotidienne à l’échelle interannuelle (Robinson et al., 2001). La formation de la LIW, son parcours à une profondeur intermédiaire, l’influence du vent sur ce parcours, son utilité dans le préconditionnement de la formation de l’EMDW et de la WMDW, … font de cette masse d’eau une bonne source de variabilité interne (Myers et al., 1998a). Les tourbillons dont la formation et la durée de vie comportent une part d’aléatoire ainsi que l’instabilité des courants cˆotiers font partie de cette variabilité interne (Alhammoud et al., 2005). La carte de la figure 1.6 mentionne les principaux tourbillons en Méditerranée. Fig. 1.6 – Carte de la circulation de surface de la mer Méditerranée mentionnant les principaux tourbillons, extraite de Iudicone et al. (1998). Cycle saisonnier Le cycle saisonnier est imposé par les for¸cages externes (flux océan-atmosphère, eau Atlantique, Mer Noire, fleuves). Sous leur influence, la Méditerranée suit un cycle très marqué visible sur les champs de surface (SST, SSS8 , densité) mais aussi sur les transports 8SSS : Sea Surface Salinity 12 Chapitre 1 : Introduction générale aux détroits (Vignudelli et al., 2000; Béranger et al., 2004, 2005), les tourbillons quasipermanents et les courants (Alhammoud et al., 2005), la profondeur de la couche de mélange (D’Ortenzio et al., 2005) et le phénomène de convection profonde (MEDOC Group, 1970). Variabilité interannuelle Les for¸cages extérieurs et en particulier les flux océan-atmosphère induisent également une variabilité interannuelle marquée. Plusieurs auteurs l’étudient avec les données observées disponibles. On peut citer Béthoux et al. (2002) pour la variabilité interannuelle de la convection sur le plateau continental du Golfe du Lion et Mertens and Schott (1998) pour celle en pleine mer conduisant à la formation de la WMDW. Ces mêmes auteurs dressent un historique des caractéristiques de la WMDW. Notons que les transports aux détroits présentent également une variabilité interannuelle. Cependant, l’océan n’est pas aussi facile à mesurer que l’atmosphère et des données continues sur de longues périodes et spatialement bien réparties manquent cruellement (Briand, 2002). Même les études les plus récentes restent très limitées en terme de variabilité interannuelle lorsqu’elles sont basées sur des observations. Rixen et al. (2005) s’intéressent à la variabilité interannuelle et aux tendances concernant la température et à la salinité. Le manque de données ne leur permet pas de découper la Méditerranée en plus de 6 boites (Ouest-Est et 3 boîtes sur la verticale). Ils obtiennent cependant des résultats intéressants en montrant l’existence d’une variabilité décennale avec par exemple un refroidissement assez général entre 1975 et 1985 pour la couche intermédiaire (150-600 m, bassin Est et Ouest, -0.02˚C/an environ) encadré par deux périodes de réchauffement (1950-1975 puis 1985-2000). De même, le manque de données ne permet pas d’obtenir une série chronologique de la profondeur de la couche de mélange mais uniquement une climatologie moyenne (D’Ortenzio et al., 2005). Sans vouloir dénigrer les études réalisées ou réalisables avec les données observées concernant la variabilité interannuelle en mer Méditerranée, je veux souligner l’intérêt que peut avoir la modélisation numérique dans ce domaine. Elle permet en effet de combler les lacunes des données dans le domaine spatio-temporel. Le meilleur moyen d’y arriver est de réaliser des réanalyses incluant des schémas d’assimilation de données. De tels projets sont en préparation pour les années à venir grˆace à l’océanographie opérationnelle et motivés entre autres par la prévision saisonnière (projet MERCATOR, MFS, MERSEA). En attendant, forcer ou coupler un modèle océanique de mer Méditerranée avec un modèle climatique (méthode adoptée dans cette thèse) semble être la meilleure solution.
Impact des téléconnexions
Peu d’études ont été réalisées sur l’impact des grands modes de variabilité du système climatique sur les variables océaniques en Méditerranée. Cependant, comme pour le climat méditerranéen, la NAO semble avoir un impact non négligeable, ce qui n’est pas le cas de l’ENSO. Tsimplis and Josey (2001) montrent que la NAO a un impact sur le niveau de la mer par l’intermédiaire de l’évaporation, des précipitations et de la pression atmosphérique. Des années 60 aux années 90, la NAO a connu une période fortement positive. Cela s’est traduit par une diminution du niveau de la mer Méditerranée. Les auteurs de cette étude affirment également que cette phase positive prolongée a pu déclencher l’EMT en changeant le flux d’eau du bassin Méditerranéen : moins de dépressions, air plus chaud et plus sec, d’o`u plus d’évaporation, moins de précipitations et moins de débits pour les fleuves ont conduit à une augmentation de la salinité de surface dans le bassin Est. Le lien entre NAO et EMT mentionné par Robinson et al. (2001) est renforcé par l’étude de Demirov and Pinardi (2002) mais contredit par celle de Josey (2003). Tsimplis and Rixen (2002) prouvent également que la phase positive de la NAO implique un refroidissement des SSTs de l’Adriatique et de la mer Egée entre 1960 et 1990 et par conséquent une diminution du niveau de la Méditerranée Est. Cette tendance s’est inversée à partir de 1993 avec un réchauffement et une augmentation du niveau de la mer. Concernant la Méditerranée Ouest, un travail pionnier (mais sur une courte période, 1985-1996) a été réalisé par Vignudelli et al. (1999) liant NAO et transport dans le détroit de Corse. Sur la période 1960-2000, Rixen et al. (2005) utilisent la réanalyse NCEP-NCAR pour montrer que la NAO explique 23% de la variabilité des anomalies de flux de chaleur dans la zone du Golfe du Lion. La NAO positive entraîne une perte de chaleur plus faible au dessus de la zone de formation de la WMDW. Pour ces auteurs, cette téléconnexion explique au moins en partie le réchauffement des eaux de fond de la Méditerranée Ouest.
Scénario de changement climatique
Aucune étude n’est pour le moment disponible à notre connaissance sur l’impact du réchauffement climatique régional prévu pour le 21eme siècle sur les masses d’eau et la circulation en Méditerranée. La première a été faite dans le cadre de cette thèse et s’inscrit dans le cadre du projet fran¸cais GICC-MEDWATER10 et du projet européen PRUDENCE11. Signalons néanmoins les travaux de Thorpe and Bigg (2000) visant à étudier l’impact du réchauffement global sur les eaux méditerranéennes sortant à Gibraltar. Contrairement à notre étude qui se place aux échelles régionales, Thorpe and Bigg (2000) se basent sur un scénario atmosphérique basse résolution pour forcer le modèle de Méditerranée. L’importance de la variabilité multi-échelle de la mer Méditerranée et du bassin méditerranéen rend sa modélisation particulièrement intéressante. De plus, la question de l’évolution de la mer Méditerranée sous l’influence du réchauffement climatique et de l’action de l’homme en général est également ouverte. Dans ces domaines, seule la modélisation numérique 3D associée à un développement des observations in-situ de longue durée permettra de mieux observer, comprendre et prévoir les évolutions passées, présentes et futures de la mer Méditerranée.
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