Validation d’un questionnaire d’évaluation de la fatigue en Médecine Générale
Introduction
La fatigue est une plainte subjective dont la caractérisation est complexe. L’académie de médecine la définit comme une « sensation subjective de difficulté d’agir après un travail ou un effort physique, intellectuel, mental ou autre, que le sujet considère comme excessif ». Face à cette définition non spécifique, le psychosociologue Philippe Zawieja et quatre-vingt-onze auteurs ont participé à l’élaboration d’un Dictionnaire de la fatigue en 2016(1). Cet ouvrage fait appel à des spécialistes de disciplines variées, comme les sciences humaines et sociales ou les sciences de l’esprit. Il complète l’approche biomédicale de la fatigue et définit ses fondements anthropologiques. Face à ce caractère subjectif, il est nécessaire de faire préciser et d’évaluer la fatigue exprimée par les patients. En effet celle-ci peut s’inscrire dans des entités nosologiques différentes en fonction des personnes. Il faut savoir distinguer : fatigue physiologique, asthénie, essoufflement, sensation de malaise, dyspnée, faiblesse musculaire… On distingue plusieurs désignations pour la fatigue. Elle est dénommée physiologique lorsqu’elle résulte d’un déséquilibre entre effort, repos et alimentation, chez un individu en bonne santé. On la différencie de la fatigue pathologique qui n’est pas soulagée par le repos et qui peut être également désignée par le terme asthénie. Si elle est présente depuis moins de six mois, la fatigue est dite aiguë. Au contraire, si elle est présente depuis plus de six mois, elle est dite chronique.
Recommandations de bonne pratique
En France, le code de santé publique place le médecin généraliste au centre de la coordination des soins. En effet, dans de nombreuses situations, il est le premier contact entre le patient et le système de soin. Il prend en charge le patient dans sa globalité grâce à une approche centrée sur la personne tout en considérant avec attention son contexte social, culturel, individuel et familial. Il s’intéresse aux plaintes physiques et psychiques des patients(2) . Les recommandations de bonne pratique ont pour but de faciliter la pratique, d’améliorer la qualité et d’optimiser la prise en charge des patients. Elles correspondent à une référence établie par un groupe d’experts sur le sujet traité. Elles sont basées sur des études possédant le plus haut niveau de preuve possible, disponibles dans la littérature scientifique au moment de leur réalisation. En 2005, la Société Scientifique de Médecine Générale a rédigé des recommandations de bonne pratique de la plainte fatigue en médecine générale(3) . Celles-ci sont basées sur des études principalement descriptives et donc de faible niveau de preuve. En effet, à cette époque, un petit nombre d’études de haut niveau de preuve, concernant la fatigue en médecine générale, était disponible dans la littérature scientifique. L’objectif principal de ces recommandations était de proposer une conduite à tenir face à la plainte fatigue afin de différencier la fatigue physiologique de pathologique et d’adapter sa prise en charge en matière de diagnostic et de thérapeutique. Ces recommandations s’appliquaient à une fatigue aiguë qu’elles définissaient comme « une plainte subjective » pour laquelle « il n’existe pas de définition précise communément admise, fiable, cliniquement utilisable ou quantifiable ». La définition désignée comme représentant au mieux la pratique clinique était celle de Horn « la fatigue est une plainte résultant d’un déséquilibre entre ce qui doit être accompli et ce qui peut l’être »
Epidémiologie
Ces recommandations ont été rédigées face à la constatation d’un nombre élevé de consultations pour la plainte « fatigue » en médecine générale. En effet, des études réalisées dans plusieurs pays révélaient que ce motif de consultation était retrouvé parmi les dix plus fréquents en médecine générale. Elle représente donc un impact socio-économique important. Depuis 2005, de nouvelles études épidémiologiques ont été réalisées confirmant l’importance de la plainte fatigue en matière de santé publique. Les résultats ont globalement révélé des chiffres similaires en termes de prévalence et de facteurs associés à la fatigue. En effet, une étude publiée en 2019, concernant 2848 personnes âgées de 45 à 86 ans de la population de Lausanne, retrouvait une 4 prévalence de la fatigue de 21,9%. La prévalence chez les femmes (23,4%) était supérieure à celle des hommes (20,1%). Les critères secondaires de cette étude exploraient les facteurs associés à la fatigue. Ainsi l’obésité, l’insomnie, la dépression, l’anémie et l’état de santé autoévalué comme faible représentaient les facteurs associés positivement à la fatigue en analyse multivariée (5) . Une autre étude démographique publiée en 2017, sur la population adulte du nord de la Suède a précisé les facteurs associés à la fatigue. La population étudiée était composée de 1557 personnes de 25 à 74 ans. Après ajustement des autres facteurs, le sexe féminin et un temps passé assis par jour supérieur à sept heures trente étaient associés positivement à la fatigue de manière statistiquement significative. Au contraire, les hommes et femmes avec un statut socio-économique plus élevé, un niveau d’activité quotidienne plus élevé, un âge avancé et un état de santé autoévalué comme bon étaient associés négativement à la fatigue de manière statistiquement significative . Enfin, une étude transversale publiée en 2006, sur la population américaine âgée de 20 à 59 ans, a révélé que la fatigue est statistiquement associée à un indice de masse corporelle plus élevé, à un tour de taille plus important et à une activité physique limitée.
I. Introduction |