Durée de consultation et satisfaction en médecine
générale
La gestion du temps par le médecin
Les participants s’accordent à dire que c’est le médecin qui décide. M1 : « Je pense que c’est le choix réciproque des clientèles ; donc forcément les médecins qui autorisent des consultations longues et d’autres non. […] La durée que j’impose à mes patients et que je m’impose, est la durée acceptable à mon avis, parce que c’est celle que je suis capable de fournir et celle que je suis capable de supporter en même temps.» (FM1 p3-5) P7 : « C’est le médecin qui verra s’il a besoin de plus ou moins de temps. […] Je pense qu’il prend son temps. Et même s’il faut rester plus il reste plus sans que nous ont ait besoin d’intervenir. C’est lui qui juge son travail. » (FP2 p5) Mais la durée de consultation reste difficile à planifier (15). M1 : « La bonne durée c’est celle qui ne frustre pas, ni trop le docteur, ni trop le patient » (FM1 p13). Les médecins modulent leur planning et l’adaptent au mieux aux demandes. M7 : « J’ai le plaisir d’avoir 2 rythmes de travail. Le matin je suis en consultation libre. […] Ce sont des consultations avec seulement un motif. […] Et pour les autres patients qui veulent me voir un peu plus longtemps, il y a des consultations sur rdv les après-midis, et là je prends mon temps. » (FM2 p5) La majorité des praticiens fonctionne uniquement en consultations programmées, d’autres alternent. Ils sont cependant ambivalents : le sans RDV est souvent vécu comme anxiogène avec la pression de la salle d’attente pleine, pourtant les RDV peuvent aussi être stressants lorsque les patients s’accumulent (16,17). M9 : « C’est pas possible de faire de la bonne médecine parce qu’à partir du moment où le médecin est tendu avec un rythme et une salle d’attente où il n’y a pas de RDV, pour moi c’est pas possible de travailler. » (FM2 p4) M14 : « Quand on travaille sur rendez-vous, la problématique du temps, c’est qu’effectivement il ne faut pas être en retard. » (FM3 p3) Les docteurs remarquent qu’entre les consultations longues et courtes un équilibre se crée leur permettant de compenser un éventuel retard au fur et à mesure de la journée. 11 De nombreuses solutions ont été mises en avant pour mieux gérer le planning et éviter ou éponger le retard. Chacun s’adapte à sa manière : proposer des plages avec et sans RDV pour répondre aux besoins de tous, réserver des créneaux spécialement pour les urgences, fixer une durée de consultation idéale propre au médecin, prévoir les RDV longs en fin de journée. E. Contraintes judiciaires L’éventualité de poursuites pénales de la part des patients peuvent influer sur la pratique professionnelle. P5 : « On n’accepte pas trop qu’il se trompe, alors est-ce que en 5 minutes, en 10 minutes ou un quart d’heure on peut ? Ça je ne sais pas. » (FP1 p19)
Facteurs patients dépendants
Le motif de consultation
Au cours des entretiens, la nature de certains et la multiplicité des motifs sont clairement identifiés comme chronophages : les pathologies chroniques et complexes, le souhait du patient de faire une synthèse sur sa maladie, les urgences vitales (18), les sorties d’hospitalisation, etc. M7 : « Je trouve que plus c’est psychologique, plus ça dure longtemps.» (FM2 p2) M8 : « Le pire c’est celui qui décrit la douleur thoracique typique, […] là, on sait qu’on a explosé notre journée. » (FM2 p3) Les patients souhaitent une exploration de la sphère psychologique quasi systématique. Pour eux, cela est indispensable à la prise en charge globale. P4 : « La psychologie joue quand même sur notre être. On est 90 % plus dans la psychologie que dans la pathologie à mon avis. (FP1 p11) D’autres motifs apparaissent comme beaucoup plus courts : les pathologies aigües, le renouvellement d’ordonnance, la vaccination… Les certificats médicaux sont vécus par les patients comme un acte qui ne nécessiterait presque pas de consultation. P3 : « Moi ça ne me dérangerait pas que, en gros, et bien, il me fasse le certificat. Je viens, je le récupère. (FP1 p22) Les papiers administratifs tels les dossiers MDPH sont consommateurs de temps et agacent les médecins, alors qu’ils sont parfois importants pour les patients. M15 : « Les papiers de COTOREP, MDPH, ça me bouffe ! Les papiers ! Alors qu’on devait en avoir de moins en moins et qu’on en a de plus en plus. Ça me fait perdre beaucoup de temps ça ! » (FM3 p8) P9 : « C’est angoissant, c’est déplaisant, parce que je suis une personne et qu’il me disait « tous ces papiers-là ! », mais c’était pas des papiers, c’était ma santé ! » – P10 : « On avait l’impression de gêner. » (FP2 p8) Enfin, le motif caché et celui de « pas de porte » sont aussi apparus au cours des entretiens comme cassant le rythme et rallongeant la consultation.
Le patient dans son identité P14 : « L’âge des patients ! Si tu dois ausculter ma mère, ça va prendre un certain temps ! »
Le patient, en tant que personne, influence la durée : âge (19), pathologies, personnalité, propension à être bavard ou anxieux… Ses représentations personnelles et son expertise sur sa maladie (recherches internet) sont évoquées. L’état psychologique (besoin d’être écouté, besoin d’explication…) et la disponibilité psychique agissent également. C. La gestion du temps par le patient Les personnes soignées vont développer leurs propres stratégies pour gérer le temps. P10 : « Je m’étais fait un pense pas-bête et j’avais noté tout ce pourquoi je venais, parce que je ne me rappelle de rien en ce moment et donc je venais avec la liste. » (FP2 p13) P13 : « Avant d’aller le voir tu te disais « alors je hiérarchise », […] tu réfléchissais. » (FP3 p6) P10 : « On sait que là on monopolise un peu, on prévient qu’on va avoir un dossier pour que les RDV derrière se décalent. » (FP2 p7)
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