Adaptation de la méthode de travail des médecins
généralistes libéraux
Densité médicale et répartition des médecins
En 2010 la France comptait 261 378 médecins inscrits au tableau dont 200 045 en activité régulière pour 64,6 millions d’habitants (Annexe 1) . En 2018 , 296 755 médecins étaient inscrits au tableau dont 198 081 en activité régulière pour 67,2 millions d’habitants (8). Cette augmentation d’effectifs totaux contraste avec la diminution des actifs réguliers. On note en réalité une majoration de +67,6% des retraités actifs (non comptés dans l’activité régulière). La notion d’activité régulière est employée par le Conseil National de l’Ordre des Médecins (CNOM) pour faire référence à l’activité qualifiée de pleine par les médecins, c’est-à-dire hors activité intermittente ou cumul emploi-retraite. Sur 8 ans les effectifs de médecins généralistes en activité régulière (tous modes d’exercices confondus) ont diminué de 7% (- 6 460 professionnels) alors que les effectifs de médecins spécialistes ont augmenté de 4% (+ 4 515 professionnels). Effectivement de 2010 à 2018 les recensements sont passés respectivement de 94 261 à 87 801 médecins généralistes et de 105 764 à 110 279 médecins spécialistes. Cependant la diminution du nombre de médecins généralistes est plus importante que l’augmentation du nombre des spécialistes, ce qui conduit à une régression des effectifs totaux. De plus, l’augmentation de spécialistes est marquée par l’accroissement de l’inégalité de leurs répartitions avec à l’intérieur d’une même région certains départements qui souffrent d’une baisse de leurs effectifs alors que d’autres connaissent une augmentation (9). La France n’a donc jamais connu un taux aussi élevé de médecins inscrits à l’Ordre, tous statuts confondus, mais ils feront état de baisse au cours de la pro- 5 chaine décennie par les nombreux départs à la retraite de médecins qui ne seront pas remplacés (1). La DREES estimait en 2016 à 15 000 le nombre de départs à la retraite pour les dix années suivantes, avec un nombre d’installations prévu autour de 10 000 (10). Elle prévoit que les effets de l’augmentation du numerus clausus qui avait été amoindri dans les années 1990 ne soient perceptibles qu’en 2030 (11). Ce phénomène de diminution démographique médicale accentue les inégalités de répartition des médecins généralistes libéraux sur le territoire français. Les autres causes identifiées sont notamment les nouvelles aspirations professionnelles des jeunes médecins qui sont attirés par le milieu hospitalier afin d’exercer dans des services de gériatrie, d’urgences, d’infectiologie etc… après obtention d’un Diplôme d’Etudes Spécialisées Coplémentaires (DESC) . Ils portent également de plus en plus d’intérêt à la profession de Médecin à Exercice Particulier (MEP), qui consiste en une activité mixte ou réservée exclusivement à la spécificité choisie (acupuncture, médecine du sport, diététique médicale etc) entraînant une diminution du nombre de praticiens qui exercent exclusivement la médecine générale. De 2001 à 2015 le taux des médecins généralistes exerçant en libéral a chuté, passant de 69 à 63% (et de 49 à 36% chez les spécialistes), avec une régression particulièrement marquée chez les moins de 55 ans. Chez les moins de 35 ans la proportion de professionnels libéraux ou mixtes est stable mais les remplaçants représentent une part en forte augmentation (la moitié en 2015) (10). La féminisation de la médecine concourt également à la diminution du temps de travail dans la profession. Les femmes représentent 43% des médecins contre 30% en 1990, 53% des moins de 55 ans, et 44% des médecins généralistes (16). Même si le temps passé à gérer les tâches administratives est sensiblement le même chez les femmes et chez les hommes, les temps de travail hebdomadaire auprès du patient sont estimés respectivement à 41h et 46h30.
L’accès aux soins
Dans la littérature, la nature des soins en question est peu explicitée. Ils sont souvent considérés d’office comme médicaux, et l’accès aux soins des autres professionnels de santé est omis ou du moins non précisé (19). Cette composante rend la réflexion d’autant plus complexe qu’en fonction du type de soin, la difficulté d’accès sera plus ou moins importante: soins de premiers recours, de seconds recours, accès au médecin généraliste, au spécialiste, aux urgences, aux infirmiers libéraux, aux sages-femmes etc (20). De ce fait on peut aussi se poser la question du type d’accès concerné: est-ce un accès spatial avec une difficulté géographique? Un accès social en fonction de la couverture sociale? Un accès financier en fonction du secteur d’activité du praticien? (20) De manière générale l’accès au soin est étudié dans ses dimension socioéconomiques, géographiques, organisationnelles et politiques. Il n’y a jamais eu autant de professionnels de santé exerçant en France et jamais ils n’ont été aussi inégalement répartis sur le territoire (1). Cette inégalité se creuse avec le temps (21). Par exemple le Conseil national de l’Ordre des médecins a analysé sur dix ans (2007/2017) les variations des effectifs des médecins généralistes en activité totale: Une partie de la France voit sa démographie médicale s’améliorer dans tous les départements de la façade Atlantique, une large majorité des régions Auvergne-RhôneAlpes, et quelques départements hospitalo-universitaires (Nord, Somme,HauteGaronne, Doubs, Hérault, Indre-et -Loire, Maine-et-Loire, Vienne). Une autre partie voit le nombre de médecins diminuer sur une diagonale partant du Nord-Est jusqu’au Sud-Ouest (1). Le milieu d’installation des médecins généralistes libéraux voit quant à lui sa tendance s’inverser: ils étaient plus nombreux en secteur rural qu’en secteur urbain jusqu’à 2004, ce qui n’est plus le cas en 2015 avec respectivement pour 100 000 habitants: 86,5 et 85,4 médecins généralistes libéraux, contre 77,7 et 80,7 (21). Le paramètre géographique est un élément majeur qui conditionne l’offre de soins de chaque territoire. Effectivement pour la majorité des déserts médicaux, ils sont avant tout des déserts géographiques, présentant une faible densité de popula- 7 tion ce qui explique les inégalités anciennes inter et intra-régionales (19)(21). Par exemple le Limousin et la Bourgogne souffrent de l’éloignement géographique des spécialistes (libéraux et hospitaliers), la Corse et l’Auvergne, elles, cumulent un éloignement au niveau des soins de proximité et de la plupart des soins spécialisés (21). Il s’agit d’un paramètre sur lequel la marge d’actions reste étroite. Malgré les aménagements du territoire avec création de maisons de santé, ou la mise en place de mesures incitatives pour les jeunes médecins, le poids de la situation géographique reste lourd au fil des années. L’augmentation du numerus clausus ne saurait rectifier strictement cette problématique dans la mesure où elle n’influe pas sur la répartition géographique des futurs médecins, tout comme la liberté d’installation malgré l’instauration de mesures incitatives (21). En terme d’inégalités sociales, l’accès à une consultation médicale peut être problématique par la pratique des dépassements d’honoraires ou encore par le frein financier que représentent les transports en commun ou la possession d’un véhicule personnel . Les personnes vivant en situation précaire retardent de plus en plus leurs soins mais la réticence peut aussi venir des professionnels de santé lorsqu’il s’agit de recevoir ces patients sans couverture sociale (22). Or les Permanences d’Accès aux Soins de Santé (PASS) leur venant en aide ne sont pas développées dans toutes les communes. En parallèle, nombreux sont les médecins qui ne souhaitent pas s’installer dans des territoires où ils se sentent en insécurité. Ainsi l’expression de « désert médical » peut s’appliquer également à certaines zones urbaines sensibles et même à des centres-villes (3).
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