Le diabète gestationnel
Facteurs de risque du diabète gestationnel
Les facteurs de risque de DG sont sensiblement différents selon les pays et selon les institutions médicales. En France, les recommandations (17) parues en 2010 du Collège National des Gynécologues et Obstétriciens Français (CNGOF) font référence. Les facteurs de risques de DG ainsi reconnus et à utiliser pour le dépistage ciblé sont : – Age maternel ≥ 35 ans – IMC ≥ 25kg/m² – Antécédents personnels de diabète gestationnel ou d’enfant macrosome (soit un poids de naissance ≥ 4000g) – Antécédents de diabète chez les apparentés au premier degré Si au moins un critère est présent, le dépistage doit être pratiqué. Les facteurs de risque ayant un fort impact sur le risque de DG sont l’âge, la surcharge pondérale, les antécédents personnels de DG (fort taux de récurrence) ou de macrosomie. Le risque est, selon le facteur, multiplié de 2 à 8 fois (1). L’impact des antécédents de diabète chez les apparentés au premier degré, l’ethnie et le syndrome des ovaires polykystiques est moins important. L’effet de l’ethnicité sur le développement du DG a récemment été étudié dans une étude norvégienne (18) parue dans le Journal Européen d’Endocrinologie en 2012. Elle montrait que l’origine ethnique n’apparaissait pas être un facteur de risque indépendant de diabète gestationnel avec les critères OMS après ajustement sur l’histoire familiale de diabète, le niveau d’éducation et la taille ; néanmoins, lorsque les critères IADPSG étaient utilisés, la minorité ethnique (notamment Asie du sud) restait un facteur de risque indépendant de DG, même après ajustement (avec les 2 critères, ajustement sur l’IMC prégestationnel, âge et parité). Ainsi, l’ethnicité serait un facteur de risque indépendant même après ajustement avec les autres facteurs établis : âge, IMC avant la grossesse, antécédent familial de diabète. Par ailleurs, concernant le syndrome des ovaires polykystiques (SOPK), F.Galtier (1) mentionne un Odd Ratio (OR) ajusté à 2,44 avec un intervalle de confiance (IC) à 95% compris entre 2,1 et 2,83 d’après l’étude rétrospective sur 92933 femmes de Lo et al. ; les résultats de cette étude sont concordants avec ceux de 2 méta-analyses récentes qui n’incluaient pas cette dernière étude. Ces 2 facteurs : l’ethnie et le SOPK ne font plus partie des facteurs de risque reconnus de DG dans les dernières recommandations de 2010. En effet, le niveau de preuve des études les évaluant est de grade B, contre un grade A pour les autres, expliquant leur suppression. Par contre, les caractéristiques suivantes ne semblent pas être des facteurs de risque indépendants de diabète gestationnel : niveau socio-économique, multiparité, grossesse multiple, prise de poids gestationnelle.
Physiopathologie
La physiopathologie du DG reste encore à ce jour mal connue. Il apparait néanmoins de plus en plus clair que les mécanismes de développement de cette pathologie soient les mêmes que ceux permettant l’apparition, plus tard, du diabète de type 2 ; ainsi ces deux pathologies seraient en fait la même entité à des stades différents. L’article d’A.Vambergue (19) en 2002 a regroupé les différentes études portant sur la physiopathologie du DG. La grossesse est un état diabétogène. La grossesse normale est, en effet, accompagnée de modifications du métabolisme glucidique comprenant une insulinorésistance physiologique normalement compensée par un hyperinsulinisme réactionnel. Dans le DG, il existerait une exagération de l’insulinorésistance et/ou des anomalies de l’insulinosécrétion.
Insulinorésistance
L’insulinorésistance semble jouer un rôle central dans le développement du DG. Elle est progressive au cours de la grossesse et réversible pendant le post-partum. L’insulinorésistance hépatique et musculaire est un phénomène physiologique au cours de la grossesse, elle permet l’épargne du glucose disponible pour le fœtus. Une réduction de la sensibilité à l’insuline apparait dès la 14ème semaine de gestation. L’insulinorésistance est normalement compensée par une réduction de la détérioration de l’insuline par le foie, et ce, chez toutes les femmes enceintes. Il s’agit vraisemblablement d’un phénomène adaptatif qui en augmentant le taux d’insuline circulante disponible, palie à l’insulinorésistance périphérique. Les résultats des études ayant pour but de comparer l’insulinosensibilité des femmes enceintes normo-tolérantes à celles présentant un DG sont discordants. Alors que plusieurs études ont montré, au 3ème trimestre, une sensibilité à l’insuline équivalente chez toutes les femmes enceintes quelque soit leur niveau de tolérance glucidique ; Kautzky-Willer et al. (20) ont montré une réduction de l’insulinosensibilité de 50% chez les femmes avec un DG par rapport à des femmes enceintes normotolérantes. L’interprétation de ces résultats est délicate : il s’agit de tests réalisés sur de faibles échantillons (difficulté de la mise en œuvre des explorations) et sur des populations différentes. Aucune extrapolation ne peut ainsi être réalisée. Les mécanismes impliqués dans l’insulinorésistance sont encore incertains mais il apparaitrait qu’il s’agisse d’anomalies post-récepteur à l’insuline et non pas de modifications de la liaison de l’insuline à son récepteur. Des études menées chez le rat ont montré une réduction de l’activité tyrosine-kinase du récepteur à l’insuline au niveau hépatique au cours de la grossesse. D’autres recherches portant, elles, sur les cellules musculaires humaines semblent en faveur d’une réduction de l’activité tyrosine-kinase de ce même récepteur chez les femmes enceintes obèses mais versus des femmes non enceintes (appariement sur le BMI) ; la même anomalie est présente chez les femmes présentant un DG. Cette réduction de l’activité tyrosine kinase serait liée à la surexpression de la glycoprotéine PC-1, notamment dans le muscle squelettique. Cette surexpression est retrouvée notamment chez les patients insulinorésistants, qu’ils soient diabétiques ou non. L’expression de PC-1 est également augmentée chez toutes les femmes enceintes. Cependant, cette surexpression est significativement (p<0,005) plus importante dans le groupe DG par rapport à des femmes enceintes normotolérantes. 11 Ainsi, la surexpression de PC-1 entrainerait probablement une réduction de l’activité tyrosinekinase du récepteur à l’insuline au niveau hépatique et du muscle squelettique, ce qui expliquerait en partie l’insulinorésistance impliquée dans le développement du DG.
Anomalies de l’insulinosécrétion
L’insulinosécrétion est majorée chez toutes les femmes enceintes en réponse à l’insulinorésistance. Il se produit ainsi des modifications à la fois fonctionnelles et structurales des îlots de Langerhans. Concernant les anomalies fonctionnelles, il existe à la fois une hyperinsulinémie à jeun et des modifications dans la dynamique de la réponse insulinique aux stimuli. Tout d’abord on observe une augmentation progressive de l’insulinémie à jeun (taux multipliés par 2 entre le 1er et le 3ème trimestre), d’autant plus importante chez les patientes obèses avec un DG. Des études ont également montré que la réponse insulinique stimulée par le glucose est augmentée de manière prépondérante chez les femmes normales par rapport à celles présentant un DG. Enfin, lors de l’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO), le pic plasmatique d’insuline est plus tardif chez les femmes avec un DG ; de même, lors d’une hyperglycémie provoquée par voie intraveineuse (HPIV), le pic précoce insulinique est moins important chez les femmes présentant un DG, alors que le pic tardif est équivalent dans les 2 groupes. Au niveau structural, afin de pourvoir à l’hyperinsulinémie, il apparait une hypertrophie et une hyperplasie des cellules bêta pancréatiques. Le mécanisme cellulaire pouvant expliquer, partiellement, les anomalies observées dans la dynamique de la réponse insulinique est l’excès de proinsuline. La proinsuline et ses précurseurs sont augmentés en fin de grossesse chez toutes les femmes enceintes. Cependant, selon Kautzky-Willer et al (19), dans le DG et chez les patientes intolérantes au glucose, le rapport proinsulinémie/insulinémie est augmenté en comparaison aux patientes normales.
1. Introduction |