Signes précurseurs de la maladie de Parkinson. État des connaissances
L’ALPHA-SYNUCLÉINE
Sa fonction précise est mal connue, mais elle est impliquée dans la synthèse et le transport de dopamine. C’est une protéine dynamique ayant une tendance naturelle à se combiner sous forme de chaînes éphémères. Différents mécanismes concourent à l’équilibre de sa concentration dans le cytoplasme et sont menacés par des mutations génétiques : – Une mutation du gène de l’-syn (SNCA) entraîne la production de protéines mal conformées qui s’accumulent dans les chaperons moléculaires* et perturbent leur fonction de clairance ; – Une mutation du gène de la glucocérébrosidase (GBA1) entraîne des modifications des membranes lipidiques et empêche le maintien de la protéine d’-syn à leur contact ; – Des mutations des gènes codant pour la parkine (PARK2) et l’ubiquitine aboutissent à un défaut de dégradation des protéines par le protéasome. En cas de défaillance d’un ou plusieurs de ces mécanismes, l’-syn s’agrège sous forme de fibrilles à l’origine d’une réaction inflammatoire. Cette dernière affecte les mitochondries dont la production de radicaux libres augmente. Le stress oxydatif progresse, amplifie le phénomène d’agrégation et contribue à la mort neuronale (7). L’accumulation dans les cellules nerveuses de protéines d’-syn sous forme de corps de Lewy caractérise les synucléinopathies. Elles regroupent principalement : la maladie de Parkinson (MP), la démence à corps de Lewy (DCL) et l’atrophie multisystématisée (AMS). Leur distinction, parfois délicate, est clinique et repose sur la topographie et la chronologie des structures cérébrales atteintes. * Les chaperons sont des protéines du réticulum endoplasmique permettant aux protéines nouvellement créées d’acquérir une bonne conformation. 10 La distribution des corps de Lewy s’étend : – au sein de la pars compacta de la substance noire dans la MP ; – au cortex cérébral et cérébelleux dans la DCL ; – aux oligodendrocytes du système olivo-ponto-cérébelleux et de la voie nigro-striée dans l’AMS
LE SYSTÈME DOPAMINERGIQUE
Les neurones de la pars compacta sont des neurones dopaminergiques : ils synthétisent la majeure partie de la dopamine. Ils envoient des projections axonales vers le noyau caudé et le putamen qui composent le striatum, réalisant ainsi la voie nigrostriée. Cette voie constitue la boucle de régulation du système extra-pyramidal qui comprend, par ordre de relais, le pallidum, les noyaux sous-thalamiques, le thalamus, les aires corticales motrices puis la moelle (cf. Figure 2 (9)). Ce système est impliqué dans : – le déroulement des mouvements volontaires (initiation, amplitude et vitesse) ; – l’automatisation des mouvements (ballant des bras, marche, mimiques faciales) ; – la régulation du tonus de repos. Figure 2 – Noyaux gris centraux (ou ganglions de la base) Un blocage ou une perturbation de l’action de la dopamine au niveau des noyaux gris centraux entraîne un syndrome parkinsonien. Celui-ci est défini par l’association d’une bradykinésie (ralentissement de l’exécution des mouvements) à une hypertonie dite plastique ou un tremblement de repos. L’association de ces signes typiques, dits « cardinaux », forme la « triade parkinsonienne ». A la bradykinésie peuvent s’ajouter une hypokinésie (réduction d’amplitude) et une akinésie (défaut d’initiation) expliquant la marche à petits pas, la perte du ballant des bras et le faciès figé que l’on retrouve chez les patients parkinsoniens. La rigidité est, elle, responsable de leur attitude générale en antépulsion du tronc pouvant aller jusqu’à la camptocormie, et les membres en demiflexion. Leur association résulte, souvent tardivement, en l’apparition d’autres symptômes moteurs, tel qu’une dysarthrie avec une élocution monotone, et une micrographie.
LA MALADIE DE PARKINSON
Dans la MP, ces signes moteurs, volontiers unilatéraux sinon asymétriques, dominent pendant longtemps la symptomatologie. Ils apparaissent lorsque plus de 40% des neurones dopaminergiques de la pars compacta sont détruits (10). Le diagnostic d’une MP reconnue comme la cause d’un syndrome parkinsonien requiert, conformément aux critères définis par la MDS (cf. Annexe 1) : – l’absence de critère d’exclusion absolue (correspondant aux symptômes évocateurs d’autres syndromes parkinsoniens) ; – au moins deux critères de support, parmi : une réponse positive et prolongée au traitement dopaminergique, des dyskinésies levodopa-induites, un tremblement de repos, une perte olfactive ou une dénervation sympathique cardiaque à la scintigraphie MIBG ; – l’absence de drapeau rouge (11). La MP est une pathologie multifactorielle (12), résultant d’une interaction entre influences environnementales et génétiques. Le facteur de risque principal est l’âge avec un âge moyen du diagnostic à 58 ans. Les hommes sont 1.5 fois plus atteints que les femmes. Les facteurs environnementaux (13) incluent l’exposition aux agents phytosanitaires (pesticides, herbicides, insecticides) et aux solvants, un antécédent de traumatisme crânien, un traitement par bêtabloquants, un lieu de vie rural ou un travail agricole. L’influence génétique dans la MP n’est pas négligeable. Des mutations sont responsables d’environ 15% des cas, dont la moitié subit un début précoce de la maladie avant 40 ans (14). Parmi les gènes reconnus (15) les plus communs, on distingue : – les mutations / duplications / triplications génétiques à haute pénétrance de gènes dominants (SNCA, VPS35) ou récessifs (PARK2, PINK1, DJ1) qui placent leurs porteurs à très haut risque de MP ; – les facteurs génétiques de force intermédiaire (mutations des gènes GBA1 et LRRK2) dont la transmission est autosomique dominante et la pénétrance incomplète et âge-dépendante. A l’état homozygote, une mutation du gène GBA1 est à l’origine de la maladie de Gaucher. On retrouve cette mutation à l’état hétérozygote chez 5-25% des patients atteints de la MP, ce qui en fait le facteur de risque génétique le plus fréquent. Selon une étude menée par les Drs Lesage et Brice en 2010 sur une large cohorte, le risque de développer une MP chez les porteurs de cette mutation est multiplié par 7 par rapport aux témoins. La pénétrance à 80 ans est estimée à 30% (31). La mutation G2019S, localisée sur l’exon 41 du gène LRRK2, est un déterminant génétique commun de la MP: elle est retrouvée dans 1-2% des cas sporadiques de MP. Régulièrement décrite dans les formes familiales de MP, sa fréquence varie en fonction de l’origine géographique : 3-6% des cas familiaux d’origine européenne et 40% des cas familiaux nord-africains. Elle est aussi particulièrement retrouvée chez des patients d’origine juive (30% des cas familiaux et 13% des cas isolés). La pénétrance à 80 ans est estimée à 26% chez les juifs ashkénazes et 42% dans la population générale. Les consommations de tabac, café, alcool, AINS et inhibiteurs calciques ont quant à eux montré un rôle protecteur.
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS |