Stress post-traumatique chez les marins-pompiers

Stress post-traumatique chez les marins-pompiers

Les troubles psychiques post-traumatiques 

Définitions

 Par souci de cohérence et afin de comparer notre étude avec la précédente, nous avons choisi d’utiliser le terme d’état de stress post-traumatique à ceui de trouble de stress posttraumatique, aujourd’hui utilisé dans les nomenclatures internationales. 

L’Etat de stress post-traumatique 

La psychopathologie

 Le terme « traumatisme » vient du grec ancien « percé ». Il signifie « blessure ». Si l’on utilise la métaphore du ballon, le traumatisme est un coup qui perce le ballon, c’est un choc. Il signe une rupture avec l’état antérieur. A l’inverse, le stress exerce une pression qui déforme le ballon, c’est une contrainte. L’effraction traumatique est due à la brutalité et au caractère inattendu de l’événement. Le sujet a vécu ou a été le témoin d’un événement durant lequel des individus ont pu mourir ou être très gravement blessé, ont été menacé de mort ou de grave blessure ou bien durant lequel son intégrité physique ou celle d’autrui a pu être menacée. L’appareil psychique, qui saisit la réalité environnante pour s’y adapter, est débordé en un instant. Il se produit une rupture de la 8/84 trame de la conscience. Le traumatisme provoque une effraction (5). L’ESPT n’est pas un trouble lié à l’anxiété mais un trouble réactionnel. Le stress provoqué est tel que le sujet est dépassé. Il se produit une altération de la conscience pouvant aller jusqu’à la sidération. Cela le distingue d’une réaction de stress adaptée pendant laquelle la personne mobilise ses ressources. Illustration de la différence entre le stress et le traumatisme (5). Le stress Le traumatisme 

La physiopathologie 

Le traumatisme est une réponse normale à une situation anormale. Par exemple, « je suis en danger, je ne peux ni fuir ni attaquer donc je me fige ». Ces réponses instinctuelles sont gérées par le système nerveux autonome et donc non soumises au contrôle volontaire. Selon les neurobiologistes, lors de l’événement, il existe un stress biologique avec une altération du réseau des émotions résultant d’une activation de l’amygdale, d’une dysfonction de l’hippocampe et du cortex frontal (6). La cascade de l’axe corticotrope est hyperstimulée. La perception d’incontrolabilité du stresseur implique une activation sérotoninergique excessive dont le contrôle passe par une inhibition GABA, neurotransmetteur inhibiteur (7). Les voies dopaminergiques habituellement inhibées par le GABA, sont également hyperstimulées. De nombreuses études sont en cours. 9/84 Schéma d’activation de l’axe corticotrope. Un déficit en GABA serait impliqué dans l’émergence de l’ESPT. Une réduction des taux de GABA a été rapporté dans les dépressions au niveau cérébral et dans le sang (8). Cela expliquerai l’efficacité des inhibiteurs de la recapture de sérotonine, des thérapies cognitivocomportementales (9) et de l’EMDR (10). Lors des thérapies cognitivo-comportementales et l’EMDR, le sujet fait de nouveau l’expérience du traumatisme. Cela lui permet de retraiter l’information avec une diminution de l’activation sérotoninergique. Le praticien continue les stimulations jusqu’à ce que le souvenir ne génère plus de perturbation. Nous développerons ces prises en charge thérapeutiques dans la partie II. Selon Vaiva, un faible taux de GABA apparait comme prédicitf de l’évolution vers un ESPT (11). Le baclofène, agoniste du récepteur GABA semble efficace (12), comme la tiagabine, inthibiteur de recapture du GABA (13). La prégabaline, analogue du GABA, réduirait sa destruction et diminuerait les symptômes d’ESPT (14). Le topiramate aurait la même action en potentialisant l’activité de ce neurotransmetteur inhibiteur, le GABA (15). Le circuit de la mémoire passe par un réseau d’interneurones GABAergiques des noyaux amygdaliens basolatéral et central. Il faut éviter d’altérer ce circuit de la mémoire afin de ne pas 10/84 aggraver les troubles. Comme les benzodiazépines sont amnésiantes, elles sont donc contreindiquées dans l’état de stress aigu (ESA) et dans l’ESPT (16). En cas de trouble du sommeil important, les hypnotiques peuvent être utilisés au maximum quatre semaines, sevrage inclus (17). 

La clinique

 La réaction face à un événement potentiellement traumatisant est le plus souvent normale et adaptée. L’ESA est une réaction pathologique et inadaptée (18) pouvant durer jusqu’à un mois après l’événement traumatique. Si les symptômes se pérennisent au-delà d’un mois après l’événement traumatique, nous parlons d’ESPT. L’ESA se manifeste généralement au décours immédiat d’un événement traumatique. Le stress est dépassé lorsqu’il y a sidération, agitation, fuite panique ou activité d’automate. La dissociation péri-traumatique correspond au moment où la victime perd contact avec la réalité. Les signes sont l’altération de la conscience, la désorientation, la dépersonnalisation, le sentiment d’irréalité et la distorsion sensorielle. L’ESA peut évoluer ou non vers un ESPT. L’ESPT est la traduction du terme américain « post-traumatic stress disorder ». Il représente l’ensemble des troubles psychiques des vétérans de la guerre du Vietnam. L’événement traumatique est caracterisé par sa brutalité, sa surprise et sa transformation après coup. L’ESPT peut être ou non dans la continuité d’un ESA. Clervoy décrit l’aorasie, phénomène reconnu uniquement lorsqu’il disparait. Le sujet enregistre sans les comprendre les séquences d’une scène traumatisante. S’il développe un ESPT, il faudra tout un effort de pensée pour réintroduire l’événement traumatique en lui donnant du sens (5). Quatre dimensions essentielles caractérisent ce trouble : l’intrusion, l’altération négative des cognitions et de l’humeur, l’évitement et l’hypervigilance. L’intrusion se révèle par le syndrome de répétition à type de cauchemars qui se répètent à l’identique, et les flash-back ou ecmnésies d’images ou de pensées de l’événement. Ces intrusions sont bien illustrées dans le film Sauver ou Périr. Franck est un jeune sapeur pompier de Paris, heureux et père de famille. Il est gravement blessé en intervention lors d’un feu d’entrepôt. Il survit à ses brulures corporelles diffuses après des semaines de coma. Après son accident, le retour parmi les siens et dans la société est une épreuve au quotidien. Son visage est à jamais défiguré. Il voit des images à type de reviviscences comme s’il était de nouveau dans l’incendie. Ce film montre aussi les autres symptômes de l’ESPT comme l’isolement, la dépression, et les comorbidités associées telle que l’alcoolisme. Il a des idées suicidaires. Le couple se sépare. Revoir ses collègues et amis engendre trop de souffrance pour lui. Son entourage est en difficulté pour l’aider. Puis, petit à petit, Franck réapprend à vivre avec son visage. Il retrouve un travail, des amis puis sa femme et ses enfants. Il se reconstruit et accepte d’être sauver à son tour par ceux qui le soignent. Hélie de Saint Marc, dans Mémoires : les champs de braises (19), décrit des cauchemars des années après les camps de concentration, où il était déporté en tant que résistant pendant la Seconde Guerre mondiale. La métaphore des braises avec ses souvenirs montre qu’ils sont toujours vivants en lui et peuvent ressurgir à tout moment. L’ESPT devient chronique après 3 mois d’évolution des symptômes. On parle de névrose traumatique lorsqu’il y a une modification de la personnalité du sujet (20). Aujourd’hui, ce terme est révolu car ce n’est pas une névrose en soi. En effet, l’étiologie est l’événement externe qui créer l’effraction traumatique à un moment donné. Le terme d’ESPT a également évolué en trouble de stress post-traumatique (21).

Table des matières

INTRODUCTION
I. Les troubles psychiques post-traumatiques
1. Définitions
1.1. L’Etat de stress post-traumatique
1.1.1. La psychopathologie
1.1.2. La physiopathologie
1.1.3. La clinique
1.1.4. Les formes incomplètes
1.2. Les comorbidités
1.2.1. Troubles dépressifs
1.2.2. Troubles des conduites
1.2.3. Troubles somatoformes
2. Histoire
2.1. Evolution des idées
2.1.1. Description dès l’Antiquité
2.1.2. L’expérience napoléonienne
2.1.3. Les grands conflits armés mondiaux
2.1.4. Guerres post-coloniales
2.2. Reconnaissance par la société
2.2.1. Modification de la prise en charge depuis la guerre d’Afghanistan
2.2.2. Affection Longue Durée n°23
3. Données de la littérature dans le contexte actuel
3.1. En Opération Extérieure
3.2. Loi anti-terroriste en métropole
4. Classification
4.1. Selon le DSM-5
4.2. Selon la CIM 10
5. Les soignants : une population à risque
5.1. Clinique spécifique de cette population
5.2. Une approche clinique illustrée
II. Données de la littérature
1. Prévalence de l’état de stress post-traumatique
1.1. Taux de prévalence en population générale
1.2. Taux de prévalence après une opération extérieure
1.3. Taux de prévalence post-attentat chez les civils et les intervenants
1.4. Taux de prévalence chez les pompiers
2. Les facteurs de risque
2.1. Les métiers à risque d’exposition au trauma
3. Les facteurs protecteurs
3.1. Soutien familial
3.2. Cohésion
3.3. Prévention
4. Les instruments psychométriques utilisés
4.1. PCLS
4.2. PCL-5
4.3. CAPS
4.4. PTSD-Interview
5. Les Thérapeutiques
5.1. Médicamenteuses
5.2. La Psychothérapie
5.2.1. La thérapie psychodynamique
5.2.2. Thérapie Cognitivo- Comportementale : TCC
5.2.3. Eyes Movement Desensitization and reprocessing : EMDR
5.2.4. L’hypnose
III. L’Étude
1. Objectif
1.1. Le critère de jugement principal
1.2. Les critères de jugement secondaires
2. Méthodologie : matériels et méthodes
2.1. Méthodes de sélection
2.1.1. La population étudiée
2.1.2. Constitution et définition de la taille de l’échantillon
2.2. Méthodes d’intervention
2.2.1. Méthodes d’observation
2.2.2. Échelle PCLS (Posttraumatic stress disorder CheckList Scale)
2.2.3. Questionnaire médico-biographique
2.3. Méthodes d’évaluation statistique
2.3.1. Analyse des données
2.3.2. Taux de prévalence
2.3.3. Identification des déterminants associés
3. Résultats
3.1. Caractéristiques des sujets de l’échantillon
3.1.1. Description de notre population
3.1.2. Conditions de travail et événements vécus
3.1.3. Retentissement et soutien
3.2. Prévalence chez les marins pompiers
3.2.1. Taux de prévalence dans l’échantillon
3.2.2. Taux de prévalence dans les sous-groupes
IV. Discussion
1. Principaux résultats
2. Analyse des résultats
3. Comparairon avec la littérature
3.1. Comparaison chez les sauveteurs
3.1.1. En France
3.1.2. Aux États-Unis et au Canada
3.1.3. Pays Anglo-saxons
3.2. Comparaison avec les combattants
3.3. Comparaison chez les sauveteurs et les civils lors d’attentats
4. Forces et limites de l’étude
4.1. Biais de sélection
4.2. Biais de classement
4.3. Limites de l’auto-questionnaire
4.4. Biais d’interprétation
4.5. Biais de dissimulation
4.6. Biais liés aux événements de la vie personnelle
4.7. Biais lié à l’épuisement professionnel
5. Implication dans la prise en charge par le médecin généraliste et perspective
5.1. Dépistage actif
5.1.1. Errance diagnostique
5.1.2. Aptitude professionnelle
5.1.3. Sujets quittant l’activité à risque
5.2. Formation du personnel soignant
5.3. L’aide
5.3.1. L’entrainement
5.3.2. L’expérience
5.4. Defusing et débriefing
6. Reconnaissance et réparation
6.1. Ouverture
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
TABLEAUX
ANNEXES.
ANNEXE 1: Avis du Comité de Protection des Personnes
ANNEXE 2: Fiche de consentement
ANNEXE 3: Fiche contact
ANNEXE 4: Questionnaire
ANNEXE 5 : PCL-5
ANNEXE 6 : Evénements retranscrits par les marins-pompiers aux réponses libres

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