Facteurs de risque d’hospitalisation et parcours de soin au cours du premier mois de vie d’une population de nouveau-nés ”sains”

Facteurs de risque d’hospitalisation et parcours de soin au cours du premier mois de vie d’une population de nouveau-nés ”sains”

LE NOUVEAU-NE EST VULNERABLE

Les phénomènes d’adaptation à la vie extra-utérine, phase de transition physiologique, s’étendent généralement au-delà du séjour en maternité, tout le long du premier mois de vie pour de nombreux systèmes. Les différents systèmes métaboliques et nutritionnels se stabilisent entre 7 et 15 jours de vie. A titre d’exemple, la phase initiale de catabolisme dure au moins une semaine, la réactivité vasculaire pulmonaire est élevée le premier mois de vie et la fonction rénale n’atteint la moitié des valeurs adultes qu’à la fin du premier mois de vie. Cette transition physiologique progressive et la dépendance totale du nouveau-né à son environnement rendent le nouveau-né particulièrement vulnérable. Le suivi précoce et rapproché de la dyade mère-enfant après la sortie de maternité, puis au cours du premier mois de vie est donc essentiel. Cette vulnérabilité physiologique confère au nouveau-né une susceptibilité particulière aux hospitalisations. L’hospitalisation est un indicateur de morbi-mortalité néonatale puissant et fréquemment utilisé pour évaluer l’impact et la pertinence des organisations de soins périnatals. Le taux d’hospitalisation des nouveau-nés à terme oscille entre 2 % et 10 % (1)(2)(3)(4). Les principales causes sont l’ictère sévère, les troubles alimentaires, les déshydratations et les infections. Les principaux facteurs de risque retrouvés dans la littérature sont l’immaturité, le sexe masculin, la présence d’une fratrie, le jeune âge maternel et les facteurs socio-économiques défavorables (5)(6)(7)(8)(9). Ces données sont essentiellement issues d’études anglo-saxonnes et nord-européennes, où la sortie précoce de maternité est fréquente. En France, très peu d’études en population se sont intéressées aux hospitalisations des nouveaunés ainsi qu’à leurs causes. D’autres facteurs liés à l’organisation des soins périnatals notamment la durée de séjour en maternité et les modalités du suivi des mères et de leur enfant après sortie de maternité, influencent la morbidité néonatale et les hospitalisations en particulier.

SEJOUR EN MATERNITE ET PARCOURS DE SOIN DU NOUVEAU-NE SAIN

Le séjour en maternité est une étape clef du dépistage des pathologies néonatales et de l’accompagnement des parents dans leur rôle. Pour autant, la tendance constatée 2 est celle d’un raccourcissement de la durée de séjour en maternité en France, comme dans la plupart des pays industrialisés : en 2016, la durée moyenne de séjour (DMS) en maternité était de 4,0 jours (+/-1,6) contre 4,3 jours (+/-1,6) en 2010 (10). Ce raccourcissement de la DMS est le résultat de plusieurs facteurs. D’une part, les contraintes financières pèsent sur l’hôpital justifiant la recherche d’efficience et d’équilibre budgétaire par des mesures de réorganisation territoriale des soins. Ces mesures ont conduit notamment à une diminution du nombre de lits, du fait de la fermeture de petites maternités (diminution de 40% entre 1995 et 2019) (11) et de la mise en réseau des autres établissements, avec pour conséquence une offre de soins limitée en volume justifiant une optimisation des séjours. Par ailleurs, l’introduction de la tarification à l’activité (T2A) a également poussé les établissements à maîtriser les DMS. Enfin, l’évolution sociétale va dans ce sens aussi, puisque les parents ont une volonté de réintégrer rapidement le foyer familial qui s’est amélioré ces dernières décennies. En conséquence, la durée d’observation du nouveau-né et de la relation mère-enfant se réduit et le temps nécessaire pour l’apprentissage des soins de puériculture devient insuffisant. Ce constat questionne les modalités de suivi à la sortie pour ne pas dégrader la prise en charge des nouveau-nés. En effet, certaines données issues de la littérature des années 1990 et 2000, en particulier nord-américaines suggèrent qu’une sortie précoce de maternité insuffisamment organisée constitue un risque significatif pour la santé du nouveau-né. Les études associaient une progression de la survenue de pathologies néonatales sévères, telles que l’ictère nucléaire et la déshydratation, responsables d’une morbidité importante et un risque accrue de mortalité néonatale (12)(13). Mais ces effets péjoratifs sont contrastés suivant l’organisation des soins périnatals. Dans certains pays, comme en Suède et certains états aux Etats-Unis, la mise en place d’un suivi post-sortie de maternité spécifique avec des consultations médicales ou paramédicales très précoces dédiées à la dyade mère-enfant limite les hospitalisations et plus largement la morbidité néonatale (14). Structurer le suivi post-maternité est donc une nécessité afin d’assurer les processus de transition, d’identifier les facteurs de risque et de dépister des anomalies précocement pour une meilleure prise en charge. Par exemple, soutenir l’allaitement maternel chez les jeunes mères en particulier assure une bonne alimentation et prise 3 de poids du nouveau-né, prévient l’ictère, les déshydratations et les maladies communautaires infantiles. Les modalités de suivi sont variables et reposent sur une consultation médicale ou une visite paramédicale, réalisée à la maternité ou à domicile avec parfois des résultats contradictoires sur le recours aux consultations aux urgences ou hospitalisations (15). Néanmoins, un suivi institué précocement par une consultation médicale, par exemple entre le 2ème et le 5ème jour après sortie de maternité, prévient la morbidité néonatale dans son ensemble. En France, l’organisation du suivi post-sortie de maternité de la dyade mère-enfant est hétérogène et structurée autour de chaque maternité. Les modalités de ce suivi font intervenir des professionnels de santé variés (sage-femme, puéricultrice, pédiatre, médecin généraliste) et exerçant dans des structures tout aussi diversifiées (établissements publics ou privés, en activité libérale, au sein de structure de PMI (protection maternelle et infantile)). C’est un véritable défi que d’organiser le suivi dans cette situation. Il n’existe pas de consensus sur la prise en charge du nouveauné à la sortie de la maternité. Le système de programme de retour à domicile (PRADO) est une des initiatives portées par la sécurité sociale pour permettre la continuité de soin post-maternité. Ce programme inclut au moins deux visites par des sages-femmes libérales remboursées par le régime général de la sécurité sociale après une sortie « précoce » et jusqu’au 12ème jour de vie. L’organisation et le déploiement de ce type de dispositif sont hétérogènes dans l’hexagone. Néanmoins, la Haute Autorité de santé (HAS) (16) recommande que le nouveau-né soit examiné par un médecin, de préférence par un pédiatre, entre le 6ème et 10ème jour post-natal puis un second examen, à l’appréciation du praticien, entre le 11ème et le 28ème jour post-natal. En France, aucune étude de grande échelle n’a étudié les facteurs de risque d’hospitalisation ni évalué l’influence d’un suivi précoce post-sortie de maternité sur la morbidité néonatale au cours du premier mois de vie. Les résultats d’une telle étude permettraient de guider les stratégies de soins afin de préserver la santé des nouveau-nés. En utilisant les bases de données du système national des données de santé (SNDS) et du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), l’objectif de notre travail était d’étudier les facteurs de risque d’hospitalisation et d’évaluer l’influence d’une consultation précoce post-sortie de maternité sur la 4 survenue d’une hospitalisation au cours du premier mois de vie chez des nouveaunés de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur (P

PARCOURS DE SOIN : UTILITE DE LA CONSULTATION PRECOCE

 En France, les modalités d’organisation de l’accompagnement au retour à domicile sont laissées à l’initiative des établissements de santé. Les mères sont libres de faire appel à un professionnel de santé de leur choix. Une bonne coordination entre l’établissement de santé et le professionnel de santé est exigée afin de sécuriser le retour à domicile. Du fait d’une inhomogénéité des pratiques, très peu d’études françaises se sont concentrées sur l’organisation de la continuité des soins après la sortie de maternité. Nos résultats sont déterminants pour améliorer les pratiques concernant le suivi pédiatrique des dyades mère-enfant après sortie de maternité.

Généralités sur le parcours de soin 

Au cours du premier mois de vie, le suivi post-natal influence la morbi-mortalité des nouveau-nés. L’organisation du suivi permet un dépistage précoce de l’ictère sévère, qui représente la principale cause d’hospitalisation néonatale évitable (1), mais 21 également des déshydratations, des dénutritions, des cardiopathies, des pathologies infectieuses et neurologiques. En France, le nombre de visites recommandé par la HAS (16) après la sortie de maternité et au cours du premier mois de vie est au nombre de deux. Le premier examen doit être réalisé entre le 6ème et 10ème jour, au cours duquel sera rempli le certificat du 8ème jour. Un autre examen clinique peut être effectué entre le 11ème et 28ème jour à l’appréciation du médecin ayant réalisé l’examen précédent. En cas de sortie précoce, elle prévoit un examen au lendemain de la sortie. Ces examens sont pris en charge à 100% par l’assurance maladie. L’organisation du retour à domicile repose essentiellement sur un réseau de professionnels hospitaliers et libéraux (pédiatres libéraux ou hospitaliers, médecins généralistes, sages-femmes, le système PRADO, la PMI). Le dispositif prévoit un accompagnement de la mère et de son enfant de manière fluide et sûre à domicile afin de prévenir les complications néonatales et maternelles du post-partum évitables. Il est aussi recommandé de définir dès la période néonatale le référent du suivi pour optimiser le parcours de soin et favoriser l’initiation précoce du suivi du nouveau-né. Il apparaît donc essentiel d’anticiper le suivi à la sortie de maternité et cela nécessite des moyens disponibles localement pour respecter ces conditions. Pour autant, on sait que le suivi des nouveau-nés est très hétérogène. On a pu également constater que les recommandations de la HAS ne sont pas appliquées correctement dans la pratique. A ce titre, l’étude de J.Roisné et al. (38) apporte un élément intéressant puisque son but était d’évaluer le respect des recommandations de la HAS en suivant des nouveau-nés nés dans trois maternités du Nord de la France. Les résultats montrent que seuls 20 nouveau-nés sur 118 (19%) ont bénéficié d’un examen entre le 6ème et le 10ème jour de vie comme il est recommandé. Au total, 82% des nouveau-nés ont bénéficié d’un examen médical au cours du 1er mois de vie, et 89% de la dyade mère-enfant ont bénéficié d’un suivi par une sage-femme au domicile. De même, dans la thèse d’exercice de Docteur en médecine de Mathilde Durantel intitulée « étude descriptive du suivi néonatal au cours du premier mois de vie à partir de trois maternités de Montpellier et Sète en 2017 » (39), seuls 5 nouveau-nés sur 128 ont une consultation avant J15 et au total 74,8% ont une consultation 22 médicale au cours du 1er mois de vie. Selon les données collectées à partir du questionnaire fourni aux pédiatres de maternité, ce résultat serait dû à des préconisations insuffisantes de leur part sur la nécessité de ce suivi. Selon les résultats issus du questionnaire fourni aux parents, ce manque de suivi serait plutôt lié à des problèmes de disponibilité des médecins ou à un suivi non justifié à leurs yeux. En même temps, les enquêtes de satisfaction menées en France en 2006 (DREES) et 2012 (CIANE) montrent qu’une partie des mères sont mécontentes de la préparation à la sortie de maternité et du suivi en post-partum et ce indépendamment de la durée du séjour en maternité (40)(41). Concernant la PMI qui est un service départemental chargé d’assurer la protection sanitaire de la mère et de l’enfant de moins de 6 ans, notre étude ne nous a pas permis d’évaluer son rôle dans le suivi des nouveau-nés. L’étude nationale de 2016 menée par le Pr T. Saias (42) a permis d’identifier une disparité d’organisation et de mettre en évidence des spécificités territoriales quant à l’organisation des PMI en France. Aussi, concernant les consultations réalisées par les sages-femmes, il ne nous a pas été possible de connaître la part de celles réalisées dans le cadre du système PRADO. Le PRADO est un programme développé depuis 2013 par la caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) en s’appuyant sur les études de la DREES et de la CIANE. Il a pour objectif d’accompagner les sorties précoces puisqu’il propose deux visites post-natales à domicile par une sage-femme libérale, jusqu’au 12ème jour suivant l’accouchement, entièrement financées par les caisses d’assurance maladie. Toutefois, il est à noter qu’en France, les données montrent que dans moins de 2/3 des cas, un suivi à domicile est proposé au cours du séjour en maternité (43). La volonté des pouvoirs publics est de généraliser ce programme à l’ensemble des mères et des nouveau-nés. Nous n’avons également pas étudié le niveau de recours aux autres intervenants (gynécologues-obstétriciens, infirmières puéricultrices diplômées d’état, auxiliaires de puériculture, consultantes en lactation, assistantes sociales, techniciens de l’intervention sociale et familiale) car ils ne sont pas formés au dépistage des pathologies néonatales et au suivi des nouveau-nés. 

Table des matières

1 INTRODUCTION
1.1 LE NOUVEAU-NE EST VULNERABLE
1.2 SEJOUR EN MATERNITE ET PARCOURS DE SOIN DU NOUVEAU-NE SAIN
2 MATERIEL ET METHODE
2.1 ETUDE
2.2 POPULATION ETUDIEE
2.2.1 Données maternelles, obstétricales et néonatales
2.2.2 Caractéristiques socio-économiques
2.2.3 Données sur le séjour en maternité et données post-sortie de maternité
2.3 STATISTIQUES
3 RESULTATS
3.1 POPULATION GENERALE
3.2 HOSPITALISATION
3.2.1 Caractéristiques
3.2.2 Causes
3.3 FACTEURS ASSOCIES AUX HOSPITALISATIONS AU COURS DU 1ER MOIS DE VIE
3.3.1 Analyse univariée
3.3.2 Analyse multivariée
3.4 TROPHICITE A LA NAISSANCE ET HOSPITALISATION
3.5 CONSULTATION PRECOCE ET HOSPITALISATION
4 DISCUSSION
4.1 HOSPITALISATION : CAUSES ET FACTEURS ASSOCIES
4.2 MACROSOMIE A LA NAISSANCE ET HOSPITALISATION
4.3 PARCOURS DE SOIN : UTILITE DE LA CONSULTATION PRECOCE
4.3.1 Généralités sur le parcours de soin
4.3.2 Les consultations précoces : prévention de la morbidité
4.4 LIMITES ET FORCES DE L’ETUDE
5 CONCLUSION
6 FIGURES, TABLEAUX ET ANNEXES.
7 REFERENCES.

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