Corps apoptotiques
Les corps apoptotiques (CA) sont exclusivement formés pendant la mort programmée de la cellule (apoptose). Des expériences de microscopie électronique ont montré que les CA possédaient une taille, supérieure aux autres vésicules, comprise entre 1 et 5 µm 15. Après l’induction de l’apoptose, la cellule subit une série de modifications morphologiques caractérisées par la formation de structures en forme de ballonnet la formation de longues protrusions membranaires sur la surface cellulaire la fragmentation de ces protrusions pour former les CA . Les CA jouent un rôle dans la clairance cellulaire et la communication intercellulaire. Il a été montré que pendant l’apoptose, la fragmentation cellulaire en CA permettait de générer des petits morceaux de cellules facilement éliminables par les cellules phagocytaires . En effet, les CA encapsulent de nombreux composés de la cellule en état de mort programmée et leur clairance rapide va permettre d’éliminer des composés potentiellement délétères pour l’environnement cellulaire. Un CA peut contenir une large variété de composants cellulaires tels que du cytosol, des protéines dégradées, des fragments d’Acide Désoxyribonucléique (ADN) ou encore des organelles intactes .
Microvésicules
Les MV sont des vésicules submicroniques libérées par bourgeonnement de la membrane plasmique. Le bourgeonnement des MV est induit par la modification de l’asymétrie de la membrane et favorise la redistribution des phospholipides (PL), principalement de la PS, à la partie externe de la membrane plasmique. En effet, en réponse aux stimuli, le mouvement des PL peut dépendre de diverses enzymes telles que la flippase (vers l’intérieur), la floppase (vers l’extérieur) et scramblase (dans les 2 sens), associée à la signalisation calcique . La formation de MV semble se produire sélectivement dans les microdomaines riches en lipides de la membrane, tels que les radeaux lipidiques. Le processus de bourgeonnement est complété par la contraction des structures du cytosquelette par des interactions actine-myosine . Elles présentent des antigènes représentatifs de la cellule parentale, mais qui peuvent cependant varier en fonction du stimulus ayant provoqué leur formation. Dépourvues de noyau, elles vectorisent pourtant des acides nucléiques. La majorité des MV détectées dans le sang périphérique proviennent des plaquettes et des érythrocytes, mais aussi d’autres cellules comme les leucocytes, les cellules endothéliales ou encore des cellules non hématopoïétiques comme les syncytiotrophoblastes et les cellules tumorales .
Fonctions des microvésicules
Contrairement à leur description initiale, il est aujourd’hui bien démontré que les MV ne sont pas des entités inertes. Dans le système cardiovasculaire, elles ont été décrites comme ayant de multiples fonctions notamment dans la modulation du tonus vasculaire, l’inflammation, l’angiogenèse et surtout l’hémostase .
Les MV participent à la régulation du tonus vasculaire, notamment en diminuant la production de l’oxyde d’azote (NO) par les cellules endothéliales . Cette diminution est provoquée par l’inhibition de la NO synthase ou une augmentation de la caveoline-1 qui va entraîner une augmentation du stress oxydatif local . Une diminution du NO endothélial a pour conséquence de limiter les propriétés vasculoprotectrices et antiathérogènes de l’endothélium vasculaire .
De nombreux travaux ont démontré le rôle des MV dans la modulation de l’inflammation dans le compartiment vasculaire. L’effet proinflammatoire des MV implique par exemple les PL oxydés capables d’activer les récepteurs du facteur d’activation plaquettaire (PAF) présents sur les cellules endothéliales et les leucocytes . Les MV constituent également une source importante de substrat aminophospholipidique pour la phospholipase A2 sécrétoire conduisant à la génération d’acide lysophosphatidique, un puissant médiateur proinflammatoire et agoniste plaquettaire. L’acide arachidonique transporté par les MV induit une augmentation de l’expression membranaire de la molécule d’adhésion intercellulaire de type 1 (ICAM-1) sur l’endothélium .
Ces MV induisent également la néosynthèse de contre-récepteurs (CD11a/CD18, CD11b/CD18) monocytaires favorisant les interactions leuco-endothéliales. Les MV plaquettaires (PMV) ou les MV leucocytaires induisent la libération de plusieurs cytokines endothéliales (IL-1b, IL-6, IL-8, la protéine chimiotactique monocyte-1 : MCP-1) ou monocytaires (IL-1b, TNFα, IL-8) renforçant ainsi la réponse inflammatoire. Les PMV peuvent par ailleurs faciliter le recrutement de nombreuses cellules immunes (monocytes, lymphocytes T et B, cellules NK) . Les plaquettes interagissent directement avec l’endothélium vasculaire activé en augmentant l’arrêt des leucocytes/monocytes après transfert par les MV de la chimiokine RANTES (Regulated on Activation, Normal T Expressed and Secreted). Récemment, il a également été montré que les mitochondries libérées dans des MV issues de monocytes stimulés au LPS permettaient d’induire une activité proinflammatoire par la sécrétion d’interféron de type 1 et de TNFα au niveau des cellules endothéliales .
Microvésicules, biomarqueur en pathologie humaine et notion de biopsie liquide
Selon le NIH Biomarkers Definitions Working Group, un biomarqueur (abréviation de marqueur biologique) se définit comme une caractéristique mesurable objectivement et évaluée comme un indicateur des processus biologiques normaux ou pathogènes ou d’une réponse pharmacologique à une intervention thérapeutique. Le biomarqueur peut ainsi permettre de diagnostiquer une maladie, lui permettre d’évaluer sa gravité, le risque de récidive ou encore prédire la réponse à un traitement et l’aider à en évaluer les doses. Depuis plusieurs années, les études cliniques ont montré que les MV circulantes reflètent le stress cellulaire ou une atteinte tissulaire lorsqu’elles sont libérées dans la circulation systémique. L’objectif de cette partie est de montrer de façon non exhaustive l’avancement des données dans l’intérêt des MV comme biomarqueur en pathologie humaine.
Dans certains contextes pathologiques, la libération des différentes sous-populations de MV peut être augmentée ou diminuée présentant ainsi une signature unique pouvant servir comme un biomarqueur potentiel pour de nombreuses maladies telles que les maladies cardiovasculaires, thrombotiques, auto-immunes, inflammatoires ou cancéreuses . La notion de microparticulosome a même été proposée dans notre laboratoire pour caractériser cette signature . Ainsi une modulation de la quantité de MV a été décrite dans différentes pathologies thrombotiques comme les syndromes coronariens aigus, l’ischémie myocardique, l’insuffisance coronarienne , les accidents vasculaires cérébraux ou la thrombose veineuse profonde , mais aussi dans d’autres désordres vasculaires pouvant se compliquer de manifestations procoagulantes et/ou inflammatoires comme le syndrome métabolique , le purpura thrombotique thrombocytopénique, le syndrome des anti-phospholipides , les vascularites , l’insuffisance veineuse chronique , les phlébites , l’hémoglobinurie paroxystique nocturne ou encore le sepsis . La quantité de MV a également montré un intérêt pronostique. Par exemple, Nazaki et coll. ont montré que les taux plasmatiques de CD144-EMV étaient capables de prédire de manière indépendante les événements cardiovasculaires chez des patients à haut risque de maladie coronarienne avec une valeur incrémentale par rapport à d’autres marqueurs tels que la CRP ultrasensible et le peptide natriurétique de type B (BNP).
Microvésicules associées au risque de thrombose en clinique
Au cours des dix dernières années, différentes études ont mesuré les taux MV circulantes dans un large panel de pathologies thrombotiques artérielles ou veineuses. Ces études ont été discutées dans diverses revues .
Un lien a été trouvé entre le FT et la TEV dans cinq études rétrospectives . Elles ont mis en évidence des taux accrus de MV portant le FT en circulation (mesurés par cytométrie en flux et essais fonctionnels) chez les sujets atteints de cancer avec TEV par rapport à des sujets sans TEV. Les taux les plus élevés sont retrouvés chez les patients atteints de cancer pancréatiques. Le premier article qui soutient l’hypothèse selon laquelle, des niveaux élevés d’activité des MV-FT sont associés à la TEV dans le cancer du pancréas, a été publié par Khorana et coll. Depuis ce travail initial, plusieurs autres études prospectives ont mesuré les MV-FT pour évaluer la relation entre les MV-FT et le développement de la TEV. Une association positive a été trouvée dans les études utilisant la cytométrie en flux et les tests d’activité , y compris les études les plus récentes, alors qu’elle n’a pas été trouvée dans d’autres grandes études. Une méta-analyse récente sur la relation entre les MV-FT et les patients cancéreux atteints de TEV a conclu que la présence accrue de MV-FT représentait un risque accru de TEV avec un odds ratio (OR) global . Ainsi, l’association la plus forte a été retrouvée dans les cancers pancréatobiliaires et les glioblastomes. Ces résultats positifs ont été le support d’une étude de phase II de prévention primaire de la thrombose veineuse par enoxaparine dans laquelle les MV-FT sont utilisées pour guider une décision de thromboprophylaxie chez des patients avec un cancer avancé 185. Les patients avec un niveau élevé de MV-FT ont été randomisés avec de l’enoxaparine (n=23) ou une simple observation (n=11). Une réduction de 80% des thromboses a été observée dans le bras enoxaparine comparé au groupe contrôle (5.6% vs 27.3%). Basé sur ces résultats, un large essai de phase III est en cours.
En dehors d’un contexte tumoral, les MV ont également été évaluées à distance de l’évènement thromboembolique veineux. Trois études montrent une augmentation des MV exprimant de la PS ou du FT par cytométrie en flux chez les patients ayant eu une thrombose . Trois autres études réalisées par Campello et coll. incluant 398 patients porteurs d’une thrombophilie héréditaire (facteur V Leiden, mutation G20210A de la prothrombine, déficits en antithrombine, protéine C ou protéine S) ont montré des niveaux significativement plus élevés de MV exprimant la PS chez les patients présentant un antécédent de thrombose veineuse en comparaison des patients n’ayant jamais eu de thrombose, malgré au minimum 3 mois de thérapie anticoagulante .
Table des matières
I-INTRODUCTION
II-PARTIE BIBLIOGRAPHIQUE
Chapitre 1 : Introduction sur les vésicules extracellulaires
1.1. Corps apoptotiques
1.2. Exosomes
1.3. Microvésicules
1.4. Fonctions des microvésicules
1.5. Microvésicules, biomarqueur en pathologie humaine et notion de biopsie liquide
Chapitre 2. Rôle des microvésicules dans l’hémostase
2.1. Rappels d’hémostase
2.2. Rôle des microvésicules dans la coagulation
2.3. Microvésicules associées au risque de thrombose en clinique
Chapitre 3. Méthodes de mesure des activités procoagulantes des microvésicules
3.1. Variables préanalytiques impactant sur la mesure des microvésicules
3.2. Techniques de purification des microvésicules
3.3. Méthodes de caractérisation des microvésicules
3.4. Caractérisation des activités procoagulantes
3.5. Tests viscoélastométriques
3.6. Limites des tests procoagulants
3.7. Comparaison et standardisation des essais mesurant l’activité procoagulante
3.8. Conclusion/Perspectives
III-TRAVAIL PERSONNEL
Article : Augmenter la sensibilité de mesure de l’activité du facteur tissulaire portée par les
microvésicules
IV-DISCUSSION
V-CONCLUSION/PERSPECTIVES
ANNEXE
BIBLIOGRAPHIE
SERMENT DE GALIEN