Dynamiques urbaines et développement économique au Maroc
Évolution des hiérarchies urbaines marocaines
Une baisse de la valeur absolue du coefficient (cf. équation 28) indique une tendance de concentration urbaine, tandis qu’une hausse de celui-ci traduit un processus de diffusion plus équitable de la population urbaine entre les villes du pays. Schaffar (2012) a montré que l’utilisation d’un modèle en données de panel plutôt qu’en données transversales, permet de déterminer un coefficient de hiérarchisation pour une période donnée plutôt que pour une seule année. Le modèle rang-taille en panel améliore de façon significative la comparaison de différents systèmes urbains, mais s’avère moins utile lorsque l’on étudie l’évolution des hiérarchies urbaines d’un seul pays dans le temps. Le tableau 3 montre les coefficients de Pareto obtenus pour les distributions des tailles urbaines en 1994, 1999, 2004 et 2010. Le coefficient augmente, en valeur absolue, de façon systématique tout au long de la période, ce qui signifie que la nature primatiale du système urbain marocain diminue et que le poids des plus grandes villes s’estompe progressivement au profit des villes de petite ou moyenne taille. En 2010, la distribution rang-taille des villes marocaines valide la loi de Zipf. Une explication de ce phénomène pourrait résider dans l’essoufflement de l’exode rural, qui fut l’une des causes principales de l’urbanisation accrue du pays, pendant plusieurs décennies. L’essor des grandes villes commence donc à s’estomper. L’affaiblissement de la dynamique des grandes villes semble plus important durant la période 1971-1982, mais celles-ci retrouvent leur dynamisme démographique lors de la période 1982-1994, sous l’impulsion des investissements massifs en termes d’infrastructures qui attirent des migrants urbains d’autres villes. Aujourd’hui, nous sommes loin de la situation où la ville de Casablanca apparait comme le foyer des migrations. L’utilisation du modèle quadratique de Rosen et Resnick (1980) permet de compléter l’information fournie par le coefficient de hiérarchisation : ln(𝑅) = 𝛼 + 𝛽 ln(𝑆) + 𝜃ln(𝑆)² ( (28) Le tableau 4 permet de constater l’augmentation systématique du paramètre 𝜃 entre 1994 et 2010, ce qui confirme l’importance croissante des villes moyennes dans le paysage urbain marocain.Plusieurs conclusions s’imposent : d’abord, le processus d’urbanisation se ralentit entre 1994 et 2010 ; ensuite, la concentration urbaine baisse, ce qui signifie que les plus grandes agglomérations pèsent moins sur la distribution des villes en 2010 qu’en 1994 ; enfin, le poids des villes moyennes s’accentue systématiquement. Ces conclusions semblent aller à l’encontre des aprioris officiels sur lesquels est bâtie la politique d’aménagement du territoire au Maroc. La baisse du taux de primatie de Casablanca ne diminue en rien son rôle prédominant dans le pays. Quoique, certaines activités se sont délocalisées vers des villes bénéficiant de grands potentiels et pouvant gérer au mieux des activités et notamment les activités maritimes. La ville de Tanger en illustre ce cas, car située au nord du Maroc où l’implantation du port « Tanger-Med » constitue une porte d’entrée vers l’Europe ainsi qu’une voie de passage de commerce reliant l’Asie à l’Amérique du Nord.
Résultats des fractales
Selon plusieurs auteurs, les modèles multi-fractales des hiérarchies urbaines peuvent être utilisés, dans une certaine mesure, comme un complément évident entre la distribution hiérarchique de la taille des villes prédites par la théorie des places centrales et de la courbe de fréquence plus continue proposée sur la règle rang-taille. Les hiérarchies urbaines marocaines 56 Dans notre étude empirique, nous considérons l’exposant de Zipf comme étant une dimension fractale telle théorisée auparavant par Mandelbort (1975). La dimension fractale ainsi que la dimension rang-taille des hiérarchies urbaines peuvent être généralisées au domaine multi-fractal. Nous considérons la règle standard de Zipf, ce qui réduit les équations fractales à la règle 2 n de Davis des hiérarchies urbaines. Cette règle nous indique qu’il y’a une seule ville de rang 1 dans le premier niveau, deux villes de rang 2 et 3 dans le second niveau, quatre villes de rangs de 4 à 7 dans le troisième niveau, et 2 m−1 villes de rang 2 m−1 à 2 m − 1 dans le même niveau. En classant les villes en 𝑀 niveaux dans un ordre descendant, Davis (1978) montre que le nombre de villes est inversement proportionnel à leur taille. Lorsque les limites de classe sont déterminées par un multiplicateur de 2, nous avons l’équation suivante: 𝑎𝑖 = 𝑎𝑖+𝑛2 𝑛 ( (29) où i est la classe de la taille de la ville (i=1,2,…,M), 𝑎𝑖 est la limite inférieure de la classe 𝑖 𝑒𝑡 𝑎𝑖+𝑛 est la limite inférieure de la nième classe dans l’échelle. Notre étude de cas concerne les villes marocaines entre 1994 et 2010 pour les 117 villes marocaines dont leur hiérarchie se compose de 7 classes. Les tableaux cidessous (5, 6 et 7) nous donnent, pour les trois dates choisies, les résultats fractals. Nm est le nombre de villes, Pm représente la taille moyenne de la population. Notons que le dernier niveau (m = 7) est appelé « lame-duck class » par Davis à cause de l’absence de données au sein de cette dernière classe. Théoriquement, les paramètres fractals d’une hiérarchie de villes devraient être identiques les uns avec les autres. Cependant dans la pratique, les résultats basés sur des approches distinctes sont proches mais différents les uns des autres en raison des facteurs incontrôlables tels que l’échelle spatiale ou encore le degré de développement du système.
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