Vers une généralisation des pénuries de médicaments
Différents types d’indisponibilité des médicaments : définitions
Les pénuries de médicaments sont liées à l’indisponibilité temporaire d’une spécialité, engendrée par différents phénomènes que nous allons définir ci-dessous. Il est important de les distinguer afin d’identifier les causes et les éventuelles solutions à mettre en œuvre.
Définition d’une rupture d’approvisionnement par le CSP
L’article Art. R. 5124-49-1 du Décret n° 2016-993 du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments encadre et redéfinit juridiquement une rupture d’approvisionnement, « comme l’incapacité pour une pharmacie d’officine ou une pharmacie à usage intérieur définie à l’article L. 5126-1 de dispenser un médicament à un patient dans un délai de 72 heures , après avoir effectué une demande d’approvisionnement auprès de deux entreprises exerçant une activité de distribution de médicaments mentionnée à l’article R. 5124- 2. Ce délai de 72 heures peut être réduit à l’initiative du pharmacien en fonction de la compatibilité avec la poursuite optimale du traitement du patient. »(6) Selon l’ANSM, une rupture d’approvisionnement peut être engendrée par 2 phénomènes distincts, eux même la conséquence de multiples facteurs que nous détaillerons dans une prochaine partie. Comme l’indique la Figure 2 ci-dessous, il s’agit des : – Ruptures de stock – Ruptures dans la chaine d’approvisionnement. 22 Figure 2 : Rupture d’approvisionnement, conséquence des ruptures de stock et ruptures dans la chaine de distribution Source : Gestion des ruptures de stock de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur par l’ANSM(12 Mars 2015)
Rupture de stock
Une rupture de stock quant à elle se produit en amont d’une rupture d’approvisionnement et « se définit comme l’impossibilité de fabriquer ou d’exploiter un médicament. »(6) selon l’article R. 5124-49-1 du Décret n° 2016-993 du 20 juillet 2016 relatif à la lutte contre les ruptures d’approvisionnement de médicaments. Elle peut être imputable à un problème de fabrication, à une indisponibilité de certaines matières premières ou encore à un défaut de qualité qui entraine alors un arrêt de la production ou qui ne permet pas de faire entrer le médicament dans la chaine de distribution. Dans ce cas là, les acteurs en bout de chaine tels que les officines et les hôpitaux seront dans l’impossibilité de délivrer la spécialité en question.
Rupture de la chaine de distribution
Parfois une rupture d’approvisionnement peut être imputable à une rupture dans la chaine de distribution. Cette fois-ci, il s’agit d’un non approvisionnement en médicament en l’absence de rupture de stock. En effet, les pharmacies d’officines ou les pharmacies à usage intérieur (PUI) 23 peuvent ne pas être approvisionnées par le grossiste répartiteur suite à des problèmes logistiques qui surviennent dans la chaine de distribution.(7)(8)
- Tension d’approvisionnement
Il est également important de distinguer les tensions des ruptures. On parle de tensions d’approvisionnement lorsque temporairement, le fabricant ne dispose pas d’une quantité suffisante d’une spécialité donnée pour fournir l’ensemble du marché habituel et répondre aux besoins. Ce phénomène peut conduire à des ruptures ou revenir à la normale dans certains cas.
Le circuit du médicament
Le circuit du médicament est un circuit complexe impliquant de nombreux acteurs et dont la moindre faille peut empêcher la mise à disposition rapide et sécurisée des spécialités auprès des patients en ville ou à l’hôpital. En effet ce circuit surveillé doit répondre à des exigences et peut à tout moment être interrompu s’il n’est pas conforme. Nous allons donc détailler celui-ci afin de mieux comprendre par la suite les phénomènes pouvant conduire aux pénuries des médicaments.
Un monopole de fabrication et de distribution : les établissements pharmaceutiques
Les médicaments ne sont pas des produits comme les autres, c’est pourquoi en France, la fabrication, la distribution et la dispensation des médicaments sont soumises au monopole pharmaceutique. En effet, selon l’article L5124-1, Chapitre IV, Titre II, Livre Ier de la Cinquième partie du CSP, « la fabrication, l’importation, l’exportation et la distribution en gros de médicaments, produits et objets mentionnés à l’article L. 4211-1 […] ne peuvent être effectuées que dans des établissements pharmaceutiques régis par le présent chapitre. »(9) Plusieurs articles du CSP encadrent l’activité de ces établissements au statut particulier. En effet, ils doivent préalablement obtenir une autorisation d’ouverture auprès de l’ANSM, délivrée par le Directeur Général. Toutes les activités relatives à ces établissements doivent répondre à des obligations, elles doivent en effet être réalisées en conformité avec les bonnes pratiques de fabrication (BPF) ainsi que les bonnes pratiques de distribution (BPD) dont les principes sont établis par l’ANSM.(10)De plus, le Code de la Santé Publique établit également le fait que « toute entreprise qui comporte au moins un établissement pharmaceutique doit être 24 la propriété d’un pharmacien ou d’une société à la gérance ou à la direction générale de laquelle participe un pharmacien. »(11) Il s’agit du Pharmacien Responsable, dont la position statutaire est propre à la France et les activités et responsabilités plus larges que celles établies en Europe.
Les acteurs majeurs impliqués
Parmi les établissements pharmaceutiques, on distingue ainsi plusieurs acteurs ayant chacun un rôle et des obligations. Ces structures autorisées sont régulièrement inspectées par l’ANSM. 1. L’exploitant Avant de définir précisément les différents acteurs, il est important de définir le terme d’exploitant qui est un terme propre à la France et qui n’existe pas dans d’autres pays. Par exploitant on entend « l’exploitation » des médicaments qui englobe plusieurs activités telles que : – La vente en gros ou cession à titre gratuit – Le suivi et retrait des lots ainsi que le stockage correspondant – La pharmacovigilance – La publicité Mais plus concrètement, qui peut avoir le statut d’exploitant ? Il peut s’agir du titulaire de l’autorisation de mise sur le marché le plus souvent, ou d’un autre établissement pour le compte du titulaire. Dans certains cas, le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ainsi qu’un autre organisme sont tous deux exploitants. Ainsi les opérations d’exploitation sont définies et réparties entre les deux établissements.(12) 2. Le fabricant Les fabricants sont des entreprises ou organismes « se livrant, en vue de leur vente en gros, de leur cession à titre gratuit ou de leur expérimentation sur l’homme à la fabrication de médicaments, produits ou objets mentionnés à l’article L. 4211-1 et au 4° de l’article L. 5121- 1.»(12). Les fabricants de produits finis se fournissent en matières premières auprès d’un autre fabricant ou d’un fournisseur et réalisent des opérations telles que la production totale ou partielle, le conditionnement, le contrôle qualité, la libération des lots ainsi que le stockage tout en respectant les bonnes pratiques de fabrication.
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