La propagation des vagues au-dessus de bathymétries complexes en milieu côtier
Dispositif expérimental
L’expérience s’est inspirée de celle de Vincent et Briggs pour laquelle de nombreux modèles numériques ont été testés (Suh and Dalrymple, 1993 ; Holthuijsen et al., 2003). L’expérience de Vincent et Briggs consistait en une bosse de forme elliptique imposante de 8m de longueur par 6m de largeur pour une hauteur de 30cm posée sur un fond plat, sur laquelle arrivait une houle monochromatique incidente de hauteur H=2.5cm et de période T=1.3s. Plusieurs sections composées de nombreuses sondes avaient été disposées de part et d’autre de la bosse et avait permis de reconstituer le signal d’amplitude (voir chapitre II). L’expérience pour cette étude a été menée au bassin à houle de l’Institut des Sciences de l’Ingénieur de Toulon – Var (ISITV), d’une longueur de 10.0m et d’une largeur effective de 2.60m, pour une profondeur maximale de 1.20m (figure III.3). Un batteur à houle permettait de générer des houles régulières ou irrégulières à partir des spectres de type PiersonMoskowitz ou JONSWAP, mais seules les houles régulières ont été testées pour cette expérience. Les houles étaient unidirectionnelles, d’une hauteur inférieure à H=0.20m et de période comprise entre T=0.3s et T=3.0s À l’autre extrémité du bassin se trouvait une plage parabolique recouverte d’un caillebotis jouant le rôle d’amortisseur de la houle. La photo du bassin est présentée sur la figure III.1. FIG III.1 – Photographie du bassin d’essai de l’ISITV III. Etude expérimentale de la propagation de la houle au-dessus d’un haut-fond 101 Le dimensionnement du haut-fond a été fait par analogie avec la bosse de l’expérience originelle de Vincent et Briggs, à l’échelle du bassin à houle de l’ISITV, et suivant les contraintes liées à la construction de la maquette ainsi qu’à son transport. La maquette, construite entièrement dans les locaux d’ACRIIN, possédait une forme quasi ellipsoïdale de 1.50m de longueur maximale par 1m de largeur maximale, pour une hauteur au sommet de 0.30m. C’était en fait une demi-sphère élargie d’une partie rectiligne en son centre (figure III.2). FIG III.2 – Vues en plan et en coupe des dimensions de la bosse L’allongement de la bosse dans le sens de propagation de la houle a été testé numériquement pendant la phase de dimensionnement pour permettre d’amplifier plus fortement la houle et d’offrir une portion plus large sur laquelle la houle est perturbée. Ce type de bosse est appelé UTDM (Underwater Three Dimensional Mound). Le schéma du dispositif expérimental est représenté figure III.3. FIG III.3 – Dispositif expérimental III. Etude expérimentale de la propagation de la houle au-dessus d’un haut-fond 102 Pour cette expérimentation, on disposait de 7 sondes résistives, reliées à un logiciel d’acquisition. Afin d’obtenir une cartographie de mesures la plus précise possible, une sonde fixe a été placée à l’avant du batteur (de manière à avoir une valeur témoin de la houle incidente avant qu’elle ne se déforme) et 6 sondes ont été fixées linéairement dans le sens transversal sur une poutre mobile. Les 6 sondes mobiles ont été placées sur la moitié du bassin car le phénomène observé était symétrique. Les sondes 2 à 4 étaient séparées d’une distance de 15cm alors que les sondes 4 à 7 étaient espacées d’une distance de 20cm, ceci afin d’obtenir des données plus précises sur les phénomènes qui s’opéraient juste au dessus du centre de la bosse. La largeur effective du bassin étant de 2.60m, la distance entre le centre de la bosse et le bord du bassin était donc de 1.30m. Les sondes couvraient quant à elles une distance de 90 cm, laissant 40 cm entre la sonde 7 et le bord du bassin, pour éviter de mesurer des effets de bord. Le dispositif de mesure de la houle est présenté schématiquement par la figure III.4 FIG III.4 – Vue en plan de la bosse et de la disposition des sondes de mesures La bosse a été fixée sur une planche de contre plaqué marine jouant le rôle de faux fond, renforcée par des tiges métalliques dans le but d’éviter qu’elle ne cède sous la pression verticale dirigée vers le haut exercée par la bosse. Celle-ci a été montée dans le bassin de sorte que son centre soit placé devant la vitre de visualisation. Le milieu de la bosse se trouvait ainsi à 4.25 m du générateur, soit 3.50 m entre le début de la bosse et le générateur. L’acquisition des mesures a été faite tous les 10cm dans le sens longitudinal (pour la profondeur 35cm) ou à une distance équivalente à la longueur d’onde des houles incidentes (pour les profondeurs 40cm et 20cm), en commençant environ 25cm avant le début de la III. Etude expérimentale de la propagation de la houle au-dessus d’un haut-fond 103 bosse. Les mesures d’amplification de la houle ont été effectuées pour tous les runs au niveau d’une section commune, à 5.0m du générateur, c’est-à-dire au bout de la bosse. Le dispositif dans le bassin à houle est illustré sur la figure III.5. FIG III.5– Photos du dispositif expérimental dans le bassin Un appareil photo numérique était placé sur une passerelle à 8m du générateur et pouvait prendre des photos à 1m et 2m au dessus du niveau de l’eau. Les expériences ont été conduites dans le noir avec comme seul éclairage celui du flash de l’appareil photo. Cela permettait de relativement bien distinguer les crêtes et les creux sur les photos, particulièrement pour les vagues les plus cambrées.
Plusieurs niveaux d’eau ont été testés avec différentes périodes de houle incidente. Faire varier le niveau d’eau avait pour objectif de voir l’influence de la bosse sur la propagation de la houle. Le but recherché était d’observer et de distinguer une surface libre dont les crêtes ne subissent presque aucune influence (niveau d’eau h=40cm), d’une surface libre où les crêtes sont fortement influencées par la bosse : d’abord lorsque la bosse est faiblement immergée (niveau d’eau h=35cm) et puis lorsque la bosse est émergée (niveau d’eau h=20cm). L’expérience tentait à prouver qu’à partir du moment où le haut-fond est immergé, la diffraction empêche les crêtes (dans le cas d’une houle monochromatique et unidirectionnelle) de se croiser et de former une caustique. Au contraire, lorsque le haut-fond est émergé, les crêtes se croisent à l’arrière de celui-ci. Un atténuateur / amortisseur de houle, constitué de plaques de tapis brosse synthétique (présenté Fig.III.15) appliqué sur la surface de la bosse, a été utilisé dans un premier temps avec un niveau d’eau à h=35 cm, pour tenter d’empêcher la focalisation d’énergie qui intervient au dessus de la bosse. Dans un deuxième temps cet atténuateur a permis, lorsque la bosse était émergée, d’éviter le déferlement et la réflexion de la houle sur la bosse, qui pollue le signal et perturbe la propagation. Enfin une série de mesures a été réalisée pour une amplitude un peu plus grande (A=7mm au lieu de A=5mm) afin de comparer les coefficients d’amplification et les plans de vagues à différentes amplitudes.
Résultats expérimentaux bruts
On présente dans un premier temps pour chaque profondeur d’eau, les résultats bruts de l’expérimentation à savoir : – les photographies des périodes pour lesquelles les surfaces libres sont les plus représentatives, – Les coefficients d’amplification uniquement au niveau de la section située à 5m du générateur de houle, issus des données des sondes de mesures. Une description de la méthodologie employée pour traiter les signaux enregistrés ainsi qu’une analyse plus détaillée des coefficients d’amplification est réalisée dans la partie III.4.
Profondeur d’eau 40cm
Les runs 1 à 4 ont été menés pour une profondeur dans le bassin de h=40cm, soit une profondeur au dessus du sommet de la bosse de h’=10cm, et des houles incidentes de H=5mm pour des périodes variant de T=0.3s à T=0.6s. A cette profondeur d’eau, on observe que la surface libre pour l’ensemble des houles incidentes testées est très peu perturbée au passage de la bosse, et surtout que les crêtes restent uniformes dans tous les cas. On note tout de même une légère amplification de la houle au centre du bassin en aval de la bosse, visible notamment pour les grandes périodes (T=0.5s et T=0.6s). L’analyse des sondes sur la section située à 5m du générateur, confirme les impressions visuelles et montre logiquement que plus la période de la houle incidente est grande, et plus le coefficient d’amplification est important. Les résultats sont résumés dans le tableau III.2. On voit d’après ce tableau que la houle de période T=0.3s n’est pas du tout influencée puisqu’aucune amplification n’est mesurée à l’arrière de la bosse. Les amplifications sont ensuite croissantes au fur et à mesure que la période de la houle incidente augmente. L’amplification passe ainsi de 1.12 pour T=0.4s, à 1.31 pour T=0.5s et enfin 1.53 pour T=0.6s. On note que le pic d’amplification est mesuré à une distance relativement identique du générateur, soit entre 4.80m et 4.90m, ce qui correspond à une distance de 10 ou 20cm avant le bout de la bosse. La surface libre à T=0.4s est illustrée par la figure III.6. Les coefficients d’amplification le long de la section mesurée à 5m du générateur sont présentés figure III.7 (on relie intentionnellement les points expérimentaux pour des raisons de visualisation).
Profondeur d’eau 35cm
On s’intéresse dans un premier temps aux runs 5 à 8 pour lesquels A=0.5cm, h=35cm et h’=5cm. L’objectif en baissant le niveau d’eau dans le bassin de 5cm était de « forcer » la houle à être influencée par la bosse. On présente ci-dessous les observations détaillées réalisées pour chacune des périodes. Run 5 Pour le run 5, les modifications que subit la houle au passage de la bosse ne sont pas significatives et les crêtes restent uniformes. On constate néanmoins 2 lignes symétriques par rapport au centre du bassin, où l’amplification est moins importante. Run 6 A une période de houle incidente de T=0.4s (run 6), on commence à distinguer visuellement l’influence de la bosse sur la surface libre de la houle (figure III.8). On observe également deux démarcations plus visibles que pour T=0.3s de part et d’autre du centre du bassin, en aval de la bosse dans le sens de propagation de la houle, sur lesquelles l’amplitude est plus faible. Vues de profil, ces lignes forment une marche et marquent un décalage entre la crête rectiligne au centre du bassin et la crête du bord, sans pour autant qu’on puisse dissocier les deux crêtes. Il y a un léger décrochage et déphasage de la partie de la crête qui a freiné en passant au dessus de la bosse, par rapport à celle qui n’a pas été influencée par la bosse. Il parait également très net que les deux lignes de faibles amplitudes s’ouvrent selon un certain angle par rapport à l’axe longitudinal du bassin
INTRODUCTION . |