Introduction aux notions d’exaltation et de contrôle de fluorescence moléculaire par des nano-antennes optiques
Nano-antennes optiques pour l’exaltation et le contrôle de la fluorescence moléculaire dans des volumes sub-longueur d’onde
Principes généraux de uorescence moléculaire
Introduction à la luminescence
La luminescence est un terme introduit en 1888 par le physicien allemand Wiedemann pour désigner une émission lumineuse dont l’origine n’est pas purement thermique, par opposition à l’incandescence. Les phénomènes de luminescence peuvent être classés selon leur mode d’excitation. En particulier, on parle de photoluminescence lorsque l’excitation s’eectue par voie optique et l’on distingue deux types de photoluminescence : la uorescence et la phosphorescence. Les échelles de temps caractéristiques relatifs à ces deux processus, dont l’origine est directement liée aux niveaux électroniques impliqués lors des transitions radiatives, sont à la base de leurs distinctions. En eet, le phénomène de uorescence est caractérisé par un temps de relaxation radiative de l’ordre de la nanoseconde, alors que ce temps caractéristique est supérieur à la milliseconde pour le phénomène de phosphorescence.
Quantication des niveaux d’énergie dans une molécule
Dans l’approximation de Born-Oppenheimer, on considère que l’on peut découpler le mouvement des électrons de celui des noyaux, en estimant que leur mouvement est beaucoup plus lent que celui des électrons. Une des conséquences directe de cette approximation est que l’énergie totale d’un molécule est la somme des ses énergies électronique, vibrationnelle et rotationnelle, toutes ces énergie étant quantiées comme illustré en Figure 1.1. Les états électroniques singulets sont notés S0, S1 et l’état triplet est noté T1. Un état dit singulet est un état pour lequel les électrons sont appariés, ce qui conduit à une multiplicité M =1.
La multiplicité M est une mesure de la dégénerescence des fonctions d’onde électroniques et elle est dénie comme M = 2S + 1, S étant le moment de spin total des électrons mis en jeu. Pour un état singulet, les éléctrons étant appariés, les spins prennent respectivement les valeurs s = {1/2, −1/2}, ce qui conduit à une multiplicité M =1. Pour un état triplet, les électrons étant non appariés, les spins prennent les couples de valeurs s = {1/2, 1/2} ou s = {−1/2, −1/2}, la multiplicité vaut donc M = 3. Les transitions électroniques (comme la transition S0 → S1), qui représentent le passage d’un électron d’un niveau d’énergie à un autre, ont des énergies comprises entre 1 eV (domaine visible) et 10 eV (domaine des ultra-violet).
Chaque état électronique est associé à un sous-ensemble de niveaux vibrationnels qui sont caractéristiques des modes de vibration de la molécule. Les transitions entre niveaux vibrationnels ont des énergies de l’ordre de 10−1 eV (domaine des infra-rouges) pour des molécules hétéroploaires. Bien qu’ils ne soient pas représentés, chaque état vibrationnel est en soi associé à une multitude d’états rotationnels qui caractérisent le mouvement de rotation de la molécule autour de son centre de gravité. Les transitions entre niveaux rotationnels ont des énergies de l’ordre de 10−3 eV (domaines des micro-ondes) pour des molécules hétéropolaires. Selon le principe de Franck-Condon, une transition électronique se produit sans changement des positions des noyaux dans l’entité moléculaire : les transitions sont donc verticales.
Règles de sélection
On distingue deux règles de sélection pour les transitions d’absorption : les transitions interdites pour des raisons de spin et les transitions interdites pour des raisons de symétrie. Les lois de sélection de spin stipulent que les transitions entre deux états de multiplicité différentes sont interdites. Une conséquence calculatoire immédiate de cette règle est que la variation de multiplicité de spin ∆S entre les niveaux impliqués doit être nulle pour que la transition considérée soit autorisée. De ce fait, les transitions de type singuletsingulet ou triplet-triplet sont autorisées (car ∆S =0), alors que les transitions de type singulet-triplet ou triplet-singulet sont interdites (car ∆S 6=0). Cependant, le couplage spin-orbite permettant l’intéraction entre des fonctions d’onde de multiplicité diérente, il existe une faible (mais non négligeable) probabilité de transition entre un état singulet et un état triplet.
En particulier, le croisement intersystème (passage d’un état singulet vers un état triplet) est rendu possible grâce au couplage spin-orbite. Les considérations sur les transitions interdites pour des raisons de symétrie font quant à elles appel à la théorie des groupes et dépassent le cadre de cette thèse. On précisera cependant qu’une transition interdite pour des raisons de symétrie peut être observée lorsque les vibrations moléculaires provoquent des écarts par rapport à la symétrie parfaite.
Transitions radiatives et non radiatives entre états électroniques
Le diagramme de Jablonski (Figure 1.2), nommé d’après le physicien Alexandre Jablonski, permet de visualiser les diérents processus mis en jeu au cours des transitions entre états : absorption d’un photon, conversion interne, uorescence, croisement intersystème, phosphorescence … L’axe vertical est un axe en énergie, tandis que les états sont groupés horizontalement selon leur multiplicité de spin (de la même manière que la Figure 1.1). Les transitions radiatives sont symbolisées par des èches droites et les transitions non-radiatives par des èches ondulées. L’état vibrationnel fondamental de chaque état électronique est représenté par une ligne épaisse et les autres états vibrationnels par un ligne ne.
L’absorption d’un photon incident peut porter une molécule dans l’un des états vibrationnel de S1, S2, … Nous allons à présent décrire les processus de relaxation qui s’ensuivent. Conversion interne Les processus de conversion interne correspondent à des transitions non radiatives entre deux états de même multiplicité (exemple : transition S2 → S1 en Figure 1.2) ou à la relaxation d’un état vibrationnel excité vers l’état vibrationnel fondamental du même niveau 8 1.1. Principes généraux de uorescence moléculaire électronique (exemple : transition S1,v=5 → S1,v=0 en Figure 1.2). Lorsque la molécule est portée vers un niveau vibrationnel excité du premier état excité S1 après absorption d’un photon incident, la relaxation vibrationnelle conduit l’électron vers le niveau vibrationnel 0 de l’état excité S1 en 10−13 à 10−11 s.
Cette règle empirique, qui porte le nom de loi de Kasha, est basée sur le fait que les processus de relaxation vibrationnelle sont bien plus rapides que tout autre processus de relaxation. Fluorescence L’émission de photons qui accompagne la relaxation S1 → S0 est appelée uorescence. Malgré le fait que l’émission d’un photon soit un processus aussi rapide que l’absorption (10−15 s), la durée de vie moyenne de la molécule dans l’état excité S1 varie entre 10−10 et 10−7 s. En raison de la perte d’energie par relaxation vibrationnelle lors des processus de conversion interne, le spectre d’émission de uorescence est situé à des longueurs d’ondes plus élevées que le spectre d’absorption. Le décalage entre les pics d’absorption et d’émission de uorescence est appelé déplacement Stokes.
La section ecace d’absorption à un photon σ est de l’ordre de 10−16 cm2 pour des sondes uorescentes organiques standards. Relaxation non radiative et quenching Le passage S1 → S0 peut également s’eectuer de manière non radiative, c’est à dire sans émission de photons. D’autre part, il existe une autre forme de relaxation non-radiative appelée quenching et que l’on peut scinder en deux catégories : le quenching dynamique et le quenching statique. Le quenching dynamique trouve son origine lors des collisions intermoléculaires où l’énergie électronique est convertie en énergie cinétique et de vibration. Le quenching statique est observé lors de la formation de complexes non uorescents.
Croisement intersystème et phosphorescence
Le croisement intersystème est une transition non radiative entre deux niveaux vibrationnels impliquant des états électroniques de multiplicités différentes. Comme il peut être remarqué en Figure 1.2, une molécule dans l’état vibrationnel fondamental de l’état excité S1 peut être amenée vers le niveau vibrationnel isoénergétique de l’état triplet T1, avant d’être conduite, après relaxation vibrationnelle, dans l’état vibrationnel de plus basse énergie de T1. Bien qu’en principe interdit par les règles de sélection de spin, le passage S1 → T1 (dont la durée varie entre 10−9 et 10−7 s) peut entrer en compétition directe avec les processus de relaxation de S1 → S0. A température ambiante, la passage de T1 → S0 est dominé par des effets non radiatifs.
En effet, la probabilité de relaxation radiative depuis T1 est faible puisque la transition est en principe interdite. Une conséquence directe est que la relaxation radiative lors du passage T1 → S0, appelée phosphorescence, est caractérisée par une constante de vitesse radiative au moins 1000 fois plus faible que pour la transition radiative S1 → S0. La durée de vie de l’état excité T1 varie entre 10−6 et 1 s. D’un point de vue spectral, la phosphorescence est située à des longueurs d’onde plus grandes que la uorescence, car l’état triplet T1 est énergétiquement plus faible que l’état singulet S1. Fluorescence après absorption biphotonique Une molécule peut également être portée dans un état électronique excité (S1, S2, …) après absorption non-linéaire de deux (ou plus) photons incidents.
Pour que ce processus d’absorption biphotonique soit ecace, les deux photons incidents doivent être vus par la molécule dans une fenêtre temporelle de ∆τ ≈10−15 s, nécessitant en pratique l’utilisation d’une source laser impulsionnelle femtoseconde. La relaxation depuis l’état excité après absorption biphotonique s’eectue de la même manière que dans le cas de l’absorption monophotonique. La section ecace d’absorption à deux photons étant beaucoup plus faible celle d’absorption à un photon (σ2P ≈10−50cm4 s/photon), le signal de uorescence émis après absorption biphotonique est très faible comparé au cas d’une excitation monophotonique.
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