Contrôle du courant Nord Méditerranéen dans le golfe du Lion
Le golfe du Lion
Introduction
La mer Méditerranée est un milieu microtidal (marées de faible amplitude) dans lequel la circulation côtière est à la fois marquée par le Courant Nord Méditerranéen1 (CNM) et ses instabilités, le panache de dilution du Rhône et soumise à une grande variété de for¸cages atmosphériques (flux intenses, fréquents et fortement spatialisés par les reliefs continentaux avec Mistral et Tramontane soufflant au niveau du golfe du Lion, flux haute fréquence avec les brises de mer), sans oublier un ensemble de processus océanographiques tels que la convection et la cascade d’eau dense, les remontées d’eaux côtières ou encore les ondes d’inerties. Certains phénomènes physiques peuvent ˆetre transitoires dépendant par exemple de la stratification et/ou des conditions de for¸cages météorologiques particulières. Ces phénomènes viennent s’additionner aux phénomènes déjà en place et ne sont pas toujours faciles à mettre en évidence, à filtrer ou à prévoir. Les écoulements variés qui décrivent cette circulation sont donc locaux et complexes et peuvent se traduire notamment par des structures tourbillonnaires et filamentaires associées aux fluctuations du courant. Les échelles de variabilité temporelle sont nombreuses et peuvent aller de quelques heures, à l’année. Les multiples processus de cette région peuvent avoir lieu en mˆeme temps et au mˆeme endroit, on assiste donc à un “imbrication” de ces processus ce qui rend leur détermination et leur interprétation encore plus difficile. L’imbrication des processus physiques et biologiques ayant lieu dans l’océan a tout d’abord été étudiée par Stommel (63) puis a été reprise par Dickey (2003) dans des diagrammes illustrant la complexité de l’imbrication de ces différents processus en fonction de l’échelle spatiale et temporelle à laquelle ils apparaissent2 . L’objectif de cette thèse n’est pas l’étude ni la description de la totalité de ces processus ainsi que de leurs interactions. Je ne décrirai donc dans ce manuscrit que les principaux processus interagissant de manière directe ou indirecte avec le CNM, dont le contrôle par l’assimilation de données est l’un des principaux objectifs de cette thèse. L’objectif de ce chapitre est donc de décrire l’environnement dans lequel se place cette thèse, en commen¸cant par une description générale de la mer Méditerrranée occidentale, avant de décrire plus particulièrement le golfe du Lion ainsi que ses conditions climatiques. Ce chapitre se terminera par une description de la circulation ainsi que des processus clés agissant à cet endroit. La description des caractéristiques du CNM fera l’objet du chapitre suivant.
Description et caractéristiques de la mer Méditerranée occidentale
Structure de la mer Méditerranée
La mer Méditerranée est une mer intercontinentale presque entièrement fermée située entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie qui s’étend sur une superficie d’environ 2.5 millions de kilomètres carrés (3 millions avec la Mer Noire, soit 1% de l’océan mondial). 1Ce courant est aussi appelé courant Liguro Proven¸cal ou Liguro Proven¸cal Catalan. 2Ces études ont plus particulièrement montré que ces processus pouvaient ˆetre disposés au sein d’un diagramme dans lequel ils pouvaient “s’aligner” sur une diagonale traduisant que plus un processus donné se rencontrait à une petite (grande) échelle temporelle, plus il se localisait sur une petite (grande) échelle spatiale.
La mer Méditerranée occidentale
Elle doit son nom au fait qu’elle est littéralement une “mer au milieu des terres”, en latin mare medi terra. Durant l’Antiquité, la Méditerranée était une importante voie de transport maritime, permettant l’échange commercial et culturel entre les peuples émergents de la région. L’histoire de la Méditerranée est importante dans l’origine et le développement de la civilisation occidentale. Aujourd’hui, cette mer fournit dans le cadre de la pˆeche 2% de la production mondiale. Pour caractériser cette mer en quelques chiffres, on pourrait dire qu’il s’agit d’une mer profonde avec une profondeur moyenne de 00m et certains de ses abysses rivalisent avec ceux des océans, comme sous les ondes tyrrhéniennes (3 731m) et sous la nappe ionienne (5 1m). Son volume est de 3.7 millions de kilomètres cubes et son littoral se déroule sur 46 000 kilomètres. 69 fleuves s’y jettent, dont les plus importants sont : le Pô, le Rhône, le Nil, l’Ebre et le Moulouya. ` Son ouverture vers l’océan Atlantique par le détroit de Gibraltar est large de km et a un seuil situé à 300m de profondeur. Elle se divise en deux bassins bien individualisés, séparés par des hauts fonds situés entre la Sicile et la Tunisie : la Méditerranée occidentale (mer d’Alboran, la mer Tyrrhénienne et le bassin Algéro-proven¸cal dont le golfe du Lion fait partie) et la Méditerranée orientale, elle-mˆeme nettement compartimentée. La première recouvre une superficie d’environ 0.85 million de kilomètres carrés tandis que la seconde recouvre environ 1.65 million de kilomètres carrés. La mer Méditerranée occidentale s’étend sur 2000 km d’est en ouest entre le détroit de Gibraltar à 5◦W et le détroit de Sicile situé au-delà de 10◦E. Du sud au nord, elle est comprise entre 35◦N et 45◦N, soit une largeur maximale de 900 km entre la France et l’Algérie. Ce bassin est couramment subdivisé en 5 sous-bassins : à l’ouest la mer d’Alboran puis le bassin algérien avec plus au nord la mer des Baléares et le bassin nord, composé lui-mˆeme de la mer de Ligure, du golfe du Lion et de la mer des Baléares. Enfin, à l’est de la Corse et la Sardaigne, se trouve la mer Tyrrhénienne (figure 1.1). La différence de densité entre le bassin méditerranéen occidental d’une part et les bassins atlantique et méditerranéen oriental d’autre part est responsable des transports moyens au travers des détroits de Gibraltar et de Sicile et contribue au for¸cage de la circulation cyclonique des masses d’eau superficielle et intermédiaire sur l’ensemble du bassin occidental. C’est un des moteurs principaux de la circulation en Méditerranée dˆu au fait que les pertes d’eau douce par évaporation (plus importantes que dans l’océan Altantique) sont supérieures au gain d’eau douce obtenu par précipitation, débit des fleuves et échange avec la mer Noire très peu salée (déficit d’environ 3 000 millions de mètres cubes), d’o`u un taux de salinité plus élevé et des températures d’eau plus chaudes qu’en Atlantique. Dans le bassin ouest, ce déficit en eau douce, ou autrement dit ce gain en salinité, conduit à une transformation de la masse d’eau atlantique en une masse d’eau plus salée et plus dense : l’eau méditerranéenne. Il est également responsable des contre-courants au travers des détroits qui tendent à équilibrer les bilans massiques et thermohalins de chaque bassin.
La légende du golfe du Lion
A l’époque ancienne du Moyen-Age, les navigateurs méditerranéens se dépla¸caient en visant des points de repère disséminés le long de la côte et visibles depuis le large. Les caboteurs désirant rallier Maguelone (Hérault) repéraient la montagne en forme de sphinx, qui comme chacun sait, est un lion couché relevant fièrement sa tˆete d’homme. Mais pour les matelots moins lettrés que leur commandant, c’était bel et bien un lion qui se tenait au fond du golfe, et ils avaient bien raison d’identifier ainsi notre majestueux Pic St Loup ! D’autres disent que le nom actuel du golfe est apparu au plus tard au XIIIe siècle et pourrait venir de la comparaison avec un lion : cela suggérerait simplement que cette partie de la mer est aussi dangereuse qu’un lion car elle connaˆıt des vents violents et soudains qui menacent les bateaux (les marins et les pˆecheurs connaissent très bien ces dangers). Et c’est ainsi que la vaste baie sableuse située entre Camargue et Roussillon est devenue le golfe du Lion. Notons au passage que les anglais se trompent quand ils écrivent “Gulf of Lions” (au pluriel) sur leurs cartes car nous sommes bien placés pour savoir qu’il n’y a qu’un seul Lion, comme il n’y a qu’un seul Pic St Loup.
Situation géographique du golfe du Lion
Le golfe du Lion est un domaine côtier situé dans la partie nord de la mer Méditerranée occidentale, face au littoral sableux des régions fran¸caises du Languedoc-Roussillon, de la Camargue et de la Provence, qui s’étend depuis le cap Croisette (sud de Marseille) jusqu’au cap Béar. Au sud, le golfe est largement ouvert sur le bassin Liguro-Proven¸cal sur une distance d’environ 200 km. Au nord, ses côtes forment un arc de cercle de 200 km de rayon. Le golfe du Lion est constitué d’un plateau continental d’une profondeur moyenne de 90m jusqu’à l’aplomb du talus continental au sud, le long d’une ligne joignant le cap Béar à Toulon, qui le relie au reste du bassin méditerranéen. Ce talus continental qui sépare le plateau des plaines abyssales, constitue une véritable frontière entre zone côtière et mer du large, une frontière faite de pentes abruptes découpées de nombreux canyons . Ces canyons (figure 1.3) sont les vestiges des lits de rivières, creusés lors des périodes interglacières. A l’entrée est du plateau, on trouve le canyon de Cassis suivi des canyons du Planier et de Marseille. Suivent ensuite les canyons associés au Rhône : les canyons du Grand et du Petit Rhône, puis les canyons de Sète, de Marti, de l’Hérault et de l’Aude. Ce réseau de canyons se termine par le canyon de Lacaze-Duthiers et celui de Creus (figure 1.3). Ces canyons jouent un rôle important car ils influencent la circulation dans ce golfe. Le plateau du golfe du Lion communique avec les plateaux adjacents (plateau varois à l’est et plateau catalan au sud-ouest) au travers de fins cordons littoraux. Le plateau catalan s’étend du canyon de Creus jusqu’au canyon de Blanes et est ciselé par le grand canyon de Palamos. La circulation dans cette zone est influencée par les for¸cages atmosphériques (vents, précipitations, température atmosphérique…) mais aussi par le panache du Rhône. L’étude de ces phénomènes fait l’objet du paragraphe suivant
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