Données de l’imagerie
Imagerie squelettique :Deux enfants présentaient des fractures récentes du crane (4,1 %). Chez l’un des enfants, cette fracture était isolée. Chez l’autre, elle était associée à un saignement intracrânien (hémorragie sous‐arachnoïdienne et hémorragie extra‐axiale).
Des stigmates de fractures anciennes (cals osseux costaux) ont été retrouvés chez un enfant (2%). Des os wormiens ont été retrouvés chez trois enfants de l’échantillon (6,1 %).
Imagerie du système nerveux central : Hémorragie intracrânienne Un saignement intracrânien récent a été retrouvé à l’imagerie chez 6 enfants (12,2 %). Il s’agissait d’hémorragie sous‐arachnoïdienne (n=2), d’hémorragie extra‐axiale (n=2), ou d’une association d’hémorragies sous‐arachnoïdienne et extra‐axiale (n=2).
Pour ces 6 enfants, l’autopsie n’a mis en évidence un saignement intracrânien récent que dans 4 cas. Les deux cas discordants, où une hémorragie avait été identifiée à l’imagerie et non décrite à l’autopsie, correspondaient à une hémorragie sous‐arachnoïdienne (dans un contexte de maltraitance) et à une hémorragie extra‐axiale (contexte d’épiglottite et de trachéobronchite nécrotique). Un cas de saignement récent, associant hémorragie sous‐arachnoïdienne, extra axiale, intra‐ parenchymateuse et intra‐ventriculaire, décrit à l’autopsie, n’était pas visible au scanner ou à l’IRM post‐mortem.
Un cas de stigmate hémorragique sur malformation artério‐veineuse intra‐parenchymateuse de petite taille, décrit à l’autopsie, n’était visible ni au scanner ni à l’IRM post‐mortem.
Pneumencéphalie :Une pneumencéphalie était visible à l’imagerie chez un enfant (2%), associée à une fracture récente de la voute crânienne, sans saignement intracrânien. Ce critère n’est pas étudié à l’autopsie.
Dilatation ventriculaire cérébrale :Nous avons remarqué une discordance notable entre les données de l’autopsie et l’imagerie (TDM et IRM) concernant le critère « dilatation ventriculaire cérébrale ». Deux cas de dilatation ventriculaire cérébrale étaient décrits à l’autopsie, non retrouvés sur les imageries, et un cas de dilatation ventriculaire cérébrale visible à l’imagerie (TDM et IRM) n’était pas décrit à l’autopsie.
Un élargissement des espaces sous‐arachnoïdiens, non spécifique, était décrit à l’imagerie dans 8 cas (16,3 %). Ce critère n’était pas étudié à l’autopsie.
Imagerie des voies aéro‐digestives :Sinus Au total, 17 enfants présentaient un comblement sinusien à l’imagerie (34,7 %). Ce critère n’était pas explorable en autopsie.
Distension œsophagienne :Une distension œsophagienne était retrouvée dans 21 cas (42,9 %) à l’imagerie (avec concordance parfaite entre scanner et IRM), mais uniquement dans 5 cas à l’autopsie (10,2 %), avec une concordance faible imagerie/autopsie.
Liquide au sein de l’arbre trachéo‐bronchique :La présence de liquide au sein de l’arbre trachéo‐bronchique était notée dans 39 cas au scanner (79,6 %), dans 40 cas à l’IRM (83,3 %) et dans seulement 17 cas à l’autopsie (34,7 %).
Deux cas présentaient une discordance à l’imagerie entre les données du TDM et de l’IRM avec absence de liquide trachéo‐bronchique au scanner (réalisé en premier dans les 2 cas) et présence de liquide trachéo‐bronchique à l’IRM (réalisée 20 minutes plus tard dans un cas et 5h20 plus tard dans l’autre cas).
Modifications taphonomiques et modifications liées aux manœuvres de réanimation
Modifications taphonomiques intra‐vasculaires et au sein des espaces méningés Un aspect de thrombose des sinus veineux endocrâniens était rapporté chez 48 nourrissons (98 %), apparaissant comme une hyperdensité spontanée en TDM et un hyposignal T2 en IRM, au sein des sinus veineux endocrâniens . Un aspect de sédimentation intra‐vasculaire a été décrit dans 45 cas au TDM et à l’IRM (91,8 %) . Une hyperdensité spontanée de la paroi aortique était visible au TDM dans 45 cas (91,8 %). Des bulles aériques intra‐vasculaires (systèmes artériel, veineux systémique et veineux porte confondus) étaient présentes chez 38 enfants (77,6 %).
Des bulles aériques étaient retrouvées au sein du canal rachidien chez 36 nourrissons (73,5 %). Modifications taphonomiques abdominales .Au final, 32 des nourrissons présentaient une distension aérique de l’estomac (65,3 %).
Une distension aérique des anses digestives (intestin grêle et/ou colon) a été décrite chez 27 enfants (55,1 %).
Modifications liées aux manœuvres de réanimation :Des fractures bilatérales des arcs costaux antérieurs, communément attribuées aux manœuvres de réanimation, ont été retrouvées chez 4 enfants (8,2 %) en imagerie. Des stigmates de voies intra osseuses (points de ponction tibiaux, parfois associés à une infiltration
liquidienne et/ou aérique des tissus mous ou des bulles aériques intra‐osseuses) ont été retrouvées chez 27 enfants (55,1%).
Lien entre modifications taphonomiques et délai de réalisation de l’imagerie post‐mortem après le décès Il n’a pas été mis en évidence de lien significatif dans notre série, entre le délai de réalisation de l’imagerie post‐mortem et la présence des différentes modifications taphonomiques.
Corrélation entre les anomalies retrouvées en imagerie et les diagnostics de synthèse finaux
L’un des objectifs secondaires de notre travail était de rechercher une corrélation entre la présence de certains signes spécifiques à l’imagerie et les différentes causes de décès retenues. Nous avons évalué statistiquement les coefficients de corrélation entre les causes finales de décès retenues pour chaque enfant et les anomalies étudiées à l’imagerie .
Un coefficient de corrélation supérieur ou égal à 0,6 était considéré comme attestant d’une concordance forte. Dans notre série, il a été mis en évidence une forte corrélation entre la présence d’une stéatose hépatique à l’imagerie et le diagnostic final de maladie métabolique. Il s’agissait d’un cas de diagnostic post‐mortem de mitochondriopathie par mutation homozygote du gène HADHA avec déficit de l’oxydation des acides gras (anomalie de la protéine trifonctionnelle mitochondriale). Cette anomalie a été retenue comme responsable du tableau gravissime d’atteinte pluri‐viscérale ayant conduit au décès de l’enfant et permis d’initier un conseil génétique pour les grossesses suivantes du couple.
Une dilatation des ventricules cérébraux a été retrouvée chez un enfant pour qui le diagnostic de pathologie malformative a été retenu (contexte de microcéphalie, anomalie génétique et retard global très évocateur d’une anomalie génétique, mais sans diagnostic formel après l’ensemble du bilan post mortem). Le coefficient de corrélation calculé était correct.
La présence d’une cardiomégalie à l’imagerie a montré, comme attendu, une corrélation significative avec le diagnostic final de défaillance cardio‐respiratoire.
L’imagerie post mortem a montré des performances notables dans la détection des pathologies chirurgicales aigues, avec une concordance forte concernant les signes indirects (distension digestive liquidienne et pneumatose pariétale) et également concernant l’identification directe de la pathologie chirurgicale aiguë. Notre série retrouvait une incidence de 8.2% de maltraitance (n= 4). La présence d’une hémorragie sous‐arachnoïdienne ou extra‐axiale à l’imagerie était fortement corrélée au diagnostic de maltraitance (retrouvée chez les 4 enfants pour lesquels l’autopsie concluait à une forte suspicion de maltraitance).
En revanche, notre travail n’a pas permis de mettre en évidence de corrélation statistique forte entre le diagnostic final de maltraitance et la présence de fractures anciennes ou récentes (coefficient de corrélation à 0.484 et 0.315 respectivement).
Concordances et discordances TDM ‐ IRM – autopsie
Téguments: Les reconstructions VR sur les TDM post‐mortem permettaient de mettre en évidence différentes anomalies cutanées, comme des plaies, des points de ponctions, des pertes de substance cutanée ou des papules. La nature de ces anomalies était difficile à préciser de façon formelle sur l’imagerie seule et l’examen externe à l’autopsie ne prenait pas en compte les décollements cutanés en lien avec la macération post‐mortem, les points de ponction ou biopsie chirurgicale post‐mortem (prélèvement de tissu au niveau de la cuisse le plus souvent pour étude génétique ou culture de fibroblastes).
La corrélation TDM‐autopsie pour ces éléments n’a pas pu être réalisée de façon correcte. De plus, il apparait évident que l’imagerie post‐mortem n’a pas vocation à faire l’examen externe, qui est systématiquement réalisé lors de l’accueil du nourrisson décédé en centre de référence MIN. Squelette :L’étude n’a pas retrouvé de cas de « malformation ou maladie osseuse constitutionnelle (MOC)». Cependant, il a été décrit à l’imagerie la présence d’os wormiens chez 3 des nourrissons de l’échantillon, non décrits à l’autopsie car considérés comme non pathologique.
En effet, les os wormiens sont souvent considérés comme une simple variante de la normale, dont l’incidence peut être très élevée au sein d’une population pédiatrique normale. Dans l’étude de Marti et al, l’incidence des os wormiens est de 53% pour une population de 320 enfants âgés de 0 à 3 ans14. Néanmoins, ils sont rencontrés de façon plus fréquente dans certaines dysplasies osseuses comme la dysostose cléidocranienne, la pycnodysostose, l’hypothyroïdie congénitale, le rachitisme mais surtout dans l’ostéogénèse imparfaite qui représente le principal diagnostic différentiel de la maltraitance. La recherche d’os wormiens reste donc importante à l’imagerie (car elle peut orienter vers une éventuelle MOC sous‐jacente), mais ce critère ne doit pas être considéré comme pathologique. Système nerveux central :Anomalie de différenciation substance blanche – substance grise Il existait une forte discordance entre imagerie et autopsie concernant le critère « anomalie de la différenciation substance blanche – substance grise ». En effet, ces anomalies de différenciation étaient décrites à l’autopsie dans presque tous les cas (et n’ont jamais été décrites à l’imagerie sur notre échantillon). Cette discordance peut s’expliquer par le fait que ce critère autopsique est basé sur l’examen anatomo‐pathologique et ne correspond donc pas à des modifications qui pourraient être visibles à l’autopsie « macroscopique ». De plus, ces anomalies traduisent un œdème cérébral non spécifique, qui est plutôt considéré comme un signe d’accompagnement (en cas notamment d’arrêt cardio‐respiratoire ou de défaillance cardio‐circulatoire prolongés, de traumatisme crânien, d’ischémie cérébrale, de tumeur cérébrale, d’hypothermie, d’hypertension artérielle … ). Ce critère apparait donc peu pertinent pour établir la cause du décès. Sur le plan de l’imagerie, des études avaient déjà décrit des modifications de signal sur les séquences T1 et T2 en IRM liées au post mortem, mais qui ne pouvaient être différenciées d’anomalies hypoxiques ante mortem .
Modifications taphonomiques et modifications liées aux manœuvres de réanimation
Les altérations des corps en post‐mortem peuvent influer sur le diagnostic à l’autopsie. En imagerie post‐mortem, le même problème se pose. Plus le corps est altéré, plus l’interprétation des anomalies retrouvées est difficile. La plupart des erreurs semble liée à la mauvaise interprétation de modifications taphonomiques, notamment en lien avec l’apparition de gaz dans les corps. Modifications taphonomiques intra‐vasculaires et au sein des espaces méningés La présence de gaz intra‐vasculaire est un phénomène post‐mortem bien connu, lié aux mécanismes de putréfaction, puis, plus tardivement de prolifération bactérienne. L’étude de Egger et al. de 2010, a mis en évidence l’existence de schémas précis de distribution de l’apparition de gaz post mortem, selon des processus biologiques identifiés au sein des différents compartiments concernés (artères, veines, organes, séreuses, os, tissus sous‐cutanés, muscles, espaces méningés), et qui peuvent orienter sur le caractère pathologique ou non de ces gaz.
Modifications taphonomiques abdominales :La distension aérique de l’estomac et des anses grêliques retrouvée de façon fréquente dans notre étude est un phénomène post‐mortem habituel, qui semble se produire rapidement après le décès et ne doit pas être interprétée comme pathologique. En revanche, nous avons mis en évidence que la présence d’une distension liquidienne des anses digestives était un signe indirect de décès par occlusion digestive.
Modifications liées aux manœuvres de réanimation :Fractures costales antérieures Dans notre travail, il est apparu que les fractures costales antérieures n’étaient pas systématiquement décrites à l’autopsie par les médecins légistes, lorsqu’elles étaient en lien avec la réanimation. Elles étaient par contre toujours décrites à l’autopsie dans les contextes de suspicion de traumatismes infligés. En revanche, en imagerie, les fractures costales antérieures étaient systématiquement décrites si visibles à l’IRM ou à la TDM post‐mortem (le contexte du décès étant inconnu). Cette discordance peut expliquer la mauvaise corrélation retrouvée entre imagerie et autopsie concernant le critère «fracture récente».
Dans la littérature, les fractures costales antérieures sont très souvent considérées comme des stigmates de réanimation cardio‐pulmonaire en l’absence d’autre lésion traumatique associée . Des stigmates d’appositions périostées de l’arc moyen des côtes ont également été reliés à la pratique de la kinésithérapie respiratoire. Il apparaît donc que la description des fractures costales se doit de mentionner leur emplacement précis. L’interprétation de ces fractures doit prendre en compte l’anamnèse et l’histoire clinique de l’enfant (réanimation cardio‐pulmonaire et antécédent de kinésithérapie respiratoire notamment), afin de différencier les anomalies iatrogènes de celles devant faire suspecter une maltraitance.
Table des matières
INTRODUCTION
MATERIEL ET METHODES
RESULTATS
1. Caractéristiques épidémiologiques de l’échantillon
2. Concordances et discordances TDM ‐ IRM – autopsie
3. Modifications taphonomiques et modifications liées aux manœuvres de réanimation
4. Corrélation entre les anomalies retrouvées en imagerie et les diagnostics de synthèse finaux
DISCUSSION
1. Caractéristiques épidémiologiques de l’échantillon et conditions de réalisation des examens
d’imagerie post mortem
2. Concordances et discordances TDM ‐ IRM – autopsie
3. Modifications taphonomiques et modifications liées aux manœuvres de réanimation
4. Corrélation entre les anomalies retrouvées en imagerie et les diagnostics de synthèse finaux
CONCLUSION
LISTE DES ABBREVIATIONS
REFERENCES