Trajectographie Passive sans manœuvre de l’observateur
Manœuvre de l’observateur et observabilité
Une question maintenant parfaitement résolue dans le cadre du BO-TMA conventionnel est celle de l’observabilité. En effet, il a été démontré dans [Nardone81], [Payne89] et [Jauffret96] que l’observateur doit manœuvrer pour assurer l’observabilité mais cela ne suffit pas : il existe des manœuvres laissant le système inobservable comme par exemple, celle de la Figure 2 (tirée de [Pillon91]). La méthode ayant permis de démontrer ces résultats consiste à mettre sous forme linéaire équivalente l’équation de mesure et à utiliser ensuite les théorèmes relatifs à l’observabilité des systèmes linéaires non-stationnaires. Nous ne pourrons pas utiliser cette démarche pour les problèmes d’observabilité traités dans cette thèse (les équations de mesure auxquelles nous aurons affaire n’ayant pas d’équivalent linéaire) et nous devrons donc utiliser d’autres approches mathématiques. En cas de situation inobservable et si l’azimut n’est pas constant, alors seuls les paramètres de la famille des solutions homothétiques, dans un repère relatif lié à l’observateur, pourront être estimés (Figure 3 tirée de [Clavard11a]). Ce n’est autre que le théorème de Thalès. Figure 3 : Solutions homothétiques dans le repère relatif à l’observateur. Dans un repère fixe, la famille des solutions a une allure différente suivant les vitesses relatives de S et O (Figure 4, tirée de [Jauffret11]). S ne va pas toujours dans « le même sens ». Cette famille est définie par trois paramètres seulement par exemple : l’azimut à un instant donné et ses deux premières dérivées. Comme le vecteur d’état est quadridimensionnel, il 18 suffit alors d’une mesure additionnelle sur la cible pour lever l’inobservabilité : ce peut être une mesure ponctuelle de distance, une mesure de vitesse (en module) ou de cap. Mentionnons pour mémoire un cas dégénéré où la cible ne défile pas et où alors seulement deux paramètres peuvent être estimés, l’azimut (qui est constant) et sa dérivée première (qui est nulle d’ailleurs). Enfin, on éliminera dans cette thèse le cas où O et S sont, à un instant donné, à la même position : il n’y a d’ailleurs plus de problème de localisation.
Manœuvre de l’observateur et précision de la position estimée
La manœuvre de l’observateur intervient aussi dans la précision du résultat (à bruit de mesure identique). Tout d’abord, dans [Nardone84], les auteurs vont prouver que si l’on considère une trajectoire de l’observateur constituée de legs3 parcourus à vitesse constante, alors le zigzag présenté à la Figure 5 (tirée de [Nardone84]) permettra d’obtenir la meilleure précision relative de l’estimation de la distance à l’instant final. Il s’agit pour l’observateur de parcourir des legs quasiment perpendiculaires à la trajectoire de la source tout en veillant à ce que la distance relative ne s’accroisse pas trop. Le nombre de zigzags, leur amplitude et la vitesse de l’observateur dépendent des paramètres cinématique de la trajectoire de la source. 3 Jambes ou segments rectilignes en français. 19 Figure 5 : Manœuvre de l’observateur amenant une bonne précision sur l’estimation de la distance à l’instant final. Ce résultat a été obtenu pour des cibles suffisamment lointaines et à l’aide d’approximations. Mais on peut optimiser la manœuvre de l’observateur de façon numérique au cas par cas comme présenté dans [Passerieux98] et [LeCadre99]. Par exemple, la Figure 6 (tirée de [Passerieux98]) présente le résultat d’une optimisation de la précision relative de l’estimation de la distance à l’instant final. Cette trajectoire en forme de S, d’ailleurs assez proche du zigzag précédemment évoqué, a été obtenue pour un observateur à vitesse constante (en module). Evidemment, en réalité, l’observateur ne connaît pas la trajectoire de la cible et l’on ne peut donc pas directement appliquer ces algorithmes d’optimisation. Mais en analysant les résultats obtenus pour un très grand nombre de cas, il est possible de déduire des règles de manœuvres qui, bien que sous-optimales, permettent à l’observateur d’atteindre un certain objectif de performance comme par exemple, obtenir pour une durée d’acquisition donnée la précision la plus élevée possible.
Algorithmes employés en trajectographie par mesures d’angle conventionnelle
Une autre grande catégorie de résultats concernant les travaux en BO-TMA est relative aux algorithmes d’estimation et au test d’acceptation du résultat. Les premières méthodes utilisées en BO-TMA furent des filtres de Kalman étendus (EKF) car les calculateurs dans les années 70 étaient peu puissants et surtout parce que ces algorithmes étaient particulièrement en vogue. Une grande variété de tels procédés de filtrages non-linéaires fut développée mais toutes ces méthodes étaient pénalisées par des problèmes de convergence liés à l’observabilité variable du problème. En effet, avant que l’observateur ne manœuvre, la linéarisation de l’EKF ne peut se faire que pour un vecteur d’état incomplet (i.e. 3D) mais observable et donc a priori, très éloigné du vecteur caractérisant la trajectoire de la source. Lors de la manœuvre, le cumul des erreurs de linéarisation rend en quelque sorte la situation irrécupérable et le filtre diverge. Un autre problème peut être que le filtre récursif converge de façon précoce avant toute manœuvre de l’observateur [Aidala79]. Certaines parades ont été développées comme l’élaboration d’un système de coordonnées spécifiques (par exemple les coordonnées « polaires modifiées » [Aidala83], [Brehard06]) ou utilisant des formes dites « pseudo linéaires » [Aidala79], [Lindgren78] ou en utilisant des initialisations multiples [Barbagelata75] – ce qui n’est pas sans rappeler le filtrage particulaire actuel [Arulampalam04] – . Mais toutes ces approches ne font que repousser les problèmes d’instabilité intrinsèque aux méthodes récursives en BOTMA. Dès les années 80, sous l’impulsion des travaux fondamentaux du NUSC et grâce à l’augmentation des performances des calculateurs, ces pis-aller furent abandonnés au profit de l’estimateur du maximum de vraisemblance (MLE). Les méthodes de calcul du MLE (dites batch) utilisent des algorithmes du type gradient permettant de minimiser un critère quadratique et des procédés d’initialisation astucieux. Cela permit d’obtenir des solutions de grande qualité statistique4 que les méthodes récursives étaient dans l’incapacité de fournir. L’autre avantage des procédés non-récursifs est que les pistes d’azimut peuvent être lacunaires, c’est-à-dire comporter des « trous » durant des laps de temps importants. Ceci se rencontre couramment dans le domaine de la détection sous-marine à cause des spécificités de la propagation (zones d’ombres) ou de phénomènes de masquage sectoriel des antennes par des superstructures proches. La plupart du temps, lors d’une interruption de la piste, les méthodes récursives divergent pour les mêmes raisons que celles évoquées plus haut ce qui est rédhibitoire.
Liste des abréviations |