PRINCIPALES LOIS RELATIVES A LA SANTE MENTALE ET MODES D’HOSPITALISATION
La loi fondatrice de l’organisation des soins en psychiatrie du 30 juin 1838 sur les « aliénés » prescrit à chaque département de créer un établissement public spécialisé réservé au traitement des maladies mentales. Elle prévoit l’internement forcé des malades criminels ou non : soit à la demande de la famille ou d’un tiers sous « placements volontaires », soit sous « placements d’office », sous la responsabilité de l’autorité administrative. Ces deux types de placements formalisent ainsi le rôle de « défense sociale » que doit remplir l’asile. Le développement des hospitalisations libres dans les années 60 conduira à la désinstitutionalisation de 1970, permettant la sectorisation. Cette sectorisation crée dans un but de prévention et de continuité des soins, sera officialisée par la loi de 1985. La loi du 27 juin 1990 modifie l’esprit de la loi de 1838 en énonçant que le principe que l’hospitalisation libre est la règle, l’hospitalisation sur demande d’un tiers ou d’office devant être l’exception. La loi du 04 mars 2002 sur la réforme du droit des malades est une loi généraliste qui traite de toute pratique médicale, sans spécificité pour la psychiatrie en dehors du durcissement des conditions permettant les hospitalisations d’office. la Loi du 30 octobre 2007 institue un Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL). Indépendant, il est chargé du contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté que ce soit des personnes hospitalisées sous contrainte ou en détention. La loi du 5 juillet 2011, réforme la loi du 27 juin 1990, et instaure le contrôle systématique des hospitalisations à temps complet par le juge des libertés et de la détention (JLD) dans le 29 dispositif des soins sans consentement et institue la possibilité de soins sans consentement en ambulatoire sous la forme de programme de soins. Loi modifiée en 2013 pour un renforcement des droits garantis accordés aux personnes en soins sans consentement : collaboration santé-justice qui raccourcit les délais de contrôle des hospitalisations complètes par le JLD, ainsi que les délais de saisine de ce juge, modifie le lieu de l’audience (désormais au sein des établissement de santé), rend obligatoire la présence d’un avocat. On ne parle plus d’hospitalisation d’office mais de « soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat » (SPDRE) . La loi du 26 janvier 2016 encadre l’isolement et la contention, déclarés comme des pratiques de dernier recours associée à une surveillance stricte et notifiée dans un registre. La loi du 14 décembre 2020 modifie le précédent article et précise la durée maximale de ces mesures en y impliquant l’information impérative du juge des libertés et de la détention si telles mesures sont renouvelées « à titre exceptionnelle » au-delà des durée prévues.
POLITIQUES PENALES
L’évolution des politiques pénales et pénitentiaires met en lumière l’accentuation des mesures sécuritaires depuis 1950 (Lafaye et al.). A la sortie de la seconde guerre mondiale, les traitements médicamenteux se développent et, les années 1950 sont marquées par une circulaire pour le développement d’établissements pour le traitement des « malades mentaux difficiles » en les classant en 3 catégories dont les 2 premières comprennent des personnes pouvant être hospitalisées en hôpital ordinaire ; la 3ème catégorie est réservée aux malades « dangereux » nécessitant des unités sécurisées. Cette mesure permet par ailleurs de faciliter l’ouverture de l’hôpital vers la ville. La réforme du Code de procédure pénale de 1958 introduit la notion d’accessibilité à une sanction pénale et modifie la composition de cette population des malades difficiles et en particulier celle de la catégorie trois. Cette réforme tentait de réduire le recours à l’article 64 du Code pénal de 1810 qui préconisait l’irresponsabilité pour les individus en « état de démence » et établissait une assimilation plus aisée entre la psychose et l’état d’irresponsabilité pénale. Elle introduisait la notion de responsabilité atténuée en cas d’altération du discernement et ainsi officialisait la présence en détention de malades mentaux criminels non irresponsables (2). 30 On note des prémices relatives aux soins pénalement ordonnés dans le cadre de la loi du 15 avril 1954. Elle prévoyait le traitement des « alcooliques dangereux pour eux-mêmes ou pour autrui », dans des centres ou des sections de rééducation spécialisés, et qui constitue un exemple de loi de contrôle social. Dans les années 1970, la désinstitutionalisation permet de développer un réseau de soins qui s’étend également dans le champ judiciaire (circulaire du 4 septembre 1970) : Le secteur ouvre son champ d’action dans le cadre de la prise en charge de l’alcoolisme et des toxicomanies qui peut se faire sous la modalité d’une injonction thérapeutique. La désinstitutionalisation entrainera également la judiciarisation du parcours des patients présentant une insertion sociale précaire contenu du manque de structures adaptées pour leur prise en charge (2,3). Les dispositifs de soins s’adaptent et nécessitent la création d’unité de soins dans les prisons. En 1967, une circulaire créée les centres médicopsychologiques régionaux (CMPR), plaçant les soins psychiatriques sous l’autorité de l’administration pénitentiaire. En 1972, de nombreux troubles et incidents surviennent dans les prisons. Pour répondre à l’agitation dans les prisons et à l’évolution de la politique pénitentiaire, un décret améliore les régimes de détention et le régime d’exécution des peines. Dans les années 1980, l’abolition de la peine de mort adoptée en 81 transforme la peine maximale qui devient la peine privative de liberté. Le domaine judicaire se voit introduire la thématique de la récidive avec la loi « Sécurité et liberté » élargissant ainsi les procédures de flagrants délits et en 1983, l’instauration de la comparution immédiate (CI), procédure responsable d’un recrutement fort des personnes les plus précaires et souffrant de troubles psychiatriques. Le décloisonnement des domaines sanitaires et judiciaires débute en 1986 avec la création des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) qui remplacent alors les CMPR confiés au ministère de la Santé. Les conditions de soins des détenus s’améliorent par la réforme du 18 janvier 1994 et étend la protection sociale à l’ensemble des personnes détenues. Les années 90 sont marquées par deux thématiques que sont la récidive et la dangerosité. Le principe de responsabilisation thérapeutique du malade mental rencontrera l’adhésion de la majorité des psychiatres dans les années 1990, ce qui expliquerait en partie la tendance de 31 ces derniers à déclarer des personnes présentant des troubles psychiques graves comme relevant de l’altération et non de l’abolition du discernement. En effet, l’introduction des distinctions entre abolition et altération du discernement et contrôle de l’article 122-1 du Code pénal de 1994 soulève un débat clinique inédit dans la population des experts psychiatres et produit un effet paradoxal d’allongement des peines des malades responsabilisés. La loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles, ainsi qu’à la protection des mineurs, crée le suivi socio-judiciaire auquel une injonction de soins peut être adjointe. Cette injonction de soins peut être prononcée seulement si une expertise psychiatrique conclue à son utilité. Cependant cette mesure modifie l’évaluation psychiatrique de responsabilité en une estimation du risque de récidive post-sentencielle. On observe ainsi en France depuis 1998 un empilage de lois sécuritaires autour de la « prévention de la délinquance » et de la « lutte contre la récidive », qui s’appuient tour à tour sur le renforcement de la procédure de CI et de la détention provisoire, sur la diminution de l’âge de responsabilité pénale et la réforme du droit pénal des mineurs, et sur la création de nouvelles infractions(2). Dans cette logique, le développement des dispositifs de soins s’adaptent à nouveau par la loi du 9 septembre 2002 avec la création d’unités d’hospitalisation pour les détenus souffrant de troubles psychiatriques, les UHSA, qui constituent désormais une filière spécifique de prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiques, accessible avec ou sans leur consentement. Ces mesures autour de la dangerosité et la récidive, se traduiront finalement par la loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Elle initie la création de « centres de rétention de sûreté » visant à maintenir enfermés les personnes détenues en fin de peine et qui présentent un risque très élevé de récidive en raison d’un trouble grave de la personnalité. Elle rend donc possible l’enfermement dans des centres socio-médico-judiciaires, renouvelable chaque année, des criminels condamnés à plus de quinze ans de prison, dont on estime qu’ils sont encore « dangereux ». Ces évolutions modifient à nouveau la représentation de la maladie mentale, ceux qui en souffrent faisant désormais l’objet d’une forte stigmatisation.
LISTE DES FIGURES 26 |