Reconstruction mammaire autologue par lambeau
perforant abdominal
Histoire du lambeau de DIEP
L’histoire du lambeau perforant basé sur le pédicule épigastrique inférieur profond (DIEP en anglais pour deep inferior epigastric perforator flap) est riche et caractéristique de la progression de la chirurgie plastique à la fin du XXème siècle. C’est l’évolution naturelle de son prédécesseur : le lambeau pédiculé transverse de muscle grand droit de l’abdomen (TRAM flap en anglais pour Transverse rectus abdominis myocutaneous flap). Différentes publications, entre les années 1979 et 1994, ont défini les lettres de noblesses du lambeau qui va devenir la référence en RM autologue. C’est la révolution microchirurgicale qui pousse dans cette période le raffinement des techniques et la marche en avant de la RM. Dans les années 70, la RM est permise par quelques techniques : ‐ la mise en place d’implants mammaires avec des résultats assez décevants. ‐ la réalisation de lambeaux cutanés pédiculés transitant vers le sein au prix de plusieurs temps chirurgicaux et d’autant de cicatrices. Il faut attendre 1977 avec Schneider (2) et 1978 avec Bostwick (3) pour que le lambeau musculocutané de grand dorsal fasse son entrée dans la panoplie encore pauvre des techniques chirurgicales de RM. Il permet la reconstruction d’un sein en une seule intervention. Certaines limites existent et poussent les chirurgiens de l’époque à développer de nouvelles techniques. Le lambeau de grand dorsal : ‐ n’apporte pas assez de volume dans certaines reconstructions. ‐ souvent le muscle reste contractile et gênant pour la patiente. ‐ un changement de position opératoire est nécessaire pendant l’intervention sauf si l’on décide de sectionner le nerf moteur ou le tendon du muscle. (Cela oblige à une dissection dangereuse du pédicule vasculaire et à une cicatrice supplémentaire dans le creux axillaire source d’adhérences, de troubles sensitifs et de douleurs) ‐ le pédicule thoraco-dorsal, peut avoir été sectionné lors d’un geste de curage axillaire ce qui empêche de réaliser cette chirurgie. Tout cela amène à l’émergence d’une nouvelle technique : le lambeau musculocutané de grand droit de l’abdomen. Chapitre 1 : Le lambeau de DIEP en reconstruction mammaire 9 Robbins (4) publie en octobre 1979 ses résultats de RM par un lambeau de VRAM (vertical rectus abdominis myocutaneous flap). Il montre que l’on peut apporter de la peau, du tissu adipeux et du muscle depuis la région abdominale jusqu’au sein en un temps. Le volume amené est supérieur à celui donné par le lambeau de grand dorsal au prix d’une longue cicatrice verticale paramédiane courant depuis le sein reconstruit jusqu’en dessous de l’ombilic. La palette cutanée permettant de reconstruire le sein est abdominale, verticale, en regard du muscle grand droit de l’abdomen et sa vascularisation dépend de l’AES. Hartrampf (5) décrit en 1982 le lambeau de TRAM (transverse rectus abdominis myocutaneous flap) qui se distingue du VRAM par la disposition de sa palette cutanée qui est horizontale et non plus verticale. Dans son article, Hartrampf décrit 2 palettes horizontales en forme d’ellipse (figure 1) : – une au-dessus de l’ombilic qui laisse une cicatrice cutanée visible horizontale au milieu du ventre mais qui fragilise peu la paroi abdominale, car il existe une gaine postérieure des muscles grands droits dans cette région. – une en-dessous de l’ombilic qui laisse une cicatrice cutanée horizontale discrète cachée par les sous-vêtements mais qui fragilise considérablement la paroi abdominale, car il n’y a plus de gaine postérieure des muscles grands droits sous l’ombilic.
Anatomie chirurgicale du lambeau de DIEP
Nous rappellerons quelques points essentiels à la compréhension du lambeau de DIEP et à sa dissection sans rentrer dans le détail.
La paroi abdominale
La peau de la région abdominale est vascularisée par de nombreux vaisseaux perforants issus des pédicules régionaux. Huger (15) a décrit 3 zones différentes (figure 10) : ‐ la zone 1, antérieure et médiane, vascularisée par les vaisseaux épigastriques profonds supérieurs et inférieurs. ‐ la zone 2, région abdominale inférieure, vascularisée par les vaisseaux épigastriques superficiels, circonflexes iliaques superficiels et pudendaux externes. ‐ la zone 3, latérale correspondant aux flancs, vascularisée par les vaisseaux intercostaux et lombaires. Figure 10 (gauche) : Vascularisation abdominale selon Huger (16) Figure 11 (droite) : Innervation de la peau abdominale (16) Comme montré par Taylor (9), il existe des connexions artérielles entre toutes ces artères et notamment dans le plexus dermique. Chapitre 1 : Le lambeau de DIEP en reconstruction mammaire 19 L’innervation de la peau abdominale est réalisée par les branches cutanés latérales et antérieures des 6 derniers nerfs intercostaux (figure 11). Les branches latérales cheminent dans le tissu souscutané après avoir perforé la paroi musculaire sous-jacente. Les branches antérieures cheminent entre les muscles transverse et oblique interne puis entrent dans la gaine du muscle grand droit abdominal pour ensuite le perforer et innerver la peau en regard. Les nerfs ilio-hypogastriques et ilio-inguinaux se trouvent à la partie basse et latérale de l’abdomen. Ils peuvent être sectionné lors de la réalisation d’un lambeau de DIEP entrainant une perte de sensibilité dans la région de l’aine et la face interne des cuisses. Les muscles grands droits abdominaux sont entourés d’une gaine aponévrotique solide qui confère à la paroi abdominale sa rigidité. Au-dessus de l’ombilic, la gaine est composée d’un feuillet antérieur et postérieur issus de la réunion des aponévroses des muscles obliques et transverse. Audessous de l’ombilic, plus précisément sous l’arcade de Douglas, il n’y a pas de feuillet postérieur à cette gaine (figure 12). Au niveau de la ligné arquée ou arcade de Douglas, les vaisseaux épigastriques inférieurs profonds pénètrent dans le muscle grand droit de l’abdomen. Le pédicule source du lambeau de DIEP est posé sur le fascia transversalis et le péritoine depuis son origine iliaque externe jusqu’à ce qu’il perfore les tissus pour rejoindre la superficie (figure 12). Figure 12 : Position des vaisseaux épigastriques inférieurs profonds par rapport à l’arcade de Douglas ou ligne arquée (17) Le DIEP est un lambeau perforant, c’est-à-dire un lambeau cutanéo-graisseux levé en îlot sur son pédicule : le pédicule épigastrique inférieur profond.
Anatomie de l’artère épigastrique inférieure profonde (AEIP)
L’artère épigastrique inférieure profonde (AEIP) est une branche collatérale de l’artère iliaque externe naissant juste avant son passage dans l’anneau de l’arcade crurale. L’AEIP a un trajet ascendant vers la gaine du muscle grand droit de l’abdomen homolatérale qu’elle pénètre puis poursuit son trajet en arrière du muscle grand droit. L’AEIP se termine dans le corps musculaire du muscle grand droit de l’abdomen par une arborisation terminale qui réalise une anastomose avec l’artère épigastrique supérieure profonde au niveau de l’ombilic. La terminaison de l’AEIP a été étudié par Moon et Taylor (18). Ils ont montré qu’il existe 3 motifs différents d’anastomose entre les systèmes inférieur et supérieur (figure 13) : ‐ Type I : l’AEIP est unique : un seul tronc sous l’ombilic (29 % des cas) ‐ Type II : l’AEIP est bifurquée : deux troncs sous l’ombilic (57 % des cas) ‐ Type III : l’AEIP est trifurquée : trois troncs sous l’ombilic (14 % des cas) Il n’y a pas de symétrie systématique entre l’AEIP droite et gauche.
Liste des abréviations . 4 |