Développement d’un score clinico-biologique

Développement d’un score clinico-biologique

Discussion

Le point capital de cette étude est la création du score PREDICT, outil pratique d’évaluation du risque des patients souffrant de COVID-19 et hospitalisés en unité médicale conventionnelle à nécessiter des soins de réanimation durant leur séjour à l’hôpital. La population de cette étude est comparable sur les caractéristiques de base (démographie, antécédents, signes vitaux etc.) à celle retrouvée dans de précédentes études [22, 23]. Et de la même manière, les comorbidités telles que l’hypertension (définie selon les dernières SMU SToI + ICU 0 20 40 60 Youden PREDICT Score Admission PREDICT Score distribution SMU SToI 0 50 100 Youden PREDICT Score Day 1 PREDICT Score distribution SMU SToI 0 50 100 150 Youden PREDICT Score Day 2 PREDICT Score distribution 27 recommandations [24]), le diabète, et les dyslipidémies sont équivalentes à celles reportées par d’autres articles [25,26]. Par exemple, la prévalence de l’obésité retrouvée dans les groupes SMU, SToI et ICU est respectivement 22.9%, 22.1%, et 49%. Pour simplifier, l’IMC a été divisé en 4 catégories (maigre, normal, surpoids et obésité), sans séparer les différents niveaux d’obésité. Un IMC ≥ 30 représente un des plus forts facteurs de risque indépendants entre notre population de base (groupe SMU) et notre population la plus à risque (groupe ICU). Cette proportion significative de patients avec un IMC ≥ 30 admis en réanimation a déjà été décrite [21]. Mais des différences apparaissent concernant d’autres comorbidités par rapport à de précédents travaux [27]. Nous pensons que ces différences trouvent leur explication dans les populations de base étudiées. En effet dans notre étude, la population de base se compose de patients déjà hospitalisés car souffrant de COVID-19 (présentant un premier degré de sévérité) et donc très certainement atteints de taux plus importants de comorbidités que la population générale (composée de 85% d’asymptomatiques). Un second point crucial a été mis en avant par cette étude. Les patients avec un âge inférieur à 75 ans, sont plus susceptibles d’être admis en réanimation avec un Odds Ratio (OR) significatif. Cet Odds Ratio est déjà calculable sur des données nationales françaises ([4] Table 2, permet de calculer un Odds Ratio à 5.6 (95% IC : [5.2–9.9] ; p < 0.0001). Bien que surprenant, deux causes peuvent venir justifier cette observation. Premièrement, le taux d’attaque du SARS CoV-2 génère un flux de patients surpassant les capacités d’accueil des systèmes de santé, imposant un système de tri se rapprochant de ceux employés en temps de guerre. En conséquence, le peu de places disponibles en réanimation étaient attribuées aux patients ayant le plus de chance de survivre. Deuxièmement, un phénomène d’hypoxie euphorique décrite chez certains patients, potentiellement lié à un tropisme du COVID-19 sur les 28 chémorécepteurs, aurait pour conséquence de diminuer la sensation d’hypoxie, imposant de prendre en charge de manière trop tardive des patients déjà affaiblis [28]. La principale force de notre étude est le suivi cinétique des paramètres biologiques. Il s’agit de paramètres communs, mesurables dans la plupart des structures hospitalières, ce qui correspond à notre souhait d’un score utilisable par le plus grand nombre. Les constats réalisés sur ces paramètres biologiques (variations, causalité avec la sévérité …) se retrouve dans d’autres études [29]. Le caractère significatif des différences de cinétique pour la CRP, le ratio neutrophiles sur lymphocytes et la LDH sur les 48 premières heures d’hospitalisation entre les différents groupes permet donc l’utilisation du score PREDICT sur ces premiers jours. En pratique clinique cela confère un temps cohérent aux médecins pour évaluer les patients et réagir si nécessaire. Les patients des groupes SMU pour les deux cohortes qui vont simultanément être positives à J0 pour les 3 critères suivants : Age < 75 ans, SpO2 ≤ 95% et fréquence respiratoire ≥ 23 /min représentent 9.7% dans la cohorte de création et 9.1% dans la cohorte de validation. Au sein de l’AP-HM les patients qui nécessitent seulement de l’oxygène à haut débit sont pris en charge en unité médicale conventionnelle. L’admission en réanimation n’intervient que si un patient vient à désaturer malgré une oxygénothérapie à haute concentration maximale ou d’autres défaillances d’organes (système cardiaque, neurologique, hépatique ou rénal). Des études récentes ont mis en avant l’importance de biomarqueurs tels que les D-Dimères, anticardiolipine IgG, et interleukine-6 dans leur rôle prédictif d’un déclin clinique de patient souffrant du COVID-19 [30, 31]. Nos données concernant les D-Dimères et l’albuminémie sur nos cohortes montrent une tendance des valeurs de D-Dimères à l’augmentation et une diminution de celles de l’albumine dans les groupes STol et ICU par rapport au groupe SMU (Figure 5). Mais comme notre étude a été initiée au début de la première crise en France, nos 29 données sur ces paramètres sont insuffisantes pour démontrer que ces différences sont significatives, exposant ainsi une limite de notre étude. Nous ne pouvons donc pas affirmer ou infirmer l’association entre la diminution du taux d’albumine et l’admission en réanimation lors d’une infection à COVID-19, notamment à cause du facteur confondant de la dilution par hydratation, alors que ce lien de causalité a été démontré dans d’autres cadres infectieux [32,33]

 Conclusion

 Le score PREDICT s’appuie sur des paramètres simples à mesurer, sur une table de calcul simple à utiliser, et réalisable à la main. Cette étude a mis en avant le potentiel de ce score pour l’anticipation du risque d’un passage en réanimation pour les patients atteints de COVID19 et déjà hospitalisés en unité médicale conventionnelle. C’est un outil mis à la disposition 33 des équipes médicales qui va pouvoir venir compléter leur analyse clinique de la situation. Le score PREDICT trouve toute sa force dans le dépistage des patients qui vont nécessiter une prise en charge en réanimation, mais perd en efficacité quand il s’agit des patients devant être admis en réanimation dans leurs premières heures d’hospitalisation ; dans cette situation bien précise, le sens clinique des médecins prédomine indéniablement pour le choix de l’orientation que sera donnée à ces patients. Enfin le score PREDICT classe à tort 50% des patients nécessitant uniquement une hospitalisation en service conventionnel, dans la catégorie à risque de passage en réanimation. Mais en dépit de cesimperfections, notre score PREDICT a l’avantage de détecter la majeure partie des patients qui auront réellement besoin de soins de réanimation. Abréviations : ICU Unité de réanimation SMU Service medical conventionnel STol Passage de service conventionnel à la réanimation PREDICT Predicting Risk factors for Early Determination of ICU Transfer AP-HM Assistance Publique des Hôpitaux de Marseille Na Natrémie CRP C-reactive protein FRT Ferritinémie LDH Lactate deshydrogénase CREAT Créatinine BILI Bilirubine totale ASAT Aspartate aminotransférase 

Table des matières

Introduction
2. Matériel et Méthode
2.1. Design de l’étude et critères de sélection des patients6
2.2. Critères d’exclusion
2.3. Recueil des données cliniques, biologiques et imageries
2.4. Résultats des laboratoires
2.5. Définitions
2.6. Analyses statistiques
3. Résultats
3.1. Caractéristiques de base des différentes cohortes
3.2. Signes vitaux à l’admission
3.3. Paramètres biologiques des populations d’étude
3.4. Score clinico-biologique pour la prédiction d’un passage en réanimation
4. Discussion
5. Conclusion

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