Maternité, Maternalité et Parentalité
Devenir mère suppose deux types de transformations concomitantes. La maternité vient agir des transformations sur le corps de la femme, de l’intérieur à l’extérieur, qui nécessitent entre autres, des capacités de flexibilité de son image du corps. Aux transformations biologiques de la maternité sont associés leurs corrélats psycho-affectifs, qui ont été regroupés sous le terme de maternalité (Racamier, 1979, p.198). Par ce terme, Racamier identifie et caractérise les processus psychiques liés aux phénomènes biologiques de la maternité. Selon lui, la maternalité est « l’ensemble des processus psycho-affectifs qui se développent et s’intègrent chez la femme lors de la maternalité. » (Ibid., p. 199). Selon l’auteur, la maternité constitue une période de reviviscence des expériences pulsionnelles des stades de son développement psychosexuel (les stades pré-œdipiens et œdipien) au sein desquelles de nouvelles expériences pulsionnelles vont venir s’intégrer. Parallèlement à la reviviscence pulsionnelle, les processus maternels vont inéluctablement venir mobiliser, chez la mère, des identifications à ses imagos parentales, et principalement à l’imago maternelle. Cette mobilisation identificatoire va de pair avec celles des représentations de l’enfant que la femme a été ou pense avoir été.
Enfin, la singularité de l’apport de Racamier revient au fait qu’il ait proposé de comprendre la maternalité comme « une phase où le fonctionnement psychique (qui) s’approche normalement mais réversiblement d’une modalité psychotique. […] le moi se départit, pour traiter avec les pulsions, des mécanismes de défenses élaborés propres à la névrose ou à l’état normal habituel ; que le sens de l’identité personnelle devient fluctuant et fragile, et que la relation d’objet s’établit sur le mode de la confusion de soi et d’autrui. […] la maternalité est une phase de structure psychotique. » (Ibid., p.200). La maternalité s’inscrit dans une dynamique qui puise ses racines très tôt dans le développement psycho-sexuel de la petite fille, traverse le désir d’enfant et la grossesse jusqu’à la rencontre du nouveau-né et dans les années qui suivent la naissance. Avant d’aborder ces différentes étapes cruciales de la maternalité, nous proposons de développer la notion de parentalité, qui est concept psychologique, introduit par Benedek (1959) sous le terme de « parenthood » dans lequel s’inscrit la maternalité. Plusieurs définitions ont été proposées. La parentalité renvoie à « l’ensemble organisé des représentations mentales, des affects, des désirs et des comportements en relation avec l’enfant que celui-ci soit à l’état de projet, attendu pendant la grossesse, ou déjà né » (Stoléru, 2000, p.491). La parentalité et ses processus, s’inscrivent dans une temporalité, qui commence bien avant la conception de l’enfant. Ils traversent l’évolution de l’homme et de la femme.
Comme l’écrit Missonnier (2003), « il correspond à une longue évolution en pelure d’oignon traversant l’enfance l’adolescence et l’âge adulte. Il est indissociable de son enracinement singulier générationnel, de son environnement social, culturel spécifiques (Moro et coll., 1989) et de son histoire adaptative biologique unique (Hochmann et Jannerod, 1991 ; Pochiantz, 1997) ». (Missonnier, 2003, p.41). Selon Stoléru et coll. (1998), la parentalité « n’est pas une instance de la personnalité, mais plutôt un secteur de fonctionnement de celle-ci ; elle est à rapprocher du concept de relation d’objet, dont elle constitue un sous-ensemble particulier et essentiel : à savoir la relation d’objet à l’enfant, que celui-ci soit imaginaire ou réel » (Stoléru et coll, 1998, p.61). Lamour et Barraco (1998), proposent d’élargir cette définition en intégrant une dimension plus concrète : « La parentalité peut se définir comme l’ensemble des réaménagements psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de devenir parents, c’est-à-dire de répondre aux besoins de leur(s) enfant(s) à trois niveaux : le corps par les soins nourriciers, la vie affective et la vie psychique. C’est un processus maturatif » (Lamour et Barraco, 1998, p.26). Houzel (1999) propose de décliner la parentalité en trois axes complémentaires : l’exercice, l’expérience et la pratique. L’exercice de la parentalité concerne le niveau symbolique, c’est-à-dire « [ce] qui fonde et qui, jusqu’à un certain point, organise la parentalité en situant chaque individu dans ses liens de parenté et en y associant des droits et des devoirs » (Houzel, 1999, p. 193).
Cet axe rassemble les règles qui structurent la parenté et renvoie aux liens et à leur organisation : « Les liens de parenté constituent un ensemble généalogique auquel appartient chaque membre et qui est régi par des règles de transmission. […] C’est un ensemble structuré par des liens complexes d’appartenance (ou affiliation), de filiation, d’alliance. Les règles qui régissent l’ensemble impliquent des droits et des devoirs dévolus à chacun de ses membres. Au mieux, elles leur ouvrent et leur garantissent des espaces de développement et de liberté, mais toujours au prix de certaines restrictions, de certaines contraintes. » (Houzel, op. cit., p. 117-118). La parentalité s’exerce dans un cadre précis de règles et d’interdits qui organisent le fonctionnement psychique individuel ainsi que les liens libidinaux et fantasmatiques du groupe familial et social. « Sur le plan psychodynamique, l’exercice de la parentalité se rattache aux interdits qui organisent le fonctionnement psychique de tout sujet et notamment l’interdit de l’inceste. » (Ibid., p. 194).