L’adénosine
Structure chimique de l’adénosine
L’adénosine (ADO) est un nucléoside constitué d’une base nucléosidique, l’adénine, liée de façon covalente au ribose . L’adénine est une purine (composé hétérocyclique aromatique formé par un noyau pyrimidine accolé à un noyau imidazole). Les nucléosides peuvent subir des phosphorylations intracellulaires pour donner des nucléotides, composés majeurs de l’information génétique (ADN et ARN). Les dérivés puriques sont principalement synthétisés par le foie. Leur source peut avoir 2 origines : une synthèse de novo et une source endogène par recyclage des composés issus du catabolisme nucléotidique ou nucléosidique. L’apport alimentaire reste négligeable du fait d’une dégradation des purines par les enzymes digestives. Dans le compartiment intracellulaire, l’ADO a un rôle primordial dans le métabolisme énergétique puisqu’elle entre dans la composition de molécules essentielles telles que l’AMP et l’ATP. Les composés dérivés de l’ADO comme l’ATP sont aussi impliqués dans la régulation de nombreuses fonctions cellulaires telle que la phosphorylation de protéines.
Les niveaux intracellulaires d’ATP sont finement contrôlés et relativement élevés (4 à 8 Mm). Lors de conditions défavorables (stress cellulaire, apoptose…), l’ATP ou l’ADP peut augmenter dans le cytosol et aussi libéré dans le milieu extracellulaire. Cela peut se réaliser par fuite cellulaire lors des phénomènes d’apoptose, ou de nécrose durant une ischémie. Il existe également des phénomènes de relargage vésiculaire lors de l’activation plaquettaire.
Dans le milieu extracellulaire, les concentrations sont beaucoup plus faibles (aux alentours de 10 Nm) mais suffisantes pour activer les récepteurs purinergiques dédiés .
Production de l’adénosine
La production d’adénosine trouve son origine dans diverses voies de synthèse intra- et extracellulaire. Les principales sources intracellulaires d’adénosine sont l’ATP (70% de la production d’adénosine) et le cycle de la méthionine (30%) . L’ATP intracellulaire subit une cascade de déphosphorylation par l’action de l’apyrase et d’une endo-5’nucléotidase qui aboutit à la formation d’adénosine. Le cycle de la méthionine est quant à lui capable de produire de l’homocystéine et de l’adénosine par l’action réversible de SAH hydrolase sur la S-adénosyl-homocystéine (SAH). Dans le compartiment extracellulaire, la synthèse adénosine à partir de l’ATP extracellulaire est effectuée par l’action coordonnée de deux enzymes membranaires : CD39 et CD73 . L’ATP/ADP libérés dans le milieu extracellulaire (apoptose, activation plaquettaire, force de cisaillement…) est rapidement converti en ADO. Ce sont des ectonucléoside triphosphate diphosphohydrolases (E-NTPDases) qui sont responsables de leur phosphohydrolyse extracellulaire. Elles ont récemment été décrites comme appartenant à une famille d’enzymes membranaires ubiquitaires. Le rôle biologique présumé de ces enzymes est d’affiner les niveaux extracellulaires de nucléotides .
Parmi ces enzymes, l’E-NTPDase 1 (ou CD39) joue un rôle important dans le maintien de l’intégrité vasculaire. Pour cela elle inhibe l’agrégation plaquettaire en hydrolysant l’ATP et l’ADP présents dans le milieu sanguin. Elle permet également le maintien de fonctions plaquettaires en empêchant la désensibilisation des récepteurs purinergiques P2Y-1. Des modèles murins d’invalidation du gène codant pour CD39 présentent ainsi un temps de saignement plus long dû à une altération de l’hémostase primaire.
Produit final de CD39, l’AMP est le principal substrat de la 5’-ectonucléotidase (CD73). Cet homodimère de 70 kDa est lié à un groupement phosphatidyl-inositol (GPI) permettant son ancrage sur la face extérieure de la membrane cellulaire. Le CD73 est exprimé de manière ubiquitaire mais les plus hauts niveaux d’expression sont retrouvés au niveau du cœur, du foie, du rein, poumons, cerveau et particulièrement dans les intestins .
Les récepteurs de l’adénosine
Les 4 récepteurs à l’adénosine (A1R, A2AR, A2BR, A3R) sont des récepteurs à 7 domaines transmembranaires couplés aux protéines G. Leur activation induit une modulation de l’activité d’une enzyme intracellulaire, l’adénylcyclase (AC), soit en la diminuant (A1R, A3R via une protéine Gi), soit en l’augmentant (A1R, A3R via une protéine Gs) avec formation d’AMP cyclique.
Les protéines G sont des hétérotrimères (α, β, γ) dont la sous-unité α est porteur d’un groupement GDP (guanosine diphosphate). Lors de la fixation de l’adénosine sur son récepteur, ce dernier change de conformation et induit l’activation de la protéine G qui lui est associée: le GDP est alors échangé par du GTP (guanosine triphosphate) puis les sous-unités α, et βγ se séparent pour exercer leur action sur leurs effecteurs tels que l’adénylate cyclase. La partie N-terminale de ces récepteurs est extracellulaire tandis que l’extrémité C-terminale cytosolique est impliquée dans le couplage aux protéines G. La séquence d’acides aminés est très proche d’un récepteur à l’autre, seuls les A2AR possèdent une extrémité C-terminale plus longue (409 acides aminés) sur laquelle va s’exercer l’action de protéines régulatrices.
La variabilité entre ces récepteurs est plus manifeste après avoir subi des modifications post-traductionnelles (sites de N-glycosylation différents) . Par ailleurs, les phosphorylations de sites présents sur la 3e boucle interne des récepteurs sont essentielles à des processus tels que l’internalisation ou la désensibilisation du récepteur .
Effets cardiovasculaires du système adénosinergique
Tenant compte de l’affinité pour l’adénosine et la répartition tissulaire des récepteurs adénosinergiques, tous les récepteurs ont un impact sur le système cardiovasculaire mais à des degrés divers. Ainsi, les A2AR contrôlent la pression artérielle tandis que les A1R contrôlent la fréquence cardiaque. L’activation de ces récepteurs joue un rôle essentiel dans la protection contre le développement de la maladie coronarienne avec une action à la fois cardiaque et vasculaire.
Effets sur le tonus vasculaire
Parmi les récepteurs à l’adénosine, A2AR possède un rôle majeur dans la régulation du tonus vasculaire et en particulier dans la vasodilatation coronaire. Des souris A2AR KO développent ainsi une hypertension par défaut de l’activation des A2AR .
L’effet vasodilatateur repose sur des mécanismes à la fois dépendants et indépendants de l’endothélium, même si les seconds restent mal expliqués. La vasodilatation de la microcirculation coronaire est pour sa part essentiellement endothélium-dépendante.
L’activation des A2AR et des A2BR favorisent la libération de NO (oxyde nitrique) par les cellules endothéliales et l’ouverture de canaux potassiques (Kir, Kv et KATP) sur les cellules musculaires lisses . La sortie de potassium hyperpolarise la cellule entrainant un défaut d’entrée de calcium par inhibition des canaux calciques voltage-dépendant. La diminution du calcium intracellulaire conduit à un relâchement de la musculature lisse responsable d’un effet vasodilatateur. Cette modulation des courants ioniques passe par la voie de signalisation classique des A2AR (voie de l’AMPc activant la Protéine Kinase A).
D’autres études semblent mettre en évidence une autre voie de transduction du signal. Celle-ci aurait comme principaux effecteurs les Cytochrome P450 epoxygénase ou CYP-epoxygénase . En effet, l’utilisation du MS-PPOH (inhibiteur sélectif des CYP-epoxygénases) sur des aortes murines inhibe la vasorelaxation induite par l’activation des A2AR. Il semble également que, chez la souris, une uprégulation de CYP epoxygénases (CYP2C29, CYP2J) soit associée à l’activation des A2AR.
L’effet des CYP epoxygénases passe par la production d’acides epoxyeicosatriénoïques (EET) à partir de l’acide arachidonique. Ces EET sont capables d’activer les canaux potassiques avant d’être métabolisés en formes moins actives par les epoxyde hydrolases solubles (sEH). Des études menées sur des souris KO sEH-/- indiquent que l’action des EET est associée à une up-régulation des A2AR et des PPARγ (peroxisome proliferator-activated receptor). Un lien entre les PPARγ et les KATP a été également établi : la dilatation induite par la rosiglitazone (agoniste de PPARγ) est inhibée par un agent bloquant les canaux KATP .
Effets anti-athérogènes
Le système adénosinergique est également impliqué dans la régulation du processus d’athérosclérose, notamment par son action sur la lipolyse (A1R), la transformation des macrophages en cellules spumeuses et son action anti-inflammatoire (A2AR). L’action du système adénosinergique sur la lipolyse est principalement médiée par l’activation des A1R présents sur le tissu adipeux. En présence d’agonistes du A1R (Phénylisopropyladénosine PIA ; GR79236), la lipolyse induite par la noradrénaline est réduite dans les adipocytes humains . Source d’acides gras non-estérifiés (NEFA), la lipolyse est ainsi inhibée par l’activation des A1R.
Des taux plasmatiques de NEFA trop élevés sont associés à l’insulino-résistance et au diabète, aux dyslipidémies et à la perturbation de l’activité électrique cardiaque (troubles d rythme). L’injection intraveineuse d’agoniste des A1R permet de réduire les concentrations plasmatiques en NEFA. Cependant, cet effet des agonistes des A1R semble être soumis à un phénomène de tolérance probablement via des mécanismes de désensibilisation des récepteurs (voie β-arrestine 1/ERK1 et 2) .
L’adénosine régule le contenu en cholestérol de la lignée monocyte/macrophage. Cette régulation est permise par une majoration de l’efflux du cholestérol cellulaire grâce aux A2AR mais aussi par un effet anti-inflammatoire dans lequel les A2AR et les A2BR sont impliqués.
L’activation des A2AR induit une augmentation de l’expression de protéines régulant l’efflux du cholestérol : des transporteurs membranaires de type ABC (ATP binding cassette A1 et G1) et la cholestérol 27-hydroxylase (CYP27A1). Les transporteurs ABCA1 et ABCG1 transfèrent le cholestérol excédentaire des macrophages aux lipoprotéines contenant l’apolipoprotéine A1 (ApoA1). Ces lipoprotéines vont ensuite être transformées en HDL qui assureront le retour du cholestérol vers le foie. Le CYP27A1, quant à lui, hydroxyle le cholestérol en 27-hydroxycholestérol dont l’activation du récepteur nucléaire (LXR) augmente la transcription du gène ABCA1 [43]. Ainsi l’utilisation d’agonistes sélectifs des A2AR (CGS 21680) sur un modèle humain de macrophages (cellules THP-1) inhibe la formation des cellules spumeuses après exposition à des cytokines pro inflammatoires (TNF-α et IL-1β).
Mesure de l’adénosinémie
Le surnageant est déprotéinisé par de l’acide perchlorique à 7% (0,25mL/mL de surnageant). Une fois centrifugé, l’échantillon est analysé par chromatographie liquide haute performance (HPLC) en phase inverse avec détecteur à barrette de diodes (Chromsystem Germania®) . Les coefficients de variation intra et inter-essais sont respectivement de 3 et 6% La chromatographie en milieu liquide est une méthode de séparation des analytes selon leur affinité pour une colonne chromatographique (phase stationnaire). L’analyse est effectuée en phase inverse, c’est-à-dire avec une phase apolaire (silice greffée par des chaînes linéaires de 18 atomes de carbone). La phase mobile (méthanol) est envoyée à l’intérieur de la colonne grâce à une pompe (haute pression). Deux modalités d’élution sont possibles : soit l’éluant est le même tout au long de l’analyse (mode isocratique), soit la concentration varie au cours de la technique (de 0 à 35% en 60 min). L’échantillon est introduit en volume constant à l’entrée du système chromatographique par l’injecteur.
Les différents composés contenus dans l’échantillon migrent différemment au sein de la colonne selon leur affinité pour les phases mobile et stationnaire. Le temps de rétention correspond au temps mis par le soluté pour traverser la phase stationnaire. Ayant des vitesses de déplacements propres, les analytes sont élués les uns après les autres. Comme la phase mobile utilisée est très polaire, ce sont les composés eux-mêmes polaires qui seront élués les plus rapidement.
A la sortie, ces analytes passent devant un détecteur couplé à un enregistreur permettant l’obtention d’un chromatogramme : sur le tracé, les abscisses représentent le temps de rétention (caractérisant le soluté) et l’ordonné correspond à l’amplitude du pic reflétant sa concentration. La quantification de l’adénosine est réalisée par intégration de l’aire sous la courbe puis comparaison de l’aire sous la courbe à une gamme de concentrations connues en adénosine.
L’utilisation du détecteur à barrette de diodes permet une identification est plus spécifique. En effet, l’adénosine est identifiée grâce à deux paramètres : son temps d’élution et son spectre (pic d’absorption à 254 nm). Dans ce type de détecteur, chaque diode recueille une faible portion du domaine spectral, l’acquisition du spectre se fait donc en temps réel. Le tracé obtenu apparaît en trois dimensions .
Table des matières
INTRODUCTION
1. Le système adénosinergique
1.1. L’adénosine
1.1.1. Structure chimique de l’adénosine
1.1.2. Production de l’adénosine
1.1.3. Devenirs de l’adénosine
1.1.4. Adénosine et hypoxie
1.2. Les récepteurs de l’adénosine
1.2.1. Généralités
1.2.2. Distribution tissulaire
1.2.3. Régulation transcriptionnelle
2. Effets cardiovasculaires du système adénosinergique
2.1. Effets sur le tonus vasculaire
2.2. Effets anti-athérogènes
2.3. Effets cardiaques
2.3.1. Effets chronotrope et dromotrope négatifs
2.3.2. Effet inotrope négatif
BUT DE L’ETUDE
MATÉRIELS ET MÉTHODES
1. Population de l’étude
2. Prélèvements pour mesure de l’adénosinémie
3. Prélèvement et isolement des cellules mononuclées du sang périphériques
4. Recueil du tissu artériel
5. Mesure de l’adénosinémie
6. Quantification de l’expression des A2AR par Western Blot
7. Fonctionnalité des A2AR : dosage de l’AMP cyclique
8. Statistique
RÉSULTATS
1. Caractéristiques des patients coronariens inclus
2. Adénosinémie : Témoins vs Coronariens
3. Expression A2AR sur PBMCs : Témoins vs Coronariens
3. Expression des A2AR chez les coronariens (PBMCs vs tissus artériels)
4. Corrélation de l’expression des A2AR chez les patients coronariens (coronaire, aorte,PBMCs)
5. Fonctionnalité des A2AR sur les PBMCs : Témoins vs coronariens
6. Fonctionnalité A2AR du tissu aortique chez le coronarien
DISCUSSION
CONCLUSION
PERSPECTIVES
BIBLIOGRAPHIE