Les enjeux éthiques autour du diagnostic de l’état nutritionnel

Les enjeux éthiques autour du diagnostic de l’état nutritionnel

Patient Dn de sexe masculin, âgé de 71 ans a été admis à l’hôpital pour la première fois en raison de fièvre (38,5 °C), dyspnée et tachycardie. Une broncho-pneumonie gauche d’aspiration est diagnostiquée à la radiographie. Trois mois avant l’admission, il souffrait de douleurs dans la région épigastrique. Une œsophagite par reflux a été diagnostiquée par endoscopie. Le patient a reçu un inhibiteur de la pompe à protons, avec un effet clinique partiel. Cependant, au cours des trois derniers mois, il a perdu 8 kg de poids corporel. La semaine dernière, il était incapable de manger des aliments solides et il pouvait boire seulement des liquides. A l’admission, son poids corporel est de 78 kg, taille 178 La dénutrition est la comorbidité la plus fréquente à l’hôpital2. Bien que les estimations de sa prévalence varient selon les lieux (type d’hôpital, maison de séjour, consultation), le type de patient (sujet âgé, malade cancéreux, en réanimation, etc.), la méthode d’évaluation (biologique, anthropométrique, etc.) et la définition de la dénutrition, sa prévalence reste particulièrement surprenante. Aujourd’hui, on estime qu’au moins un tiers des patients adultes arrivent à l’hôpital souffrant de dénutrition1 et, si elle n’est pas traitée, la plupart de ces patients vont continuer à se dénutrir, ce qui peut influer défavorablement sur leur récupération et augmenter le risque de complications entraînant une réadmission à l’hôpital. Dans une revue de la littérature de 2008 par K.

Norman, la prévalence de dénutrition chez l’adulte2 varie entre 7 et 50% dans divers pays, selon le type de patient. La moyenne pondérée pour les études européennes et américaines montre qu’environ 31% de tous les patients de l’hôpital sont considérés en état de dénutrition ou à risque nutritionnel (voir tableau 1). La vaste ampleur des valeurs constatée dans les résultats de diverses études n’est probablement pas due aux seuls paramètres médicaux ou géographiques, mais est aussi liée à la population de patients différents et à la diversité des critères utilisés pour diagnostiquer la dénutrition. Malheureusement, malgré la disponibilité des outils de dépistage rapide1, la dénutrition est méconnue dans de nombreux hôpitaux. Les patients hospitalisés, indépendamment de leur IMC, souffrent généralement de dénutrition en raison de leur propension à manger peu du fait du manque d’appétit. Celui- ci est induit par la maladie, les symptômes gastro-intestinaux, l’incapacité à mâcher ou à avaler, par les interdictions médicales à l’alimentation per os (voie buccale) pour des procédures diagnostiques et thérapeutiques. En outre, les patients peuvent avoir des besoins augmentés en énergie, en protéines et en micronutriments à cause de l’inflammation, d’une infection ou d’autres conditions cataboliques. La figure 1 montre la relation entre le développement et la progression de la dénutrition et de la maladie.

La relation est bidirectionnelle et peut se perpétuer sur le mode d’un cercle vicieux. La plupart des maladies chroniques ou aiguës graves provoquent l’anorexie et conduisent à la dénutrition. L’absence d’une alimentation adéquate et le catabolisme (qui modifie le besoin de nutriments) lié au stress causé par l’inflammation, augmentent le risque d’infections, de dysfonctionnement des organes et d’une mauvaise cicatrisation. Ainsi, toutes les maladies aiguës peuvent être un élément déclencheur d’une réponse inflammatoire et entraîner consécutivement une anorexie et un hypercatabolisme qui aggravent la malnutrition. Les mécanismes biochimiques, Outre les causes pathologiques de la dénutrition, des facteurs socio-économiques comme le faible revenu et l’isolement peuvent également favoriser le développement de la dénutrition. Cette dernière est fréquente chez les personnes âgées, les patients atteints du cancer, de maladies chroniques du foie, de maladies cardiaques chroniques ou d’insuffisance rénale, le VIH / SIDA, la BPCO, de maladies inflammatoires de l’intestin et de fibrose kystique ou même de maladies neurodégénératives. Point important, la situation peut être aggravée à l’hôpital en raison de routines hospitalières défavorables aux apports suffisants en éléments nutritifs. Par exemple, la préparation aux interventions ou examens diagnostics nécessitent l’interruption de l’alimentation orale ou artificielle, créant ainsi des périodes souvent très longues où les apports nutritionnels ne sont pas couverts. De ce fait, il est important d’identifier les patients en état de dénutrition et à risque comme on le voit en étudiant les données qui montrent que la dénutrition est associée à de nombreux effets indésirables, y compris au risque accru d’ulcères de pression et de mauvaise cicatrisation, d’immunosuppression, d’infections, d’atrophie musculaire et d’une perte fonctionnelle aggravant le risque de chutes. Cela augmente la durée du séjour à l’hôpital, les taux de réadmission, les coûts de traitement et la mortalité.

 

Cours gratuitTélécharger le document complet

Télécharger aussi :

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *