Améliorer la confiance en soi et favoriser une prise de risque à l’oral
Relevé des prises de paroles
Un relevé de prises de parole a été entrepris dès la seconde période afin de mesurer la prise de risque de ces élèves et leur participation en classe. Ce dernier a été modifié pour la rédaction du présent mémoire de sorte qu’il puisse mettre en évidence, avec précision, le type de prise de parole. Les entrées sont divisées en deux catégories : – Demande de prise de parole suite à une question de cours : Mathématiques, Français, Anglais, Éveil aux langues, Autres. – Demande de prise de parole liée à une « discussion » : Réponse à/correction d’un camarade, Débat (lié à une question en lien avec les disciplines enseignées), Débat en lien avec la vie de la classe, Participation au quoi de Neuf. La première catégorie n’implique pas forcément de construction syntaxique ni de raisonnement personnel, elle ne représente donc pas une même prise de risque que la seconde.
Résultats
Relevé de prise de parole
Dans un souci de lisibilité, nous présentons ici les graphiques résumant les relevés effectués en classe en séparant les deux catégories de demande de prise de parole précédemment décrites. Pour ce faire nous avons regroupé les différentes journées de cours (lundi et mardi) en semaine. La semaine du 28-janv. correspondant au lundi 28 janvier et au mardi 29 mars, celle du 04-mars au lundi 4 et mardi 5, etc. 19 Figure 1 : Relevé individuel pour chaque élève du 28 janvier au 1er avril faisant apparaître séparément le type de demande de prise de parole (fermée à question de cours, ouverte à discussion). Afin de ne pas fausser les résultats, nous n’avons pas fait apparaître de données lorsque les élèves étaient absents une des deux journées (absence de Laora et Robert le 1er avril, et de Laora le 4 mars). Analyse : On constate donc une augmentation du total des demandes de prise de parole chez les trois enfants. Cette augmentation n’est évidemment pas linéaire et on observe d’ailleurs un léger creux entre les semaines du 4 et du 11 mars. De même, s’il y a une réelle augmentation d’ensemble cette dernière est plus prégnante pour un élève en particulier, Robert (13 à 42), mais chez Minerva on passe d’une très faible demande de prise de parole pour les deux premières semaines (1 et 3) à des demandes plus régulières (11 la semaine du 11 mars et 21 celle du 1er avril). On observe par ailleurs une plus grande part des demandes de prise de parole liées à des questions de cours, et donc, des demandes présentant une moins grande prise de risque pour les élèves. Cependant, la part des demandes de prise de parole liée à ce que nous avons appelé des « discussions » est plus présente au fur et à mesure, même si là encore il ne s’agit pas d’une augmentation stricte et linéaire. Enfin, on constate que l’augmentation totale des demandes est indépendante de l’augmentation de la part de la seconde catégorie. Une fois cette vue d’ensemble présentée, il est nécessaire de s’intéresser à chaque élève plus spécifiquement, afin d’avoir une vue centrée sur chacun d’eux et de pouvoir se pencher sur ses caractéristiques propres, notamment en faisant apparaître les différentes sous-catégories (généralement par discipline) des deux types de demandes de prise de parole évoquées plus haut – liée à une question de cours (construction syntaxique, des demandes de prise de parole Fermée Ouverte Total 20 lexique généralement simple, prise de risque moindre) ou prenant part à une « discussion » (élaboration d’un raisonnement personnel, structure syntaxique nécessairement plus élaborée, donc prise de risque plus grande).
Évaluations autres
Si la participation en classe nous semble une des prémisses à l’investissement et le signe d’une meilleure confiance en soi des élèves nous avons voulu voir si ce dispositif a plus généralement eu un effet sur la scolarité de ces élèves. Nous nous sommes penchés en particulier sur la maîtrise de l’écrit, ici de la lecture. En début d’année nous avions en effet effectué un test de fluence dans l’ensemble de la classe. Il a donc été possible d’en faire un second, en fin d’étude pour tenter d’observer des évolutions. Septembre : Pour une moyenne en début de CE2 de 77 (mots correctement lus par minutes)15 les résultats obtenus par les élèves sont les suivants : Robert 47 (15ème centile). Laora 36 et Minerva 19 (5ème centile). Mars : Pour une moyenne au mois de mars de l’année de CE2 de 99, les résultats obtenus par les élèves sont les suivants : Laora 67 (10ème centile). Robert 59 et Minerva 36 (5ème centile). On ne peut donc pas, dans le domaine de la fluence observer de réelle amélioration pour les trois élèves en question. Laora est la seule à avoir gagné 5 places, bien qu’elle demeure parmi les élèves (jusqu’au 15ème centile) en grande difficulté de lecture. Minerva est restée 1 dans le 5ème centile, et Robert a même perdu 10 places, puisqu’il passe du 15ème au 5ème centile. Sachant qu’en deçà du 30ème centile la fluence en lecture handicape fortement les élèves pour la compréhension, les trois élèves restent donc très fragiles en lecture. Notons cependant que les étalonnages sont établis pour repérer une éventuelle dyslexie et ne sont donc pas forcément adaptés à des élèves allophones. 3.
Discussion
Les résultats obtenus à l’issue de ce mémoire confirment dans la classe les effets des dispositifs EVLANG sur la confiance en soi des élèves tels que d’autres enseignants les ont déjà relevés, à l’instar de Hurtig-Delattre qui écrit : « Pour les enfants bilingues ou plurilingues, ce sont quelques gouttes de valorisation de leur langue et de leur culture qui ont un poids réel : on lit dans les yeux des enfants qu’ils sont sur une voie leur permettant d’assumer cette situation » (Hurtig-Delattre, 2016, p.7) ou du constat de Gwenn Guyader coordinatrice de l’association DULALA qui témoigne que : « Nous avons eu des retours des enseignants qui nous disaient qu’ils n’avaient jamais entendu le son de la voix de certains enfants, ou qu’ils ne disaient pas grand-chose en classe. Les ateliers bilingues (…) ont permis de stimuler la prise de parole chez ces enfants » (DGLFLF, 2016, p.26). Quelles que soient les réserves que nous allons émettre dans cette dernière partie de l’étude, il est nécessaire de commencer par rappeler que cette expérience et la mise en place de ce dispositif se révèlent globalement positives. Et comment en serait-il autrement du moment où on observe une augmentation des prises de paroles d’élèves jusqu’à là absents — ou quasiment — de l’espace oratoire de la classe ? De plus, la diversification des prises de parole observée au fur et à mesure du dispositif indique une confiance en soi acquise peu à peu, qui permet à l’élève de s’exprimer dans des domaines dans lesquels il n’est pas, a priori, expert – reconnu à ses yeux et aux yeux de la classe. Les premières prises de parole ont sans doute permis de renforcer l’image narcissique de l’élève puisqu’elles ont toutes pu prendre place dans une discussion qu’elles ont nourrie et construite avec l’aide de leurs camarades. Bien que l’on puisse regretter l’encore faible 29 part des prises de parole syntaxiquement construites et fruit d’une réflexion plus personnelle (dans le cadre de véritables discussiones) on observe leur émergence et l’on devrait user d’une plus grande patience. Ce que toute une vie, certes d’enfant, mais à leur échelle encore longue, a pu construire de réserves, de remparts, de méfiance voire de défiance vis-à-vis de l’école et de sa culture scolaire, ne peut être contrecarré par un simple dispositif. Et si ce dispositif à lui seul ne peut conduire à un inversement radical de cette tendance, il le peut encore moins pendant la seule période consacrée à la recherche et la rédaction d’un mémoire professionnel. Gageons donc, que l’étude terminée, le travail en classe se poursuivra, et que l’on pourra observer d’autres évolutions, ou des évolutions plus manifestes encore.
INTRODUCTION |