Diffraction électromagnétique par la surface océanique : influence des nonlinéarités et de l’écume
Modélisation hydrodynamique
Description hydrodynamique Equations du mouvement Approche Eulérienne
Afin d’introduire les principales notations se rapportant au système étudié, je rappelle ici les équations hydrodynamiques qui seront utiles dans toute la suite. En diffusion, nous travaillerons dans le domaine des micro-ondes où les longueurs d’onde sont supérieures au centimètre et notre étude sera donc restreinte aux seules ondes de gravité. Les forces de capillarité seront négligées car elles agissent à des échelles inférieures. Je note R la position dans l’espace, r = (x, y) sa projection horizontale sur la base cartésienne et z est sa composante verticale. Je note aussi v le vecteur vitesse, u = (u, v) sa projection sur l’horizontale et w sa composante verticale. L’étude des forces s’exerçant sur la particule d’eau se trouvant en R à l’instant t (approche Eulérienne) permet d’écrire les équations de Navier-Stokes (Lamb [1932]) : ∂v ∂t + (v · ∇)v = F − 1 ρ ∇p (1.1.1) où F sont les forces extérieures par unité de masse (gravité, capillarité, viscosité, tension de surface…) s’exerçant en t au point R, p la pression en ce point et ρ la masse volumique de l’eau. Un bilan de conservation de la masse permet d’écrire l’équation de continuité du système pour un fluide supposé incompressible : ∇ · v = 0. (1.1.2) En supposant le mouvement irrotationel, hypothèse vérifiée pour les vagues naturelles sauf au moment du déferlement (compression locale de l’eau), il est possible d’écrire la vitesse comme dérivant d’un potentiel : v = ∇Φ, (1.1.3) 7 8 Chapitre 1. Description hydrodynamique Sachant que la vorticité Ω = (∇ × v) est nulle pour les fluides incompressibles et que (v · ∇)v = ∇ |v| 2 2 ! + Ω × v, (1.1.4) puis remplaçant (1.1.3) dans (1.1.1) et négligeant la viscosité on obtient l’équation de Bernouilli dans le cas où le fluide n’est soumis qu’à la simple gravité (F = −gzb) : ∇ » ∂Φ ∂t + |∇φ| 2 2 + p ρ + gz# = 0. (1.1.5) 1.1.2 Approche Lagrangienne Afin de déterminer un profil de surface de mer il peut être plus intéressant de suivre le mouvement des particules plutôt que les variations des grandeurs en un point donné. Le mouvement d’une particule de surface est un peu comme celui d’une bouée sur la surface marine libre de se déplacer selon les trois directions de l’espace. Je note R0 = (x0, y0, z0) les coordonnées initiales d’une particule de fluide et R = (x, y, z) sa position au cours du temps t. Les coordonnées (x, y, z) seront donc des fonctions des variables indépendantes x0, y0, z0 et t qui représentent l’évolution de la particule au cours du temps. La dynamique de la particule est donnée par : ∂ 2R ∂t2 − F = − 1 ρ ∇Rp (1.1.6) où ∇R est une différentiation spatiale par rapport aux variables x, y et z qui ne sont plus des variables indépendantes. Afin de différencier par rapport à des variables indépendantes, on multiplie les deux cotés de l’équation par ∇R0R dont la représentation sur la base cartésienne est la matrice En notant alors que [∇R0R] ∇R = ∇R0 la forme Lagrangienne des équations dynamiques s’écrit : ∇R0R » ∂ 2R ∂t2 − F # + 1 ρ ∇R0 p = 0. (1.1.7) (1.1.8) où g est l’accélération de la pesanteur. L’équation de continuité qui s’écrit de manière condensée ∂(x, y, z) ∂(x0, y0, z0) = 1 (1.1.9) 1.1 Equations du mouvement 9 (Jacobien constant) traduit la conservation de la masse. Lamb [1932], Clamond [2007] montrent que les (x0, y0, z0) de l’équation (1.1.8) ne sont pas nécessairement les positions des particules au repos mais simplement une manière de paramétrer les particules. Résolution des équations En s’intéressant au cas particulier d’une surface libre séparant l’eau, de profondeur H, de l’air, Lamb [1932] propose une solution où la surface est considérée comme une perturbation de l’équilibre hydrostatique. La solution est l’onde de Gerstner [1809], (solution détaillée pour une surface unidimensionnelle dans le livre de Lamb [1932]). Pierson [1961] montre qu’en réalisant un développement perturbatif selon un petit paramètre sans dimension tel que : x = x0 + x1 + 2×2 + … y = y0 + y1 + 2y2 + … z = z0 + z1 + 2 z2 + … p = p0 − ρgz0 + p1 + 2p2 + … (1.1.10) et qu’en injectant ce développement dans les équations (1.1.8) on retrouve ce résultat au premier ordre en . Différentes interprétations du paramètre peuvent être trouvées dans les articles de Longuet-Higgins [1953] et Pierson and Fife [1961]. Les équations au premier ordre en s’écrivent L’onde de Gerstner, solution de (1.1.11) s’écrit en trois dimensions sous la forme x = x0 − a kb · xb0 e kz0 sin(k · r0 − ωt) y = y0 − a kb · yb0 e kz0 sin(k · r0 − ωt) z = z0 + ae kz0 cos(k · r0 − ωt) avec ω 2 = g |k| (1.1.12) où k est un vecteur quelconque contenu dans le plan horizontal et r0 = x0xc0 + y0yc0. ω 2 = g |k| est la relation de dispersion linéaire des ondes de gravité et a est une amplitude quelconque. Ici et dans la suite du manuscrit, les vecteurs surmontés d’un “chapeau” (ˆ) sont les vecteurs unitaires dans la même direction (kb = k/ |k|). En deux dimensions (problème invariant selon la direction y) les équations s’écrivent ( x = x0 − ae kz0 sin(kx0 − ωt) z = z0 + ae kz0 cos(kx0 − ωt) avec ω 2 = g k. (1.1.13) Une particule définie par ses paramètres lagrangiens x0 et z0 parcourt un cercle de centre (x0,z0) de rayon ae kz0 qui décroît avec la profondeur. Les figures 1.1(a) à 1.1(f) représentent l’évolution des particules au cours d’une période ainsi que la forme de la surface libre de la mer qui en découle. J’ai laissé en traits plein le parcours de certaines des particules d’eau se trouvant initialement sur une même verticale afin de visualiser comment 10 Chapitre 1. Description hydrodynamique le parcours circulaire des particules engendre la vague de Gerstner. Nous pouvons voir que la forme de la vague n’est pas une sinusoïde et la comparaison réalisée dans la sous-section 1.3.1 montre ses similitudes avec l’onde de Stokes. Figure 1.1 – Evolution temporelle des particules d’eau pour la vague de Gerstner. Les équations (1.1.11) étant linéaires, la généralisation à plusieurs ondes de la vague de Gerstner permet d’écrire le mouvement des particules de la surface (z0 = 0) sous la 1.2 Modèle linéaire et “Choppy Wave Model” 11 forme : x = x0 − Z R2 ak kb · xb0 sin(k · r0 − ωkt + φk)dk y = y0 − Z R2 ak kb · yb0 sin(k · r0 − ωkt + φk)dk z = Z R2 ak cos(k · r0 − ωkt + φk)dk avec ω 2 k = g |k| . (1.1.14) Les ak et φk sont respectivement les amplitudes et phases des ondes de vecteur d’onde k. 1.2 Modèle linéaire et “Choppy Wave Model”
Description linéaire
Afin de simplifier les calculs analytiques dépendant des statistiques de la surface de la mer, celle-ci a longtemps été décrite par une superposition d’un grand nombre de vagues indépendantes et donc comme un processus Gaussien. Sous cette hypothèse, les distributions des hauteurs ainsi que des pentes et des courbures suivent des lois Gaussiennes, très proches des distributions observées. Le spectre du processus ou la fonction de corrélation suffisent alors à décrire complètement la surface. Cette description simplifiée permet d’écrire le processus des élévations comme la représentation spectrale d’un processus Gaussien. Chaque fréquence de la décomposition étant pondérée par une amplitude complexe hˆ(k, ω) = p Γ(k, ω)e iΦk où ici Γ est le spectre spatio-temporel de la surface et Φk une phase aléatoire uniformément répartie entre 0 et 2π : h(r, t) = Z R2×R hˆ(k, ω)e i(k·r−ωt)dkdω (1.2.15) Dans cette étude nous ne nous intéresserons pas à l’effet Doppler. Pour des problèmes de diffraction, les surfaces sont considérées comme figées car le temps d’interaction de l’onde électromagnétique avec la surface est bien plus faible que les constantes de temps d’évolution temporelle de la surface. La relation de dispersion des ondes de gravité ω 2 = g|k| impose l’écriture de l’amplitude complexe sous la forme : hˆ(k, ω) = hˆ+(k)δ ω − q g |k| + hˆ−(k)δ ω + q g |k| (1.2.16) et la surface : h(r, t) = Z R2 hˆ+(k)e i(k·r−ωt)dk + Z R2 hˆ−(k)e i(k·r+ωt)dk. (1.2.17) Les calculs détaillés en annexe A.1.1 montrent qu’une surface figée peut alors s’écrire h(r) = Z R2 hˆ(k)e ik·rdk (1.2.18) avec hˆ(k) = hˆ+(k)+hˆ−(k). Le spectre Γ(k) = |hˆ(k)| 2 ainsi symétrisé est appelé spectre de vecteur d’onde. Il est centro-symétrique et s’écrit à l’aide de la fonction d’autocorrélation spatiale : Γ(k) = 1 (2π) 2 Z R2 e −ik·rC(r)dr avec C(r) = hh(r)h(0)i. (1.2.19) 12 Chapitre 1. Description hydrodynamique
Statistique de premier ordre
Dans la description linéaire les élévations sont entièrement définies par leur spectre Γ(k) et leur fonction de densité de probabilité (pdf) Gaussienne s’écrit : P0(z) = 1 q 2πσ2 0 exp − z 2 2σ 2 0 ! avec σ 2 0 = Z R2 Γ(k)dk = C(0). (1.2.20) Celle des pentes (∇h) s’écrit : P2(z) = 1 2π|S−1| exp − 1 2 z T S −1 z (1.2.21) où S est la matrice de corrélation des pentes et |S| son déterminant.
Le spectre de la mer
Comme mentionné précédemment, les solutions des équations linéaires de mouvement possèdent une infinité de degrés liberté puisque les amplitudes de chaque onde peuvent être choisies arbitrairement et indépendamment les unes des autres. Dans le modèle linéaire, il n’y a pas d’interactions entre les vagues. Toutefois les équations ne sont pas linéaires, Phillips [1960a, 1961a]; Longuet-Higgins [1962a] ont montré que les ondes interagissent, créant ainsi de nouvelles vagues de fréquences spatiales différentes et ne se déplaçant pas forcément librement. Autrement dit les vagues liées ne respectent plus la relation de dispersion linéaire. Avec le temps, le spectre de la mer se peuple de nouvelles fréquences jusqu’à l’obtention d’un régime d’équilibre. L’énergie fournie par le vent est alors dissipée par déferlement, soit directement à la surface de la mer, soit sur la côte. Lorsque le vent a soufflé régulièrement depuis longtemps et que le régime d’équilibre est atteint (on parle de “fetch” infini), le spectre de la mer devient stable. Cox and Munk [1954], Jähne and Riemer [1990] et Hara et al. [1994] ont réalisé nombre de mesures dans le domaine des vagues de gravité-capillarité et le projet JONSWAP (Joint North Sea Wave Project) a largement servi a déterminer la forme du spectre pour les basses fréquence. Utilisant, entre autres, les travaux de Phillips [1985], Kitaigorodskii [1983] et ceux cités précédemment, Elfouhaily et al. [1997] ont proposé une forme unifiée du spectre directionnel des vagues de vent paramétrée par la force du vent à 10 mètres au dessus de la surface de mer ainsi qu’un paramètre appelé “âge des vagues” relatif au temps depuis lequel le vent souffle et donc à la vitesse de phase de la vague dominante. Dans la suite du mémoire j’utiliserai le spectre de mer directionnel d’Elfouhaily pleinement développé qui est aujourd’hui couramment utilisé dans la communauté des océanographes. Dans cette partie je présenterai rapidement les principales caractéristiques qui le définisse. Les résultats établis sont tous généralisables à des spectres de mer différents.
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