UNE VISION RENOUVELÉE DES CONTRATS PUBLICS
Si l’on a pu réfuter la thèse de la nécessité du droit administratif des contrats spéciaux, il faut reconnaître qu’il existe un droit administratif spécial des contrats. Au même titre que d’autres domaines d’un droit administratif très large et diversifié, les contrats sont aujourd’hui soumis à un certain nombre de règles qui en font pour ainsi dire droit des contrats administratifs » semble pourtant devoir être renouvelée, non pas par une révolution de fond mais par une appréhension différente. Celle-ci passe par la reconnaissance d’un « droit des contrats administratifs » et un « droit de la commande publique », ces deux qualifications emportant des solutions et un régime bien différents. (§ 1er). Bien entendu, les contrats publics ont souvent en parallèle les deux qualifications, les liens entre les deux sont indéniables, mais leur approche reste différente (§ 2d). notion de « contrat administratif ». C’est elle qui contient tout ce que les contrats de droit public ont d’autonome par rapport au droit civil, c’est elle qui contient à la fois la puissance publique et le service public, c’est elle qui est la justification d’un droit administratif à travers un type d’acte qui est empreint de rapports égalitaires si contraires à l’idée de souveraineté, c’est elle qui sous-tend la présence d’un juge : le juge administratif. Les ouvrages les plus anciens comme Les contrats administratifs de JÈZE en 1927112 comme les plus récents113, en passant par le Traité des contrats administratifs114 se fondent sur cette notion.
L’étude des contrats de la commande publique apparaît alors dans ces ouvrages dans les parties relatives aux « principales catégories de contrats », et étudiés comme nécessitant des règles particulières, tant pour ce qui concerne les « modes de conclusion » des contrats que pour les « sanctions des obligations des cocontractants » ou les « interventions de l’administration dans l’exécution du contrat de LAUBADÈRE, F. MODERNE et P. DELVOLVÉ, Traité des contrats administratifs, utilisent les « Principale catégorie de contrats » (1ère ed. pp. 105 et s), les « Modes de conclusions » (1ère ed. p. 257 et s.), les « sanctions des obligations du cocontractant » spéciales (1ère ed. p. 144 et s.) et « l’intervention de l’administration dans l’exécution du contrat », appliqué à chacune des catégories dans les Titre 2, 3 et 4 u Livre 6 du Traité. C’est aussi de cette façon que C. GUETTIER traite le contrats de la commande publique dans son ouvrage : comme classification par objet des contrats administratifs, effet de la liberté contractuelle, puis comme condition de passation des contrats administratifs, enfin comme régimes particuliers d’exécution des contrats administratifs (le mode de rémunération, les avenants).
L’apparition d’une notion de commande publique et, peut-être, la mise en place d’un code propre à ce régime, conduit pourtant à se poser la question d’un renouvellement de cette approche, renouvellement qui distinguerait, de par leur régime, les effets de la qualification de « que d’elle, découle l’application d’un « droit administratif » non seulement marqué par la puissance publique, c’est-à-dire déséquilibré par rapport à ce qui se fait habituellement en droit privé, mais aussi garant, notamment de la continuité des services publics à laquelle concourent les contrats. On peut distinguer comme conséquence de la qualification de contrat administratif d’une part la compétence contentieuse (1) et d’autre part un régime d’exécution et de fin du contrat (2). devant le juge administratif. Il s’oppose au contrat de droit commun, c’est-à-dire au contrat de droit privé, civil ou commercial. Si les origines du droit administratif faisaient dépendre souvent la compétence du juge administratif, donc la qualification de contrat administratif, de la volonté de la personne publique de « bénéficier » de son statut ou, au contraire, de se soumettre au droit privé, on ne saurait aujourd’hui faire une référence directe à cette volonté pour qualifier le contrat. La compétence entre les deux ordres de juridiction est de droit public et cela revenait en fait à donner la possibilité à la personne publique de choisir son juge. D’un premier temps où, en réalité, du choix du juge découlait la qualification de contrat administratif, on est passé, dans un second temps à la recherche de critères pour les contrats administratifs afin de faire découler de cette qualification la compétence juridictionnelle. La volonté des parties n’est pas absente de ce phénomène, mais elle se concrétise par la recherche objective, dans le contrat, des traces de la volonté de se soumettre ou non au juge administratif. Ce peut être la présence de clauses exorbitantes du droit commun ou le lien sérieux avec le service public ; cette analyse passant logiquement après la recherche d’une éventuelle qualification législative de « contrat administratif »118.