Approches physiologique et moléculaire de la
calcification chez le corail rouge de méditerranée
Corallium rubrum
LA BIOMINERALISATION CHEZ LES CORAUX
Généralités sur les biominéraux chez les Métazoaires
Le processus de biominéralisation désigne les phénomènes physico-chimiques, cellulaires, moléculaires et physiologiques qui conduisent à l’élaboration de structures minéralisées, les biominéraux, par des organismes vivants. Ces biominéraux sont présents dans les trois règnes du vivant : Archaebactéries, Eubactéries et Eucaryotes. Au cours de cette thèse nous nous intéresserons aux biominéraux formés chez des animaux pluricellulaires, les Métazoaires, et plus particulièrement à ceux formés par les coraux.
La biominéralisation dans l’échelle des temps
Les premières traces découvertes de biominéraux sont des squelettes d’origine animale, trouvés sous la forme de fossiles calcaires datant de la période Néoprotérozoïque du Précambrien. Il s’agit de fossiles d’organismes possiblement multicellulaires retrouvés dans la Formation du Trezona découverte dans le Sud de l’Australie et datée de -660 Millions d’années (Ma) (Maloof et al., 2010), et des formes animales faiblement minéralisées comme Cloudina et Namacalathus (Grotzinger et al., 2000) de l’Ediacarien (-635 à -542 Ma). A la fin de l’ère Néoprotérozoïque, la transition entre les périodes de l’Ediacarien et du Cambrien (-542 Ma) est caractérisée par une augmentation importante de la diversité et de l’abondance des organismes multicellulaires et des squelettes minéralisés retrouvés dans les archives fossiles. Cette période est appelée « explosion cambrienne » ou « radiation cambrienne ». Mais la signification biologique de l’explosion cambrienne a fait l’objet de débats pendant longtemps, dans la mesure où elle allait à l’encontre de la théorie de la sélection naturelle proposée par Darwin en 1872. Deux hypothèses sont d’ailleurs toujours avancées pour expliquer l’apparition soudaine des principaux embranchements dans une courte fenêtre de temps : Hypothèse 1 : Les conditions environnementales auraient été défavorables à la préservation des organismes antérieurs au Cambrien. Puis, ces conditions environnementales auraient changé et favorisé la conservation de ces organismes ayant déjà une longue histoire pré-cambrienne. L’explosion cambrienne serait alors un artefact. Hypothèse 2 : L’apparition soudaine et la diversification des phylums au Cambrien auraient bien eu lieu, plaçant alors leur origine évolutive à cette période. Quelle que soit la date d’apparition de la biominéralisation et de sa diversification, une question demeure : est-ce-que les organismes composant les différents embranchements de Métazoaires ont développé leur capacité à minéraliser de façon indépendante au cours de l’évolution ou, est-ce-que cette capacité à développer un squelette minéralisé est hérité d’un ancêtre commun (Murdock & Donoghue, 2011) ? Si l’on se réfère aux archives fossiles et à l’hypothèse 2 présentée ci-dessus, qui est la plus couramment admise, l’apparition des squelettes minéralisés dans les différents embranchements métazoaires a eu lieu dans une courte fenêtre de temps géologiques, après leur divergence, à la transition Ediacarien/Cambrien (entre -570 et -542 Ma) (Figure 1). Figure 1| Schéma résumant l’apparition des biominéraux chez les Métazoaires. Les relations phylogénétiques, l’estimation des temps de divergence et la minéralogie squelettique de chaque groupe sont indiquées. Les couleurs représentent les différents systèmes de minéralisation : le trait rouge pour la minéralisation siliceuse, les traits bleus pour le carbonate de calcium, et les traits verts pour le phosphate de calcium. Les estimations de temps de divergence indiqués aux nœuds (1) par un cercle, proviennent de Peterson & Butterfield (2005), (2) par une étoile, sont basées sur les archives fossiles. Modifié d’après Murdock and Donoghue (2011). Les diverses origines des squelettes calcaires et phosphatés reflètent de multiples cooptions indépendantes de processus moléculaires et physiologiques qui sont largement partagés entre les organismes eucaryotes (Westbroek & Marin, 1998). De plus, des gènes orthologues qui codent des protéines avec des similarités de fonction impliquées dans la mécanistique de biominéralisation ont été mis en évidence chez des organismes très éloignés phylogénétiquement tels que les Vertébrés, Mollusques, Eponges et Echinodermes (Jackson et al., 2007; Livingston et al., 2006). Le concept d’une “caisse à outils de la biominéralisation” a ainsi été proposé. Celle-ci comprend différentes protéines retrouvées chez les organismes de différents embranchements et jouant un rôle essentiel dans la biominéralisation, tels que les anhydrases carboniques, le collagène, des transporteurs ioniques, des protéines riches en cystéines, et des protéines acides. 1.2. Diversité, propriétés et fonction des biominéraux En 1989, plus de soixante types de biominéraux ont été répertoriés dans 55 embranchements des trois règnes du vivant (Lowenstam & Weiner, 1989), mais il est fort probable que leur nombre actuel soit bien supérieur. Parmi ce large répertoire, 39 types de biominéraux ont été identifiés dans le règne animal. Cette diversité s’explique en partie par la variété de constituants ioniques utilisés et intégrés au sein des structures biominéralisées (calcium, magnésium, fer, silice …). Le calcium est le constituant de 50% des biominéraux identifiés à ce jour et se retrouve précipité sous la forme de phosphate de calcium (Ca3(PO4)2), d’oxalate de calcium (CaC2O4) ou de carbonate de calcium (CaCO3). Le terme de « calcification » est utilisé pour ce type de biominéralisation impliquant du calcium. Le pourcentage élevé de biominéraux contenant du calcium est certainement lié au fait que les organismes ont présenté très tôt au cours de l’évolution, la capacité à métaboliser ce cation (Knoll, 2003; Lowenstam & Weiner, 1989), qui est nécessaire pour de nombreuses fonctions physiologiques et cellulaires (Berridge et al., 1998; Lowenstam & Margulis, 1980; Simkiss & Wilbur, 1989). Une des théories possible serait que la biominéralisation s’est développée chez les organismes marins en tant que processus de détoxification suite aux changements de la chimie des océans au Précambrien. En effet, la concentration en calcium a augmenté dans les océans à ce moment-là. Les organismes auraient alors développé des molécules de liaisons au calcium pour réduire le stress causé par la présence de ce cation en excès (Simkiss & Wilbur, 1989). Ce processus de titration du calcium serait apparu 150 Ma avant l’évolution des structures squelettiques (Lowenstam & Margulis, 1980). Les minéraux constitués de carbonate de calcium (CaCO3) sont les plus représentés, tant en terme d’abondance que par leur large distribution parmi les différents taxa (Lowenstam & Weiner, 1989). Le carbonate de calcium existe sous la forme de cinq polymorphes : calcite, aragonite, vatérite, monohydrocalcite, et carbonate de calcium amorphe. Les polymorphes cristallins ont la même formule chimique mais diffèrent par leur structure cristalline, qui leur confère des propriétés physiques et chimiques différentes. Différents polymorphes peuvent être synthétisés au sein d’un même organisme, comme la calcite et l’aragonite que l’on retrouve dans la coquille de certains mollusques (ormeaux, huîtres…) ou chez le corail bleu Epiphaxum micropora qui synthétise un squelette en aragonite et des sclérites en calcite1 . Si l’on classe les polymorphes de CaCO3 en fonction de leur solubilité, on obtient : carbonate de calcium amorphe > vatérite > aragonite > calcite. Le carbonate de calcium amorphe est par nature hautement instable, et tend à cristalliser sous forme d’aragonite ou de calcite. Les carbonates en calcite et aragonite peuvent incorporer du magnésium au sein de leur structure cristalline. L’aragonite d’une part, présentera des concentrations rarement supérieures à 1 mol%2 de MgCO3, tandis que pour la calcite, on distingue la « calcite faiblement magnésienne », avec une concentration inférieure à 4 mol% de MgCO3, et la « calcite hautement magnésienne » avec une concentration supérieure à 4 mol% de MgCO3. Ce pourcentage de magnésium incorporé dans la structure cristalline influence la solubilité, avec les biominéraux composés de calcite hautement magnésienne plus solubles que ceux en calcite faiblement magnésienne (Morse & Mackenzie, 1990). Des exemples d’organismes produisant ces différents polymorphes sont reportés dans le Tableau 1. Chez les cnidaires, les coraux tropicaux qui appartiennent à la sous-classe des Hexacoralliaires, produisent un squelette en aragonite, tandis que les coraux qui appartiennent à la sous-classe des Octocoralliaires produisent des structures minéralisées en calcite hautement magnésienne, comme Corallium rubrum. Le carbonate de calcium amorphe (CAA) peut être utilisé en tant que précurseur transitoire pour la formation de calcite ou d’aragonite. C’est en 1951 que l’analyse par diffraction des rayons X a permis de mettre en évidence l’existence de calcite et de CCA dans les spicules de nudibranches Archidoris (Odum, 1951). Chez les oursins, les spicules grandiraient par transformation d’une phase transitoire de CCA en calcite (Beniash et al., 1997). Par la suite, il a été suggéré que l’ensemble des parties dures des échinoïdes (épines, spicules et dents) soit formé par ce processus (Politi et al., 2009). Dans les spicules d’autres organismes tels que l’ascidie et les éponges calcaires, le CCA coexiste également avec du CaCO3 cristallin sous forme de biominéraux composites (Aizenberg et al., 1996, 2002; Sethmann & Wörheide, 2008). Enfin, chez les crustacés, le CCA présent dans les gastrolithes sert de réservoir temporaire de CaCO3 pour former ultérieurement l’exosquelette lors des périodes de mues (Simkiss & Wilbur, 1989)
La fonction prépondérante des biominéraux carbonatés est d’assurer la protection de l’organisme, que ce soit envers les prédateurs (carapace ou coquille des mollusques/bivalves), ou encore pour l’isoler de l’environnement extérieur (coquille d’œuf). Chez les coraux, la fonction du squelette est sans doute la même que chez l’Homme, il permet le maintien/support de la colonie ou de l’organisme (dans le cas des coraux non coloniaux). Les sclérites, quant à eux, serviraient (1) de support structurel en limitant la flexibilité des organismes ne possédant pas d’axe minéralisé (Van Alstyne et al., 1992), (2) de protection/dissuasion contre les poissons prédateurs (Hoang Xuan et al., 2015; Van Alstyne et al., 1994; West, 1997), ou (3) de protection contre l’abrasion comme proposé pour le corail rouge de Méditerranée Corallium rubrum (Allemand & Bénazet-Tambutté, 1996), ce qui expliquerait le taux élevé de synthèse et de renouvellement des sclérites chez cette espèce (Allemand & Grillo, 1992).
La biominéralisation chez les coraux
Les coraux : des cnidaires qui (bio)minéralisent
Lorsque l’on parle de coraux, on pense en premier lieu aux coraux dits « constructeurs de récifs ». Or, le terme « corail » du latin corallium3 , est lui-même issu du grec korallion qui est composé de koréô et hals respectivement traduits par « j’orne » et « la mer», et désignait initialement Corallium rubrum, le corail rouge présent en Méditerranée. De nos jours, « corail » désigne un vaste ensemble d’organismes marins calcifiants appartenant à l’embranchement des Cnidaires. Sous le terme de « corail », sont regroupés des Cnidaires calcifiants qui appartiennent 1) aux Octocoralliaires (classe Anthozoa), avec des organismes qui présentent des degrés variables de minéralisation, 2) aux Hexacoralliaires (classe Anthozoa) représentés par les coraux constructeurs de récifs (ordre des Scléractiniaires) qui élaborent un squelette massif, et les coraux profonds, ainsi qu’aux 3) Hydrozoaires (sous embranchement Medusozoa) avec par exemple le corail de feu (genre Millepora). L’embranchement des Cnidaires est le groupe frère des Bilatériens et comprend cinq grandes classes (Figure 2) : les Anthozoaires, les Scyphozoaires, les Cubozoaires, les Hydrozoaires et les Staurozoaires. Les quatre dernières classes citées sont regroupées dans le sous-embranchement des Médusozoaires. 3 D’autres origines sont proposées : de l’hébreu ‘goral’= petit caillou ; ou de l’arabe ‘garal’= petite pierre. D’après World Register of Marine Species (WoRMS). L’embranchement des Cnidaires comprend plus de 11 000 espèces décrites d’invertébrés marins (Appeltans et al., 2012), minéralisants, tels que les coraux constructeurs de récifs, et non minéralisants, tels que les anémones de mer, les hydres et les méduses (Figure 3). « Cnidaire » vient du grec knide signifiant “ortie, urticant”. En effet, tous les organismes de cet embranchement possèdent des cellules spécialisées urticantes appelées cnidocytes. Selon qu’ils sont constitués d’un ou plusieurs individus dénommés polypes, les Cnidaires sont respectivement dits solitaires (cas de l’anémone de mer et de certains coraux) ou coloniaux (la plupart des coraux constructeurs de récifs). Au stade adulte, ils peuvent être fixés sur un substrat (l’hydre, l’anémone de mer et le corail adulte) ou libres dans la masse d’eau (la méduse)
Histoire évolutive des coraux
L’histoire évolutive des Cnidaires reste encore difficile à reconstruire et leur taxonomie subit régulièrement des remaniements. Concernant leur phylogénie, deux hypothèses principales s’opposent selon les marqueurs moléculaires étudiés. La première repose sur l’analyse des gènes nucléaires ou des ARN ribosomaux (ARNr) (Bernstein & Schraer, 1972; Berntson et al., 1999; Cavalier-Smith, 2004; Collins et al., 2006) et suggère une monophylie de la classe des Anthozoaires (Figure 4A). Cette monophylie est également suggérée par deux études phylogénomiques (Zapata et al., 2015, Pratlong et al. 2016). A contrario, les reconstructions phylogénétiques basées sur l’étude des génomes mitochondriaux des Cnidaires (Collins, 2002; Kayal & Lavrov, 2008; Park et al., 2012) suggèrent une paraphylie des Anthozoaires (Figure 4B), montrant les Octocoralliaires plus proches des Médusozoaires que des Hexacoralliaires Une autre problématique est l’estimation des temps de divergence au cours de l’histoire évolutive des Cnidaires et la datation de l’origine des différentes classes. Deux méthodes principales sont actuellement utilisées pour répondre à cette question : – Le couplage d’une analyse phylogénétique avec des points de calibration basés sur la datation des archives fossiles est une des méthodes actuellement utilisées pour répondre à cette question (Park et al., 2012; Peterson et al., 2007). Les résultats issus de cette méthode doivent être interprétés avec précaution étant donné (1) la difficulté d’interprétation des caractères morphologiques et/ou minéralogiques pour déterminer la taxonomie de ces fossiles, (2) le faible nombre de fossiles datés et (3) l’approximation de leur datation qui s’étend parfois sur plusieurs dizaines de millions d’années.
– Des modèles d’évolution génétique, sur la base d’horloges moléculaires, sont également utilisés afin d’extrapoler la datation des radiations phylogénétiques pour lesquelles aucune donnée fossile n’est disponible (Cartwright & Collins, 2007). A l’heure actuelle, peu de génomes ou de transcriptomes représentatifs de l’embranchement des cnidaires sont séquencés. En se basant sur l’analyse des génomes mitochondriaux des principaux groupes taxonomiques couplée à l’utilisation de cinq archives fossiles, l’étude menée par Park et al. (2012) a permis d’estimer l’origine des Cnidaires à -741 Ma (Figure 5). Le répertoire de fossiles de Cnidaires est bien plus large 4 que ces cinq archives fossiles, mais leur attribution taxonomique est encore discutée. Selon cette même étude (Park et al., 2012) les deux sous-classes des Anthozoaires (Hexacoralliaires et Octocoralliaires) semblent avoir divergé très tôt au cours de l’histoire des Métazoaires, avant l’explosion cambrienne, et donc avant -542 Ma. Ces données suggèrent donc que la biominéralisation ait été acquise chez les Cnidaires après la divergence des deux sous-classes Hexacoralliaires/Octocoralliaires
Processus de biominéralisation chez les coraux
L’étude de la biominéralisation concerne d’une part le produit fini, c’est-à-dire la structure minéralisée synthétisée par un organisme vivant (le biominéral) et d’autre part le processus dynamique qui regroupe l’ensemble des processus physico-chimiques, cellulaires et moléculaires par lesquels des organismes vivants élaborent des structures minéralisées. Cette deuxième partie sera détaillée ci-dessous dans la mesure où c’est sur cet aspect que j’ai travaillé au cours de ma thèse. a) Physico-chimie de la biominéralisation Tout d’abord, la formation de CaCO3, qu’elle ait lieu in vitro ou in vivo, résulte de la réaction de précipitation des ions calcium avec les ions carbonates présents en solution selon l’équation suivante : Le calcium est présent à une concentration constante d’environ 10 mmol.kg-1 dans les océans actuels, sous la forme du cation divalent Ca2+ . Le carbone inorganique dissous (CID), quant à lui, existe sous trois formes qui sont à l’équilibre : le dioxyde de carbone (CO2), les ions bicarbonates (HCO3 – ) et les ions carbonates (CO3 2- ). 𝐂𝐎𝟐 + H20 ⇌ H2CO3 ⇌ 𝐇𝐂𝐎𝟑 − + H + ⇌ 𝐂𝐎𝟑 𝟐− + 2H+ (2) Dans une eau de mer à pH ~8.1, les ions HCO3 – contribuent pour près de 90% au CID total (Figure 7), le CO3 2- , 9%, et le CO2 pour seulement 1%.La Figure 7 montre que le pH va déterminer le sens de la réaction (2) et la proportion de chaque espèce carbonatée dans le milieu. Une augmentation du pH par rapport à celui de l’eau de mer actuel va favoriser la formation de CO3 2- . Le pH est donc un paramètre majeur dans la mécanistique de la biominéralisation, et sera l’objet d’étude du chapitre 4. D’un point de vue physico-chimique, la précipitation du CaCO3 est thermodynamiquement favorisée quand la concentration en Ca2+ et CO3 2- atteint ou dépasse la solubilité du CaCO3 (K*ps), ou en d’autres termes lorsque l’état de saturation du CaCO3 (ΩCaCO3) dépasse la valeur de 1. On parle alors de sursaturation de l’eau de mer en CaCO3. Au contraire, si ΩCaCO3 est inférieur à 1 on parle de sous-saturation, ce qui favorise alors la dissolution du CaCO3. L’état de saturation du CaCO3 est le produit des concentrations en Ca2+ et CO3 2- dans l’eau de mer, ou dans le milieu d’intérêt, divisé par le produit de solubilité du CaCO3 (K*ps) : ΩCaCO3 = [Ca2+]milieu x [CO3 2−]milieu K∗ ps (3) La constante du produit de solubilité (K*ps) est la constante d’équilibre de la réaction de dissolution : CaCO3 Ca2+ + CO3 2- , et correspond donc au produit des concentrations au seuil de solubilité. La solubilité dépend de la température, de la salinité et de la pression, donc la constante K*ps dépend également de ces paramètres (Mucci, 1983). K ∗ ps = [Ca2+]𝑠𝑎𝑡𝑢𝑟é x [CO3 2−]𝑠𝑎𝑡𝑢𝑟é (4) Comme présenté au début de ce chapitre, les coraux forment des biominéraux carbonatés cristallisés principalement sous forme de calcite et d’aragonite. L’état de saturation de ces deux polymorphes s’écrit selon ces deux équations : Ωaragonite = [Ca2+]milieu x [CO3 2−]milieu K∗ ps aragonite (5) Ωcalcite = [Ca2+]milieu x [CO3 2−]milieu K∗ ps calcite (6) Ces deux polymorphes sont caractérisés par des K*ps différents, avec le K*ps de l’aragonite supérieur au K*ps de la calcite (Mucci, 1983). Aux mêmes concentrations de Ca2+ et CO3 2- , l’état de saturation de l’aragonite est donc inférieur à celui de la calcite, ce qui se traduit par une solubilité plus élevée de l’aragonite par rapport à la calcite. Que ce soit dans le cas de l’aragonite ou de la calcite, afin de favoriser la précipitation, il faut donc augmenter l’état de saturation de la solution et pour cela la concentration en Ca2+ ou en CO3 2- . Comme vu précédemment, le pH va influencer la disponibilité en CO3 2- et donc modifier l’état de saturation, et ainsi jouer de façon indirecte un rôle sur la précipitation du CaCO3. L’état de saturation n’est pas le seul paramètre à gouverner la réaction de précipitation. Un autre élément clef, lié à des contraintes cinétiques/énergétiques, correspond à l’étape de nucléation c’est à dire à la formation de « clusters » d’ions.
Chapitre 1 LA BIOMINERALISATION CHEZ LES CORAUX |