Vers une formule des traces stable pour le groupe
métaplectique
Le groupe métaplectique
Transfert d’intégrales orbitales pour le groupe métaplectique
Dans ce chapitre, on propose un formalisme de l’endoscopie pour le groupe métaplectique, qui s’inspire beaucoup des travaux d’Adams [2] et de Renard [71]. On démontre ensuite le transfert d’intégrales orbitales et le lemme fondamental pour l’unité de l’algèbre de Hecke sphérique anti-spécifique. Grosso modo, le groupe dual de Sp(2 f n) est Sp(2n, C) ; cela suggère que Sp(2 f n) est étroitement lié au groupe SO(2n + 1) déployé, un fait connu depuis longtemps. Cependant, le formalisme proposé ici et l’étude du lemme fondamental pondéré dans le Chapitre II suggèrent une différence cruciale : on doit remplacer ZSp(2n,C) = {1, −1} par le groupe trivial dans le formalisme. La démonstration du transfert et du lemme fondamental sont basées sur la descente de Harish-Chandra. Cette méthode nous ramène à la situation sur l’algèbre de Lie. On applique ensuite les résultats de Ngô [67], à savoir l’endoscopie standard et non standard sur l’algèbre de Lie. Le noyau dur mais élémentaire dans ce chapitre est la descente du facteur de transfert. II. Le lemme fondamental pondéré pour le groupe métaplectique Pour des applications arithmétiques, il faudra stabiliser tous les termes de la formule des traces. Donc il faut une variante du lemme fondamental pondéré d’Arthur [20]. L’énoncé proposé ici est formellement similaire au cas des groupes réductifs connexes sauf qu’une “torsion” curieuse γ 7→ γ[s] 13 14 intervient dans le côté endoscopique. On reprend les arguments de Waldspurger [85] pour se ramener à l’algèbre de Lie. La preuve est conditionnelle : il faut le lemme fondamental pondéré sur l’algèbre de Lie prouvé par Chaudouard et Laumon [29, 30], ainsi que le lemme fondamental pondéré non standard, qui reste encore conjectural. Néanmoins le lemme fondamental pondéré non standard est tautologique en rang 1. Le point technique et toujours élémentaire est un calcul combinatoire inspiré par les travaux d’Arthur . Partie 2 : La formule des traces pour les revêtements de groupes réductifs connexes III. Le développement géométrique fin On a déjà parlé de la formule des traces pour revêtements, au moins pour Sp(2 f n). Dans ce chapitre on signale une classe de revêtements à étudier. Gross modo, ce sont des revêtements finis des groupes topologiques dans le cas local. Dans le cas global, on exige que (a) le groupe des points rationnels s’immerge dans le revêtement adélique, et (b) les revêtements locaux induits sont “non ramifiés” en presque toute place ; cela signifie grossièrement la commutativité de l’algèbre de Hecke sphérique anti-spécifique. Cette condition est satisfaite pour les revêtements provenant des K2-extensions de Brylinski-Deligne [27], ce qui incluent tous les revêtements considérés jusqu’à présent. Pour les revêtements dans notre classe, on établit la formule des traces grossière et le développement fin de son côté géométrique. Les ingrédients dans ce développement géométrique sont des intégrales orbitales pondérées le long des bons éléments. Ici, un élément dans le revêtement est dit bon si son commutant est l’image réciproque du commutant de son image dans le groupe réductif connexe. L’argument est basé sur celui d’Arthur. La méthode de descente nous ramène au terme unipotent de la formule des traces de groupes réductifs connexes tordu par un caractère. Puisqu’une telle formule des traces n’est pas encore systématiquement traitée, on est obligé de faire une analyse détaillée dans ce cadre. IV. Analyse harmonique locale On étudie les ingrédients locaux du côté spectral de la formule des traces. Plus précisément, on justifie la formule de Plancherel, la normalisation des opérateurs d’entrelacement, l’intégrabilité locale des caractères irréductibles admissibles, le théorème de Paley-Wiener pour les fonctions de Schwartz-Harish-Chandra, et la formule des traces locale invariante pour les revêtements. Il est tentant de penser que ces théories s’adaptent aux revêtements sans peine, or il s’avère que les modifications nécessaires ne sont pas toujours triviales. Le but de la deuxième partie est la formule des traces invariante d’Arthur. C’est clair que ce programme est dans un état inachevé puisque l’on n’arrive pas encore au développement fin spectral. Un obstacle éventuel à surmonter est le théorème de Paley-Wiener pour les fonctions lisses K˜ -finies à support compact [32] sur les revêtements archimédiens. Sa preuve pour les groupes réels linéaires s’appuie sur certaines propriétés de K-types minimaux [81], qui exige la commutativité des sous-groupes de Cartan. Néanmoins, cette difficulté ne se pose pas pour le groupe métaplectique Sp(2 f n). Un projet à plus long terme est de stabiliser la formule des traces pour Sp(2 f n). Signalons que ces quatre chapitres sont effectivement quatre articles indépendants ; des parts sont déjà mises en ligne ou parues dans le journal, eg. [53, 54, 55]. Pour faciliter la lecture et la comparaison, on choisit consciemment des notations différentes ; par conséquent chaque chapitre a son propre index. Plus précisément, dans le Chapitre I, la notation s’inspire de [48, 84]. Dans le Chapitre II, on choisit les conventions de Waldspurger [85], qui sont compatibles avec celles d’Arthur pour la plupart. Pour le Chapitre III, on suit systématiquement le formalisme d’Arthur. Quant au Chapiter IV, on adopte le formalisme de [83] pour la formule de Plancherel, celui de 15 Harish-Chandra [40] pour les distributions admissibles, et celui d’Arthur pour la normalisation des opérateur d’entrelacement et pour la formule des trace locale
Transfert d’intégrales orbitales pour le groupe métaplectique
La formule des traces d’Arthur-Selberg est l’un des outils les plus puissants pour la théorie moderne des formes automorphes. Cette approche est surtout féconde lorsque l’on compare les formules des traces de deux groupes réductifs. Pour ce faire, il faut mettre la formule des traces sous une forme “stable”. La théorie de l’endoscopie, inventée par Langlands et ses collaborateurs, donne un plan pour résoudre ce problème pour les groupe réductifs. D’autre part, il existe une famille de revêtements non linéaires Sp(2 f n, F) des groupes symplectiques Sp(2n, F) sur un corps local F, qui s’appellent les groupes métaplectiques. A un ` caractère additif non trivial ψ : F → S 1 est associée une représentation admissible ωψ de Sp(2 f n, F), qui s’appelle la représentation de Weil. Bien que le revêtement métaplectique soit traditionnellement un revêtement à deux feuillets, pour des raisons techniques nous ferons agrandir le revêtement métaplectique de sorte que p : Sp(2 f n, F) → Sp(2n, F) est un revêtement à huit feuillets. Autrement dit, Ker (p) = µ8 := {z ∈ C × : z 8 = 1}. Cela n’affecte pas les résultats que l’on cherche. Si l’on envisage d’établir et puis de stabiliser la formule des traces pour Sp(2 f n, F), le premier pas est d’étudier le transfert local des intégrales orbitales (5.5.2). Cependant, on ne peut pas adapter littéralement la théorie de l’endoscopie car Sp(2 f n, F) n’est pas un groupe linéaire algébrique ; en particulier il n’a pas de L-groupe. L’un des objets de cet article est de mettre en place un tel formalisme. Les représentations de Sp(2 f n, F) qui nous intéressent sont celles telles que la multiplication par chaque ε ∈ Ker (p) = µ8 agit par ε · id ; ces représentations sont dites spécifiques. Par exemple, la représentation de Weil ωψ est spécifique. Pour l’étude des représentations spécifiques, il suffit de considérer les fonctions telles que f(εx˜) = ε −1f(˜x) pour tout ε ∈ µ8 ; ces fonctions sont dites anti-spécifiques. Ces notions se généralisent à tout revêtement. La distinction entre objets spécifiques et anti-spécifiques est superficielle pour Sp(2 f n, F) (voir 2.1.1). Notre approche se modèle sur l’endoscopie pour les groupes réductifs. Notons G := Sp(2n), G˜ := Sp(2 f n, F). Tout d’abord il faut trouver des bonnes définitions pour : 1. les groupes endoscopiques elliptiques H de G˜, 2. la correspondance de classes de conjugaison semi-simples entre H et G, 3. une notion de conjugaison stable sur G˜, 4. le facteur de transfert ∆. 19 20 Chapitre I Une fois que ceci sera fait, on pourra définir l’intégrale orbitale endoscopique JH,G˜(γ, f) = X δ ∆(γ, ˜δ)JG˜( ˜δ, f)(I.1) d’une fonction anti-spécifique f ; les notations sont analogues à celles pour l’endoscopie des groupes réductifs et on les expliquera dans §5.5. Par la suite, on peut formuler le transfert de fonctions f 7→ f H qui fait concorder JH,G˜(·, f) et l’intégrale orbitale stable J st H (·, f H) sur H. Comme pour l’endoscopie pour les groupes réductifs, le transfert doit être explicite pour les fonctions sphériques dans le cas non ramifié (5.5.3). De tels énoncés sont connus sous le nom de “lemme fondamental”. Esquissons nos réponses aux questions ci-dessus. 1. Soit F une extension finie de Qp, p > 2. Selon un résultat de Savin [72], l’algèbre d’IwahoriHecke spécifique (ou anti-spécifique) de G˜ est isomorphe à l’algèbre d’Iwahori-Hecke de SO(2n + 1), le groupe orthogonal impair déployé. Cela suggère que l’on doit regarder Sp(2n, C) comme le groupe dual de G˜ ; de telles évidences existent aussi pour le cas F = R [3]. En poursuivant cette philosophie, on définit une donnée endoscopique elliptique de Sp(2 f n) comme une paire (n 0 , n00) ∈ Z 2 ≥0 telle que n 0 + n 00 = n ; le groupe endoscopique associé est Hn0 ,n00 := SO(2n 0 + 1) × SO(2n 00 + 1). Contrairement à l’endoscopie pour SO(2n + 1), on distingue les données (n 0 , n00) et (n 00, n0 ). 2. Soit γ = (γ 0 , γ00) ∈ Hn0 ,n00(F) semi-simple ayant valeurs propres a 0 1 , . , a0 n0, 1,(a 0 n0) −1 , . ,(a 0 1 ) −1 | {z } provenant de γ 0 , a00 1 , . , a00 n00, 1,(a 00 n00) −1 , . ,(a 00 1 ) −1 | {z } provenant de γ 00 . On dit que δ ∈ G(F) correspond à γ s’il est semi-simple avec valeurs propres a 0 1 , . , a0 n0,(a 0 n0) −1 , . ,(a 0 1 ) −1 , −a 00 1 , . , −a 00 n00, −(a 00 n00) −1 , . , −(a 00 1 ) −1 . Cela induit une application entre classes de conjugaison semi-simples géométriques. 3. Il y a aussi une définition ad hoc de stabilité : deux éléments semi-simples réguliers dans G˜ sont stablement conjugués si leurs images dans G(F) sont stablement conjugués et si tr ω + ψ − tr ω − ψ prend la même valeur, o`u ω ± ψ sont les deux morceaux irréductibles de la représentation de Weil. C’est aussi la voie poursuivie dans [2, 41]. 4. Le facteur de transfert est plus subtil. Lorsque F = R et n 00 = 0, Adams a défini un facteur de transfert ∆ sur l’ensemble des éléments semi-simples réguliers dans G˜ et il est égal à tr ω + ψ − tr ω − ψ . Plus généralement, pour un groupe endoscopique H quelconque, le facteur de transfert est défini dans cet article comme un produit ∆ = ∆0∆00∆0, o`u ∆0 , ∆00 sont fabriqués à partir des caractères tr ω ± ψ et ∆0 est un terme relativement simple qui est stablement invariant. Le facteur ∆0 co¨ıncide avec le facteur défini par Renard [71]. Il n’y a pas de facteur ∆IV comme en [52], car nous avons normalisé les intégrales orbitales. Le facteur de transfert satisfait aux propriétés suivantes. Spécificité (5.3.4) : on exige cette propriété de sorte que l’intégrale orbitale endoscopique (I.1) est bien définie. Propriété de cocycle (5.3.5) : c’est une condition naturelle pour l’endoscopie, qui affecte des signes aux classes de conjugaison dans une classe de conjugaison semi-simple régulière stable. Descente parabolique (5.4.1) : cela réduit le calcul du facteur de transfert aux éléments elliptiques ; c’est aussi la principale raison pour laquelle on travaille sur le revêtement à huit feuillets. Section 1 21 Normalisation (5.3.7) : dans le cas non ramifié, le facteur vaut 1 pour les éléments à réductions régulières qui se correspondent. Symétrie (5.3.8) : qui relie les facteurs de transfert pour Hn0 ,n00 et Hn00,n0 . Cette symétrie est réalisée par la multiplication par une image réciproque canonique dans G˜ de −1 ∈ G(F), ce que l’on désigne encore par −1. L’usage d’un tel élément est loisible car on travaille avec le revêtement à huit feuillets. Formule du produit (5.3.9) : elle servira à stabiliser les termes elliptiques réguliers dans la formule des traces. Les quatre premières propriétés et la descente semi-simple caractérisent le facteur de transfert dans le cas non ramifié (cf. [37]). Dans le cas F = R, J. Adams [2] a établi le relèvement de caractères entre G˜ et SO(2n + 1) et D. Renard [70] a démontré le transfert d’intégrales orbitales. Pour les groupes endoscopiques Hn0 ,n00 en général, le transfert d’intégrales orbitales est établi par Renard dans le cas réel ; son formalisme paraˆıt différent, mais il est équivalent au nôtre, pour l’essentiel. Pour F non archimédien, n 0 = 1 et n 00 = 0, J. Schultz a établi le relèvement de caractères entre G˜ et SO(3) dans sa thèse [74]. Indiquons brièvement notre approche. A la suite de Langlands, Shelstad [50] et Waldspurger, ` on applique la méthode de descente semi-simple de Harish-Chandra pour réduire le transfert à l’algèbre de Lie. Le revêtement disparaˆıt et on se ramène à des situations composées de l’endoscopie pour les groupes unitaires et symplectiques, ainsi qu’une situation “non standard” étudiée dans [84], à savoir le transfert entre les algèbres de Lie de Sp(2n) et SO(2n + 1). Grˆace aux travaux de Ngô Bao Chˆau [67], le transfert est maintenant établi dans chaque situation ci-dessus. Le noyau technique de cet article est donc de prouver que notre facteur ∆ se descend en les bons facteurs aux algèbres de Lie. On demande de plus que les facteurs ainsi descendus soient normalisés dans le cas non ramifié. Récapitulons la structure de cet article. – Dans §2, on recueille les définitions et propriétés de base du groupe métaplectique. L’usage de cocycles est minimaliste. Il y a aussi des discussions de revêtements non linéaires en général. – Dans §3, on paramètre explicitement les classes de conjugaison dans les groupes classiques. La classification est bien connue. Remarquons que notre convention diffère de celle de [82] (voir 3.3.6). Faute d’avoir une référence complète, on y reproduit toutes les démonstrations. – Dans §4, on rappelle les formules du caractère de la représentation de Weil dues à Maktouf [59] en suivant l’approche de T. Thomas [79]. Leurs approches reposent sur le modèle de Schr¨odinger du groupe métaplectique. Ces formules servent aussi à caractériser le scindage au-dessus d’un parabolique de Siegel (4.1.7). Pour traiter le cas non ramifié, il faudra aussi étudier le caractère via le modèle latticiel. – Dans §5, les fondations de l’endoscopie sont mises en place. On établit aussi des résultats utiles pour les articles qui feront suite. – La section §6 traite le transfert archimédien. On réconcilie le formalisme de Renard avec le nôtre. On prouve que nos facteurs de transfert co¨ıncident et le transfert archimédien en résulte. – La section §7 est consacrée à la descente semi-simple. La descente des termes ∆0 , ∆00 repose sur des formules de Maktouf et le calcul de l’indice de Weil de la forme de Cayley (4.3.4). D’autre part, la descente du terme ∆0 est une manipulation des symboles locaux et des formes quadratiques. – La section §8 reprend les arguments pour l’endoscopie des groupes réductifs (cf. [84]) ; on établit le transfert non archimédien et le lemme fondamental pour les unités par la 22 Chapitre I méthode de descente. Dans §6-§7, on travaillera avec le revêtement métaplectique à f feuillets avec 8|f. Dans §8, on supposera f = 8. Enfin, signalons un autre formalisme de l’endoscopie pour Sp(2 f n) proposé par Renard dans [71] pour le cas F = R. Grosso modo, les données endoscopiques elliptiques sont toujours en bijection avec les paires (n 0 , n00) ∈ Z 2 ≥0 telles que n 0 + n 00 = n, mais les groupes endoscopiques sont Sp(2 f n 0 ) × Sp(2 f n 00). Le facteur de transfert est ∆0. Nous étudierons une variante de ce formalisme en détail dans §6, dont les définitions marchent dans le cas non archimédien sans modification. En particulier, on peut parler du transfert d’intégrales orbitales à la Renard. Remarquons que l’on peut déduire le transfert à l’aide du transfert à la Renard composé avec le transfert de Sp(2 f k) vers SO(2k + 1) (associé à la paire (k, 0)) pour k = n 0 et k = n 00. Vu la définition du facteur de transfert ∆ = ∆0∆00∆0, cette approche paraˆıt raisonnable. En effet, le transfert pour F = R sera démontré de cette fa¸con dans §6. Réciproquement, si l’on peut montrer que chaque intégrale orbitale stable sur SO(2m + 1) provient de Sp(2 f m) via transfert, alors le transfert à la Renard résulte de notre formalisme. On espère revenir un jour sur cette question.
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