Rôle des ondes baroclines dans la variabilité basse
fréquence
Atmosphère et moyennes latitudes
Les moyennes latitudes ont très tôt été un centre d’intérˆet, probablement afin d’expliquer pourquoi les vents à ces latitudes sont des vents d’ouest alors qu’aux tropiques et aux pôles les vents sont d’est. Malgré les avancées de la science afin de développer des GCM représentant les trois dimensions de l’espace, la séparation de l’écoulement en deux parties distinctes reste un moyen de différencier les structures, les mécanismes et les échelles de temps mises en jeu dans la variabilité atmosphérique. La première partie de cette séparation est la moyenne zonale. La seconde partie concerne les anomalies autour de cette moyenne et c’est cette partie de l’écoulement qui définit les ondes d’échelle synoptique des moyennes latitudes, appelées ondes planétaires ou ondes de Rossby. Cette distinction reste aujourd’hui encore une approche intéressante et offre un aperçu de la complexité de ces phénomènes de grande échelle. De cette manière de présenter et penser la circulation atmosphérique découle une question : Quelle est l’interaction entre ces deux parties, autrement dit, l’interaction entre l’écoulement moyen et les ondes ? A cette question dont des éléments de réponses seront fournis dans la première partie grˆace à un GCM à géométrie simplifiée s’adjoint une autre question. Quelle est la fiabilité d’un GCM à reproduire l’écoulement moyen et les ondes ? Et puisque la résolution horizontale est liée à la représentation de ces ondes, la seconde partie se concentre principalement sur l’effet de la résolution. 1.2 Etats moyens et jets des moyennes latitudes ´ L’étude de l’interaction entre les ondes et le jet des moyennes latitudes a été et reste un centre d’intérˆet d’étude. De nos jours c’est peut-ˆetre la position géographique de nombreux pays économiquement développés qui sont sous l’influence des phénomènes se produisant à ces latitudes qui explique en partie l’intérˆet qui y est porté. Les moyennes latitudes restent une .Issue de Atmospheric Circulation Systems : Their Structure and Physical Interpretation par Palmén et Newton, 1969, Elsevier Figure 1.2 – Fonction de courant et son renversement durant les saisons d’hiver et d’été (contours tous les 10 Sverdrups. Issue de The Physics of Climate par Peixto et Oort, 1992, American Institute of Physics.
Etats moyens et jets des moyennes latitudes
zone géographique vaste o`u la structure de l’atmosphère présente une grande variabilité, des phénomènes de nature différente et donc d’une intéressante complexité. En considérant l’ensemble du globe, il apparaˆıt que la structure de l’atmosphère indique la présence d’un jet dans chacun des hémisphères se situant aux moyennes latitudes (figure 1.1). Cependant il existe des différences entre les jets des deux hémisphères, une variabilité en fonction de la saison et de la longitude considérée. Ces critères impliquent des différences à la fois en terme de position, d’intensité et de variabilité. Malgré ces différences, ces jets des moyennes latitudes ont de grandes similarités. En effet, la localisation du jet dans la partie haute de l’atmosphère implique un fort gradient méridien de température, l’intensité maximale aux moyennes latitudes s’expliquant par l’équilibre du vent thermique. Ce maximum de vent se situe aux alentours de 200 hPa, altitude vers laquelle s’annule le gradient méridien de température. A ces maxima en altitudes correspondent des maxima en surface (traits fins de la figure 1.1). A plus hautes et basses latitudes se trouvent des vents d’est, comme par exemple les alizés dans la bande équatoriale. Au-dessus de ces vents d’est ou lorsque le vent zonal s’annule, un second maximum de vents est parfois visible en altitude aux alentours de 30°. Cette double structure est particulièrement visible dans l’hémisphère sud durant l’été austral, le jet y semble se scinder en deux de manière à former deux jets, l’un dit subtropical et l’autre subpolaire. En dépit des similarités structurelles entre les deux hémisphères, certaines différences apparaissent lorsque les deux hémisphères sont attentivement observées durant la mˆeme saison. Près de la surface la présence de montagne et la modification de l’écoulement associée, les océans et les terres, leur alternance et leurs caractéristiques – température, rugosité, capacité thermique – sont autant de raisons qui peuvent expliquer les différences apparaissant dans la couche limite. Cependant les différences les plus notables apparaissent pour un mˆeme hémisphère lorsque sont considérées les deux saisons les plus contrastées que sont l’hiver et l’été. L’inclinaison de la Terre est à l’origine de cette différence puisqu’elle implique une différence d’ensoleillement, et donc d’énergie reçue, par les deux hémisphères. Expliquer les différences observées durant ces deux saisons par un simple problème de géométrie est impossible. Ce sont les processus dynamiques qui, via la redistribution de l’énergie, permettent d’ expliquer ces diversités d’état moyen, autrement dit la variabilité saisonnière. En considérant la moyenne zonale, les termes dominant de l’équilibre des forces près de la surface sont la force de Coriolis, résultant de mouvements latitudinaux, et la friction qui ralentit les vents zonaux. Dans les régions tropicales la friction de surface implique qu’en moyenne il existe un écoulement d’est de manière à ce que la Force de Coriolis associée à cet écoulement vienne contre balancer la force associée à la friction. Par conséquent, l’existence d’une force de friction orientée vers l’est dans la région tropicale o`u les vents de surface sont d’est nécessite, à l’état stationnaire, un écoulement orienté vers l’équateur, de manière à ce que la force de Coriolis équilibre les forces de friction.L’écoulement de retour a lieu près de la tropopause. Cette circulation tropical est appelé circulation, ou cellule, de Hadley. Aux moyennes latitudes, le mˆeme équilibre entre forces implique des vents méridionaux de sens opposés, structure appelée cellule de Ferrel. Il existe une troisième cellule, proche des pôles, de plus faible intensité. Ce sont ces structures qui sont soumises à une variabilité saisonnière, elle mˆeme associée à l’énergie solaire reçue (figure 1.2). Associée à ces trois cellules, l’augmentation de la vitesse des vents zonaux avec l’altitude, expliquée par l’équilibre du vent thermique et le gradient méridien de température, est un élément important dans la compréhension et description de la circulation générale, puisqu’elle explique en partie la répartition de l’énergie entre les tropiques et les extratropiques. Figure 1.3 – Climatologie du vent zonal à 300 hPa pour décembre-janvier , mai-avril et juinjuillet-aoˆut (zone grisé à 20, 30 et 40 m s−1 , ligne noire continue et tireté pour le maximum et minimum de vent). [Figure 1 de Codron (2007)] 1.3 Modes annulaires et variabilité basse fréquence Il existe une variabilité des structures atmosphériques aux moyennes latitudes de période supérieure à dix jours. Ces structures sont caractérisées par leurs grandes échelles spatiales et leur quasi-stationnarité, c’est à dire qu’elle ne se propage pas. Ce type de variabilité observée dans l’hémisphère sud aux moyennes latitudes a une structure zonalement symétrique et verticalement cohérente, i.e., barotrope. Elle est du type mode annulaire, c’est à dire une structure dipolaire du vent zonal oscillant en latitude autour de la position moyenne du jet (figures 1.3 et 1.4). Les modes annulaires apparaissent comme étant le mode principal de variabilité atmosphérique pour les régions extratropicales dans les deux hémisphères, o`u ils sont nommés Mode Annulaire Austral – Southern Annular Mode ou SAM – et Mode Annulaire du Nord – Northern Annular Mode ou NAM. Ces modes de variabilités privilégiés sont évalués en faisant l’analyse en composante principale (ACP) – ou Empirical Orthogonal Function, noté ensuite EOF – du vent zonal, du géopotentiel ou de la pression de surface. Le NAM et SAM expliquent l’ordre de 20 à 30% de la variance totale de leurs hémisphères respectifs, selon l’altitude, la variable utilisée, la période de l’année ou encore les années considérées. En considérant les variables en fonction de leur latitude et longitude il apparaˆıt que les modes suivants sont associés à des nombres d’onde de plus en plus grand. Bien que ces modes de variabilité soient des modes empiriques car ils résultent d’une analyse statistique de données. Cependant ces modes apparaissent comme la réponse privilégiée à la diminution d’ozone du pôle sud et à l’augmentation de la concentration de gaz à effet de serre. Les modes annulaires mis en évidence par ces méthodes statistiques décrivent une grande partie de la variabilité totale de l’écoulement atmosphérique. La variabilité du vent zonal associée à ce mode annulaire est une oscillation du jet autour de sa position , celle de la pression de surface traduit un déplacement de masse d’air entre les régions polaires et les moyennes latitudes. Ces oscillations sont par exemple, l’oscillation australe (OA) dans le cas du SAM, ou l’oscillation nord atlantique – North Atlantic Oscillation ou NAO – dans le cas de la variabilité associée à la région nord atlantique. Dans ce dernier cas le mode de variabilité n’est alors plus à proprement parlé un mode annulaire, mais reste une oscillation du jet autour d’un état moyen dans une région définie. La différence d’intensité ou bien la distance entre l’état de l’atmosphère à un instant donné et l’état moyen peuvent ˆetre évaluées via diverses expressions choisies de manière pertinente donnant lieu à l’estimation d’une valeur, communément appelé indice, qui traduit cet écart. Dans le cas des modes annulaires et par convention, l’indice est défini comme positif lorsque le vent est déplacé vers le pôle et que la pression y diminue. Par exemple, la NAO a deux phases, 1.3. Modes annulaires et variabilité basse fréquence Figure 1.4 – Régression de la série temporelle mensuelle du SAM pour décembre-janvier , maiavril et juin-juillet-aoˆut (en haut) sur le géopotentiel à 850 hPa (contour tous les 10 m, éros omis) et (en bas) sur le vent zonal à 300 hPa (en m s−1 ), ligne noire continue / tireté indique le maximum / minimum de vent zonal).[Figure 2 de Codron (2007)] (a) EOF1 de la moyenne zonale du vent zonal en m s−1 (36%) (b) EOF2 de la moyenne zonale du vent zonal en m s−1 (18%) Figure 1.5 – EOF1 (1.5a) et EOF2 (1.5b) de la moyenne zonale du vent zonal. Le pourcentage de variance expliquée est indiquée dans les légendes respectives. [Figures 2 a) et 12 a) issues de Lorenz & Hartmann (2001)] positive et négative, correspondant à une oscillation du jet autour de sa position moyenne, incliné du sud-ouest vers le nord-est. Adopter un point de vue en moyenne zonale permet de ne pas voir apparaˆıtre d’onde lors du calcul des modes de variabilité qui suivent le mode annulaire. Sous cette condition, Lorenz & Hartmann (2001) ont montré que dans le cas de l’hémisphère sud, le pourcentage de variance expliquée par le mode annulaire atteint 36% et 18% de la variabilité totale pour le second mode. Ce second mode est associé à une variation de vitesse et d’étendue latitudinale du jet, accélération et resserrement dans le cas de la phase positive et décélération et élargissement dans le cas de la phase négative (figure 1.5b). La variabilité que traduit le mode annulaire est cette variabilité basse fréquence qui ne peut ˆetre directement expliquée via la répartition de l’ensoleillement ou les phénomènes physiques, telle que la gravité ou la vitesse de rotation. De mˆeme les caractéristiques de cette variabilité, telle que la persistance d’une phase, autrement dit d’un état donné, ne peuvent pas s’expliquer simplement via ces principes fondamentaux et c’est l’interaction ondes-écoulement qui en est la raison. L’écoulement peut à la fois créer des asymétries de température et de cisaillement et donc influer sur les ondes ; et les ondes peuvent à leur tour transporter du moment d’une latitude à l’autre et influer sur l’écoulement. Par exemple Lorenz & Hartmann (2001) ont montré que pour un décalage de quelques jours il existe une corrélation positive entre les séries temporelles associées à l’écoulement moyen et aux ondes transitoires. L’indice zonal, qui quantifie la variation de l’écoulement, peut permettre d’estimer la persistance de l’indice zonal par le temps caractéristique de sa fonction d’autocorrélation – e-folding time scale – (Gerber et al., 2008). Lorenz & Hartmann (2001, 2003) ont montré que le temps caractéristique typique de décorrélation de l’indice zonal est plus grand que celui associé à l’amortissement par friction à la surface. Plutôt que les mécanismes associé à la friction, c’est la réponse des ondes à une modification de l’écoulement qui explique le principale mode de variabilité. Les modes dominants expliquent la majorité de la variance et ont aussi la persistance la plus longue. La réponse du climat est proportionnelle à la projection du forçage climatique sur le mode dominant de la variabilité climatique multipliée par l’échelle de temps de décorrélation de ce mode. Récemment, Ring & Plumb (2007, 2008) ont étudié cette relation dans un modèle atmosphérique simple et ont constaté que le mode annulaire est la réponse privilégiée à un forçage mécanique, thermique et dynamique. Cet élément d’explication se vérifie, la réponse est proportionnelle à la projection des forçages externes sur le mode annulaire, qui s’il est le plus instable, répondra le plus fortement.
1 Introduction |