Réflexion sur la temporalité dans le soin psychomoteur en unité thérapeutique parents-bébé
Le temps du développement de la dyade
Une parentalité en progression
La parentalité peut être définie par chacun sous son propre prisme. Chaque parent à une façon subjective de l’être et de le définir, autant que chaque être humain possède sa façon de penser le monde. Il s’agit d’un processus que l’on ne peut séparer de notre fonctionnement personnel, ni même du fonctionnement de la société. On devient parent avec ce qu’on est, et ce qui nous entoure.
Un processus dynamique
D’après le pédopsychiatre et psychologue D.Houzel (1999), la parentalité n’est pas une identité innée qui se révèlerait dès l’arrivée de l’enfant. Devenir parent est un processus de nature psychique qui se construit et qui s’organise de façon pluridimensionnelle ; « ce que veut souligner le concept de parentalité c’est qu’il ne suffit ni d’être géniteur ni d’être désigné comme parent pour en remplir toutes les conduiRons, encore faut-il devenir parent » . Ainsi, 1 ses travaux d’études distnguent trois axes, autour desquels la parentalitéton se construirait de façon transversale ; l’exercice de la parentalité, qui correspond à son identté, l’expérience de la parentalité, qui renvoie à sa foncton, et enfin la pratque de la parentalité qui regroupe les tâches quotdiennes. L’identité de la parentalité définit ce qui cadre les droits et les devoirs d’un parent sur le plan symbolique. Il s’agit de la responsabilité juridique qu’induit le statut d’être le responsable parental d’un enfant. Définir cet ensemble permet d’organiser le fonctionnement social, et protège les enfants sur le plan légal. Les qualités de la parentalité se réfèrent aux différentes actions qu’ont les parents à réaliser quotidiennement pour leur enfant. Il s’agit des soins psychiques et physiques de l’enfant, comme lors du change ou du nourrissage. Cette fonction peut aussi être réalisée par d’autres personnes que les parents lorsque l’enfant est sous la responsabilité d’un ter. (Houzel, 1999, p. 12) 1 3 Les fonctions de la parentalité relèvent de la sphère affective, et des processus psychiques qui se construisent lors de la parentalitéton. Il s’agit plus précisément des affects et des fantasmes vécues par le parent de façon consciente et inconsciente lors des expériences parentales. Ces ressens vont permettre l’élaboration de représentations relationnelles qu’à le parent envers son enfant. Pour comprendre plus en profondeur ce vaste non qu’est la parentalité, il est important de mettre en lien ces processus avec son contexte sociétal. Les parents d’hier ne sont pas les parents d’aujourd’hui car les habitudes, les lois, ou encore les mœurs évoluent. Des éléments parallèles à la fonction de la parentalité sont alors à prendre en compte, comme « le contexte économique et culturel, social, familial, les réseaux de sociabilité, le contexte institutionnel » selon le psychologue clinicien D.Mellier (2007). 2 S’ensuit l’introduction de la notion de « coparentalité » (Favez et Frascarolo, 2011) qui intègre la notion d’alliance et de coopération entre le père et la mère, pour être parent auprès de l’enfant. « Ce n’est plus seulement l’addition de la place du père et de celle de la mère et de l’enfant dont il est question, mais la prise en compte des relations entre ces trois partenaires, au sein d’une triade» . Chaque protagoniste est finalement susceptible de 3 modifier l’autre au travers de sa propre action. Dans cette proposition, il est important de relever la nécessité d’un processus interne, propre à chacun dans un dynamisme d’accordage de la famille.
Neuf mois de cheminement
Le temps de la grossesse est perçu comme une période de processus de maturation, mais d’issue aléatoire, comparable à une crise de la personnalité comme rencontrée lors de l’adolescence (P.C Racamier, 1979). De façon intriquée, le corps et le psychisme de la femme vont communiquer et se développer dans l’objectf d’enfanter. (Mellier, et al., 2007, p. 11) 2 (Mellier, et al., 2015, p. 12) 3 4 Les modificatons corporelles de la grossesse Dès les premiers jours suivant la fécondaton les ajustements corporels commencent, des tssus se créent, d’autres s’épaississent et débute doucement une modificaton du fonctonnement physiologique chez la femme enceinte. Le corps va s’ajuster sur le plan hormonal, immunologique, métabolique et circulatoire. CeZe réorganisaton va perdurer durant les neuf mois de gestaton, amenant rondeurs et courbes, modifiant ainsi le corps physique, mais aussi psychique de la femme enceinte. La prise de poids va influer sur la posture et le fonctionnement de l’appareil locomoteur, la respiration va se raccourcir et la fatigue s’installera au fur et à mesure que le ventre s’arrondit. Les sens vont également percevoir différemment, certains signaux internes et externes seront exacerbés, tandis que d’autres seront inhibés. Ils amènent ainsi la femme enceinte dans une nouvelle percepton de sa sensibilité somato-viscérale (organisaton des sensatons intéroceptves, extéroceptves et proprioceptves). Les modificatons physiologiques du corps pendant la grossesse, doivent pouvoir être accueillies et supportées durant tout son court par la femme enceinte. « Elle observe les changements de son corps, elle en connaît la raison, elle est en attente, en attente d’un enfant qu’elle percevra un jour, mais qui au début existe avant tout dans son imagination. » explique la psychologue S.Maiello (2019). Alors, les remaniements physiques 4 de la grossesse entraînent aussi des modifications psychiques de la future mère. Les modifications psychiques de la grossesse Au travers de ces premières modifications, il existe aussi des transformations psychiques, manifestement spécifiques à ce temps de grossesse. Partculièrement durant la deuxième moité de gestaton, il a été mis en évidence un abaissement des mécanismes de défenses, dans le fonctonnement mental et le discours de la femme enceinte. Le chercheur et psychologue H.Chabrol (2005), définit ces mécanismes comme « des processus mentaux automatiques, qui s’activent en dehors du contrôle de la volonté » . Les travaux de la 5 psychiatre et psychologue M.Bydlowski (1997) évoquent une sensibilité psychique caractéristque de la femme enceinte, qu’elle nomme « transparence psychique ». Elle définit ce phénomène par une période où la pensée serait animée par un recentrement (Maiello, 2019, p. 143) 4 (Chabrol, 2005, p. 31) 5 5 d’intérêts de la femme enceinte, et un sur-investssement de son histoire personnelle. Ce mouvement de repliement autoriserait la réactvaton d’expériences infantles inconscientes à l’état de conscience de la femme enceinte. L’accès à une mémoire régressive des vécus de son enfance viendrait nourrir les vécus imaginés par la mère de son enfant en devenir. La projecton des propres affects de la femme enceinte sur ceux du bébé, donne déjà naissance à l’enfant, mais dans une dimension imaginée, rêvée. « Or, à mi-chemin de ce devenir s’annonce un nouveau chapitre de leur histoire, un changement existenTIel irréversible pour les deux partenaires de la dyade qui culminera, au moment de la naissance, dans l’événement séparaTIf le plus drasTIque dans la vie de tout être vivant. »
Les remaniements psychiques de la maternité
L’investissement d’un bébé du dedans imaginé et pensé comme futur bébé du dehors, se réalise par des mouvements psychiques transitionnels, lors des dernières semaines de grossesse. Durant cette période, les projections maternelles vont s’accentuer, et prendre la nature d’une identification plus profonde au bébé. La mère d’abord va intensifier son apprentissage sur elle-même, tout en se préparant à investir plus tard une relation intersubjectivité avec son enfant, une relation où les deux individus sont bien discrets. Selon le pédiatre et psychologue D.W.WinnicoTT (1956) cette période gestationnelle correspond pour lui à un temps de « préoccupation maternelle primaire ». Quelques semaines avant l’accouchement et jusqu’à quelques semaines après, la mère vit un état de dépendance psychique absolue avec son bébé. D.W.WinnicoTT écrit ; « je ne pense pas qu’il soit possible de comprendre l’a[tude de la mère au tout début de la vie du nourrisson si l’on n’admet pas qu’il faut qu’elle soit capable d’aTTeindre ce stade d’hypersensibilité – presque une maladie- et de s’en remeTTre ensuite. » Ce phénomène, qui pourrait donc être considéré 7 comme pathologique en dehors de ce contexte, permeTTrait à la mère de s’adapter aux besoins de son bébé ; « ceWe foncTIon maternelle essenTIelle permet à la mère de connaître les tout premiers désirs, les tout premiers besoins de son nourrisson et la rend heureuse dans la mesure où il est heureux ». 8 (Maiello, 2019, p. 144) 6 (WinnicoTT, 1958, p. 287) 7 (WinnicoTT, 2006, p. 112) 8 6 Les capacités psychiques évoquées ici sont donc partculières à la période de transiton que représente la naissance d’un enfant. Ainsi, parallèlement au temps du développement physiologique du fœtus, puis du nouveau-né, le devenir parent peut se comprendre aussi avec le devenir enfant.
Remerciements II |