Nanoparticules et microfluidique pour un système modèle d’émulsions de Pickering

Nanoparticules et microfluidique pour un système
modèle d’émulsions de Pickering

Les émulsions de Pickering

La problématique des émulsions 

De nombreuses applications industrielles font appel à des émulsions, c’est-à-dire des dispersions d’un liquide dans un autre. Par exemple, des formulations alimentaires ou cosmétiques nécessitent la dispersion d’un liquide dans un autre liquide non miscible afin de cumuler les propriétés de plusieurs phases ou d’isoler l’une des phases. Un tel système peut également servir à confiner une molécule dans la phase dispersée, conduisant à des applications pharmaceutiques avec l’encapsulation d’un principe actif. En synthèse chimique, ces gouttelettes peuvent se transformer en microréacteurs pour conduire des réactions de polymérisation ou de synthèse de particules par exemple. Dans certains cas, la dispersion n’est pas une fin en soi. C’est une méthode parfois utilisée pour faciliter le transport de liquides très visqueux, des bitumes par exemple : la dispersion dans une phase aqueuse réduit considérablement la viscosité du produit et rend la manipulation plus aisée. Dans le même registre, on peut noter que, dans les procédés d’extraction du pétrole reposant sur l’injection d’eau sous pression dans les puits, des émulsions se forment. Les gouttelettes de brut se dispersent dans cette phase aqueuse, ce qui permet de les remonter à la surface. L’émulsion ainsi formée n’a pas d’application industrielle en tant que telle, mais elle est inévitable par ce procédé. Tous ces systèmes ont une caractéristique commune : ils possèdent de grandes quantités d’interface. Or, l’augmentation de la quantité d’interface entre la phase continue et la phase dispersée s’accompagne d’un accroissement de l’énergie libre totale du système. Ce dernier devient donc thermodynamiquement instable, et tend naturellement à évoluer vers la séparation complète des phases en présence afin de minimiser leur surface de contact. Pour obtenir et conserver une émulsion, il est donc nécessaire non seulement de créer la surface requise, ce qui peut être effectué par différents procédés d’agitation ou de formation de gouttes, mais également d’ajouter un stabilisant pour limiter ces phénomènes destructifs. Ce stabilisant, appelé émulsifiant, permet d’atteindre une stabilité cinétique en ralentissant les processus de rupture de l’émulsion et de séparation des phases. 

Former de l’interface

 Il existe une variété de techniques permettant la formation d’émulsions. Les plus utilisés sont l’agitation mécanique et l’ultrasonication (Abismail, et al., 1999). Ces techniques ont des avantages non négligeables : facilité de mise en œuvre, possibilité de préparer rapidement d’importants volumes d’émulsion. Cependant, les émulsions résultantes sont généralement constituées de gouttes très polydisperses, ce qui rend difficiles les études systématiques et la rationalisation de tels systèmes. D’autres méthodes permettent de former des gouttes présentant une distribution de taille plus étroite, nous les détaillerons par la suite. Ces techniques permettent de créer de grandes quantités d’interface, afin de disperser une phase dans une autre pour former une émulsion. Il est alors possible de disperser une phase apolaire dans une phase polaire, conduisant à une émulsion huile dans eau (aussi appelée émulsion directe), ou au contraire de disperser une phase polaire dans une phase apolaire (émulsion eau dans huile, appelée émulsion inverse). Il est également possible de réaliser des émulsions d’émulsions : les émulsions multiples contiennent, au sein de la phase dispersée, une seconde phase dispersée (voir Figure 1). On trouve ainsi des émulsions de type eau dans huile dans eau, ou huile dans eau dans huile. Le plus grand problème associé à ces émulsions est la difficulté accrue, par rapport à des émulsions simples, à les stabiliser. 

 Stabiliser l’interface 

Les gouttes formées subissent plusieurs processus qui tendent à ramener le système vers son état de plus basse énergie : deux phases volumiques séparées, avec une surface de contact minimale entre les deux (voir Figure 2). Parmi ces mécanismes, certains sont réversibles : la sédimentation ou le crémage des gouttes, dus à la différence de densité des phases dispersée et continue, et l’agrégation des gouttes qui apparaît lorsqu’il existe une interaction attractive entre gouttes. D’autres processus provoquent l’augmentation de la taille des gouttes de l’émulsion, et sont irréversibles. Le premier de ces phénomènes est la coalescence, qui procède par rupture du film liquide séparant deux gouttes adjacentes, suivie d’une relaxation de forme qui minimise la surface de la goutte résultante. Il s’agit d’un processus thermiquement activé initié par la nucléation d’un canal dans le film liquide séparant deux gouttes, ce qui est illustré par la Figure 3. Figure 3 : A : Nucléation d’un canal à travers le film liquide séparant deux gouttes adjacentes. 

Evolution de l’énergie du canal en fonction de son rayon

 Lorsqu’il est de petite taille, le canal se résorbe spontanément et la coalescence n’a pas lieu. Si le canal atteint une taille critique r*, il devient instable et croît jusqu’à la fusion complète des gouttes (De Vries, 1958). L’énergie E(r) nécessaire pour créer un canal de rayon r atteint un maximum E(r*)=Ea pour le rayon critique. L’énergie Ea est appelée énergie d’activation de coalescence (Schmitt, et al., 2004). Le deuxième processus à l’origine de l’augmentation de la taille moyenne des gouttes d’une émulsion est le mûrissement d’Ostwald (Kabalnov, et al., 1987). Ce phénomène est lié à la différence de pression existant entre l’intérieur des gouttes dispersées et la phase continue. En effet, la courbure de la surface des gouttes engendre un excès de pression à l’intérieur, appelé pression de Laplace, qui se calcule ainsi dans le cas d’une goutte sphérique : ȟܲ ൌ ߛʹ ݎ (1) avec γ la tension de surface entre les deux liquides et r le rayon de la goutte. La différence de pression de Laplace existant entre deux gouttes de tailles différentes provoque la migration des molécules constituant la plus petite goutte, à travers la phase continue, vers la goutte de plus grande taille. Deux stratégies principales permettent de limiter ce phénomène (Taylor, 1998). La première consiste à diminuer la migration des molécules, soit en utilisant une phase dispersée parfaitement insoluble dans la phase continue, soit en créant, à la surface des gouttes, une barrière infranchissable pour les molécules. La seconde stratégie est de partir d’une émulsion parfaitement monodisperse : la pression étant alors égale dans toutes les gouttes, le mûrissement d’Ostwald ne peut pas avoir lieu. Enfin, il est également possible d’ajouter, dans la phase dispersée, une espèce non soluble dans la phase continue, qui ne peut donc diffuser. En augmentant la pression capillaire dans les gouttes, cette espèce peut alors réduire le phénomène de mûrissement. Afin de limiter tous ces phénomènes conduisant à la destruction des émulsions, on ajoute généralement dans le système une espèce capable de stabiliser les gouttes formées. Il existe plusieurs types de tels émulsifiants (voir Figure 4), les plus courants étant des molécules amphiphiles nommées tensioactifs ou surfactants. Ces molécules, qui peuvent être de petite taille (Figure 4 A) ou macromoléculaires (Figure 4 B), s’adsorbent à l’interface des deux phases en présence pour stabiliser les gouttes existant dans le système. Les émulsions peuvent également être stabilisées par des particules solides (Figure 4 C), conduisant aux émulsions nommées « émulsions de Pickering » (Pickering, 1907) que nous détaillerons davantage par la suite. Les tensioactifs moléculaires ou macromoléculaires diminuent la tension interfaciale entre la phase dispersée et la phase continue de l’émulsion, ce qui permet de limiter l’augmentation d’énergie liée à la création de surface, donc de créer plus facilement de l’interface. La stabilisation est obtenue par la création d’une barrière stérique, mécanique et/ou électrostatique entre les gouttelettes, due aux molécules adsorbées à l’interface, ce qui empêche leur coalescence. Figure 4 : Mécanismes de stabilisation d’émulsion (exemple d’une émulsion huile dans eau), A : par des tensioactifs moléculaires, B : par des chaînes polymériques, C : par des particules solides. 

Production d’émulsions monodisperses 

Comme nous l’avons vu précédemment, il est intéressant de produire des émulsions contenant des gouttes de taille identique, de manière à éviter le processus de mûrissement d’Ostwald, qui conduit à la dégradation des émulsions. Dans le but d’obtenir des émulsions monodisperses, plusieurs stratégies peuvent être choisies. La première consiste à partir d’une émulsion polydisperse et à rendre ensuite ces gouttes monodisperses par application d’une contrainte homogène sur l’échantillon d’émulsion brute (Mason, et al., 1996). Cette contrainte résulte dans l’élongation puis la rupture des gouttes, formant ainsi une émulsion monodisperse (voir Figure 5). Ce résultat est dû au fait que le diamètre des gouttes étirées, et donc la taille finale des gouttes, ne dépend que de la contrainte appliquée à l’échantillon (notamment, il est indépendant du rayon des gouttes initiales). 

Table des matières

INTRODUCTION 5
CHAPITRE 1 : LES EMULSIONS DE PICKERING
1.1 Les émulsions : notions générales
1.2 Introduction aux émulsions de Pickering et applications
1.3 Mécanismes de stabilisation
1.4 Type et stabilité des émulsions de Pickering
1.5 Déstabilisation des émulsions
1.6 Conclusion et objectifs de la thèse
CHAPITRE 2 : NANOPARTICULES DE SILICE POUR LES EMULSIONS DE PICKERING :METHODES DE SYNTHESE ET DE CARACTERISATION
2.1 Introduction et propriétés de la silice 56 Erreur ! Signet non défini
2.2 Synthèse des nanoparticules de silice 56 Erreur ! Signet non défini.
2.3 Modification de surface de la silice
2.4 Conclusion
CHAPITRE 3 : SYNTHESE ET CARACTERISATION DE NANOPARTICULES DE SILICE
3.1 Introduction
3.2 Mode opératoire
3.3 Caractérisation des nanoparticules
3.4 Effet des principaux paramètres expérimentaux
3.5 Modifications de surface des particules
3.6 Conclusion
CHAPITRE 4 : PREPARATION ET VIEILLISSEMENT D’EMULSIONS DE PICKERING
4.1 Introduction
4.2 Aspects techniques
4.3 Adsorption des nanoparticules et formation d’émulsions
4.4 Stabilité des émulsions : collecte et vieillissement
4.5 Mécanismes de stabilisation et de vieillissement des gouttes
4.6 Conclusion
CHAPITRE 5 : DESTABILISATION DES EMULSIONS
5.1 Introduction
5.2 Déstabilisation des émulsions par ajout de solvant
5.3 Discussion du mécanisme
5.4 Conclusion
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES

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