EFFETS HEMODYNAMIQUES DE L’IMPELLA ET DE
L’ECMO DANS L’INFARCTUS DU MYOCARDE
L’Ischémie myocardique Perfusion myocardique
Les artères coronaires naissent de l’aorte et sont donc soumis à un fort régime de pression et une importante pulsatilité. Dans leur trajet épicardique, ces artères ont un rôle de capacitance et d’amortissement de l’onde de choc systolique, et distribuent le sang dans leur collatérales qui plongent dans l’épaisseur myocardique. Ces artères proximales offrent de faibles résistances vasculaires à l’écoulement et subissent un contrôle neuro-humorale sympathique, parasympathique et endothéliale. Si ce contrôle neuro-humorale reste limité pour les vaisseaux proximaux, il est prépondérant pour les petites artères préartériolaires, qui représentent le tiers des résistances vasculaires coronaires, permettant ainsi de réguler le flux coronaire. Au repos, ces vaisseaux de résistance sont maintenus vaso-constrictés (tonus basal), aussi une vasodilatation permet une augmentation rapide de leur flux, et permet ainsi de maintenir le flux coronaire stable sur une large plage de pression (50 à 150 mmHg)30. En distalité, les artérioles précapillaires, ont un trajet intramyocardique et présentent donc des résistances vasculaires élevées (la moitié des résistances vasculaires coronaires). La compression des artères intramyocardiques par la contraction musculaire en systole interrompt leur flux et donc la perfusion myocardique. Ceci est d’autant plus marqué que le tonus vasoconstricteur est levé. Il est à noter, que le sous endocarde est également impacté par la compression liée à la pression intraventriculaire. Sa perfusion est donc dépendante des conditions de charge du ventricule. En cas d’akinésie ventriculaire, la compression systolique n’est plus liée à la compression musculaire mais à la pression intraventriculaire31. Cette situation se trouve en clinique en cas de reperfusion d’une occlusion coronaire ou de perfusion d’un territoire infarci, où les pressions ventriculaires influenceront la perfusion de la zone de pénombre.Figure 2 : Variations du débit coronaire au cours de la contraction du ventricule gauche et du ventricule droit.32 Le flux coronaire présente donc deux pics de perfusion systolique puis diastolique (figure 2). Cette perfusion biphasique est d’autant plus vraie que la compression musculaire est importante, et donc est plus marquée pour la perfusion du ventricule gauche. Le myocarde du ventricule gauche est donc majoritairement perfusé pendant la diastole, où le flux coronaire est maximal. Cette perfusion est donc diminuée en cas de dysfonction diastolique. Pendant la systole, la compression des vaisseaux intramyocardiques et sous-endocardiques entraine un reflux du sang dans les vaisseaux sous-épicardiques de capacitance (rôle de réservoir). Le sous endocarde est donc extrêmement sensible à l’ischémie et sa perfusion dépend des conditions de charge du ventricule : une augmentation de la pression intraventriculaire diminue sa perfusion par compression. Une baisse de pression de perfusion affectera plus précocement l’endocarde que l’épicarde (figure 3). Figure 3 : Autorégulation du débit coronaire au niveau de l’épicarde et de l’endocarde. La pression de perfusion coronaire (PPC) correspond à la différence entre les pressions artérielle diastolique et du sinus coronaire ou de la PTDVG (en clinique, on obtient une approximation de la PPC par la différence entre la pression artérielle moyenne et la pression artérielle pulmonaire d’occlusion), et doit rester supérieure à 50 mmHg pour assurer une perfusion efficace. La perfusion myocardique est assurée par les artères coronaires et reste stable entre 50 et 150 mmHg avec un débit de 70 à 75 mL/min par 100g de myocarde, par des mécanismes d’autorégulation métaboliques, neuro-humoraux (système nerveux autonome et catécholamine) et liés à la fonction endothéliale (NO et endothéline). Les artères coronaires étant vasoconstrictées à l’état basal, leur vasodilatation constitue une réserve coronarienne qui peut être mobilisée pour s’adapter à l’effort ou à une situation d’ischémie. Outre la coronaropathie, cette réserve est diminuée par une augmentation de la fréquence cardiaque, de la contractilité ventriculaire, de la PTDVG ou d’un effet inotrope positif.
Apport et consommation en oxygène du myocarde
Apport en oxygène
L’apport en oxygène ou Oxygen delivery (DO2) dépend de deux facteurs : la perfusion coronaire et le contenu en oxygène du sang artériel36. Il dépend donc des conditions de charge du ventricule (pressions artérielle et intraventriculaire diastoliques) puisqu’elles influencent le flux sanguin coronaire, mais également de la fréquence cardiaque puisqu’une tachycardie entraine une réduction de la perfusion coronaire par réduction de la diastole. La vasomotricité (résistances vasculaires) et l’état du lit vasculaire coronaire (sténoses, collatérales, territoires perfusés,) jouent également un rôle important dans l’apport en oxygène et donc dans la tolérance à l’ischémie. Toutefois, la perfusion tissulaire n’a de sens qu’en termes de transport d’oxygène. Le contenu en oxygène du sang perfusé est donc primordial. Il se définit par le contenu en oxygène (CaO2 = (Hb x SaO2 x 1.34) + (0.003 x PaO2)). L’anémie ou une altération des capacités d’oxygénation des poumons, réduiront le contenu en oxygène et donc la DO2.
Consommation en oxygène du myocarde
La consommation en oxygène du myocarde (mVO2) est d’environ 8 à 10 mL/min d’oxygène par 100g de myocarde au repos (11% de la VO2 totale), et est influencée par de nombreux facteurs. Tout d’abord, le métabolisme basal, la contractilité, la température et le travail externe à fournir influencent nécessairement cette consommation (figure 4). Il existe également une relation entre la mVO2 et fréquence cardiaque (mVO2= FC x Tension pariétale). Aussi, toute augmentation de la fréquence cardiaque entraine nécessairement une augmentation de la consommation du myocarde en oxygène par augmentation du travail cardiaque et de la contractilité 19 par accumulation de calcium. La tension pariétale, définie par la loi de Laplace, augmente également la mVO2. Toute modification des conditions de charge aura donc un impact direct sur la mVO2. Toute augmentation de la post-charge (travail cardiaque interne par augmentation des pressions) entrainera une augmentation de la mVO2. Il en est de même de la pré-charge (surcharge volumique), mais dans une moindre mesure. La pompe cardiaque tolère en effet beaucoup mieux une augmentation de volume qu’une augmentation des pressions, qui est plus consommatrice d’oxygène. Le travail fourni pour l’éjection du volume systolique ne représente que 20 à 40% de la mVO2, alors que le travail de pression en représente 40 à 50%30. Figure 4: Consommation en oxygène du myocarde.
Equilibre entre apport et consommation en oxygène
L’extraction de l’oxygène par le myocarde étant sous maximale (70%) au repos, toute augmentation de la consommation en oxygène nécessite une augmentation des apports. Il existe donc un couplage entre les apports et la consommation en oxygène, dont l’équilibre est assuré par les mécanismes d’autorégulation qui permettent, en conditions physiologiques, de compenser une augmentation de mVO2 par une augmentation des apports (augmentation de la fréquence cardiaque à l’effort par exemple). L’ischémie myocardique est liée au déséquilibre de cette balance entre la consommation du myocarde en oxygène (mVO2) et de ses apports (DO2), car les réserves en oxygène du myocarde (O2 lié à la myoglobine et O2 dissout) sont très faibles. Au-delà d’une trentaine de systoles (en normothermie), le myocarde fonctionne en anaérobie et l’ischémie s’installe38. Il convient alors de rééquilibrer la balance DO2/mVO2 en augmentant les apports en oxygène du myocarde, par reperfusion coronaire par exemple, et/ou en réduisant sa consommation (réduction des conditions de charge, réduction de la fréquence cardiaque…).
De l’ischémie vers l’infarctus du myocarde
L’ischémie myocardique correspond à un déséquilibre entre l’apport en oxygène et nutriments au myocarde et sa consommation. Quelques secondes après une occlusion coronaire, les réserves myocardiques en oxygènes (oxyhémoglobine et oxymyoglobine) sont consommées, ne permettant plus d’assurer un métabolisme aérobie, la glycolyse anaérobie est alors activée. Le défaut de perfusion souvent en cause dans l’ischémie, provoque également un défaut d’élimination des métabolites qui s’accumulent donc dans le muscle. L’ischémie entraine alors des modifications de la mécanique ventriculaire, d’abord marquées par une dysfonction diastolique (réduction de la compliance par défaut de relaxation) puis par une dysfonction systolique. Ces modifications sont contemporaines des modifications électrocardiographiques et de la cinétique segmentaire. L’importance des lésions cellulaires engendrées par l’ischémie myocardique dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord elle dépend de la durée d’ischémie (figure 5), qui dans le cas du syndrome coronaire aigu correspond à la durée de l’occlusion coronaire. Cependant la relation entre la durée d’ischémie et la taille de l’infarctus n’est pas linéaire. La taille de l’infarctus dépend également de la taille du territoire ischémié. Ce territoire définit la zone à risque (Area at risk ; AAR) qui correspond au territoire perfusé par l’artère occluse. Plus cette zone est étendue, plus la taille de l’infarctus risque de l’être. Toutefois, il peut persister un certain niveau de perfusion myocardique dans cette zone à risque, en raison de la collatéralité qui influence également la taille de l’infarctus. A l’état basal, les connexions artériolo-artériolaires sont fermées et la collatéralité peu développée au niveau myocardique chez l’homme ou le porc39. Cependant, la baisse de pression en aval d’une sténose coronarienne a pour effet d’ouvrir ces shunts et de développer ainsi ce réseau de collatéralité dont le débit collatéral peut représenter 20% du débit basal39, 40. Il est à noter que les molécules antiprolifératives qui revêtent les parois des stents actifs (sirolimus, paclitaxel, etc) inhibent le développement de la collatéralité
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