LE MODELE INDIVIDUEL PREDICTIF
Dans cette seconde section, nous présentons un second modèle, individuel cette fois, car paramétré par les caractéristiques d’un individu, qui dérive directement du modèle explicatif développé dans la première section. Nous commençons par présenter ce second modèle (1), lui donnons des soubassements théoriques (2) puis définissons plusieurs concepts ainsi qu’une fonction mathématique qui l’implémente et le rend opérationnel (3) 1. Présentation Cette présentation expose l’origine et l’objectif du modèle (1.1), établit le lien avec le modèle de la première section (1.2) puis présente ce modèle individuel comme une nouvelle perspective théorique complémentaire du modèle explicatif (1.3). À l’origine de cette thèse, les premières expériences de pensée réalisées vont déboucher sur deux intuitions, avant même que ne démarre la revue de la littérature, donc sans à priori théorique. Ces deux intuitions interreliées structurent les développements de ce travail47. La première intuition, devenue conjecture, était qu’à priori, les choix des investisseurs en equity crowdfunding étaient nécessairement fortement imprégnés d’une dimension affective, la seconde était que ces mêmes investisseurs choisissaient les projets qui leur correspondaient le plus, dit autrement ils choisissaient les projets avec lesquels le matching était le meilleur. Ces propositions, inférées par simple psychologie naïve vont trouver par la suite des soutiens théoriques dans la littérature, à commencer par celle sur l’equity crowdfunding.
Tandis que Bessière et Stéphany (2015) pointaient la dimension affective du choix : « Compte tenu des informations mobilisées, l’évaluation du projet réalisée par la foule est de nature plutôt intuitive voire affective éventuellement renforcée par certaines connaissances ou croyances sur le secteur d’activité », Schwienbacher (2015) mentionnait explicitement le matching (projet / investisseur) organisé par les plateformes : « Le rôle principal de la plateforme est d’offrir un service de ‘matching‘ entre l’entreprise émettrice et la foule ». Objectifs du modèle Le premier objectif de ce modèle est intrinsèque, il s’agit de prédire (mais aussi expliquer, l’un ne va pas sans l’autre dans un contexte stable sinon stationnaire) les choix des investisseurs à priori, étant donnée la connaissance de certaines caractéristiques de l’individu. ‘À priori’ signifie ici avant que l’investisseur n’ait pris connaissance des projets en compétition sur une plateforme. Plus précisément, le modèle individuel prédictif permet, pour un investisseur donné, de définir une relation ordinale à priori entre plusieurs projets en financement en fonction de sa structure de préférences, cette dernière étant fournie par voie déclarative. Nous précisons plus loin la portée et le contenu de cette structure de préférences individuelle. Un second objectif est de nature extrinsèque et utilitaire, les résultats de ce modèle individuel prédictif nous permettent d’ajouter un élément de preuve complémentaire à la thèse défendue dans ce travail, l’approche est donc confirmatoire.
Un modèle qui dérive du modèle explicatif…
La formalisation de ce second modèle dérive directement du modèle explicatif pris comme point de départ, celui-ci étant supposé préalablement estimé sur un échantillon. Le modèle explicatif est transformé, essentiellement par troncature de la variable cognitive ‘Qualité perçue du signal’ qui, en vertu de la thèse que nous défendons n’est pas déterminante dans le choix des investisseurs en equity crowdfunding, dans un contexte privé d’interactions sociales, le choix étant essentiellement déterminé par l’affectif et les valeurs de l’investisseur. Autrement dit ce second modèle part du présupposé que notre thèse est vraie, ce qui est cohérent avec le fait qu’il implémente la théorie du matching affectif qui fait de cette hypothèse un postulat (Cf. ci-après). Aussi, l’élément de preuve additionnel de notre thèse par ce second modèle, évoqué comme un objectif extrinsèque du modèle individuel prédictif ci-avant, repose sur le raisonnement suivant : si la thèse défendue est vraie alors un modèle s’appuyant sur cette hypothèse devrait donner des prédictions de qualité, à contrario, si la thèse défendue est fausse, alors un modèle reposant sur cette hypothèse ne devrait pas produire de prédictions de bonne qualité. Vu la nature de la thèse défendue, il nous semble que l’on ne peut pas arguer que celle-ci est peut-être sans lien avec la qualité de la prédiction du choix de l’investisseur, ce qui invaliderait le raisonnement précédent puisque par nature, la thèse défendue (le choix est affectif, la qualité du signal n’est pas un antécédent déterminant dans un contexte privé d’interactions sociales) est une explication du choix d’investissement.