Le handicap en tant que domaine de recherches

Le handicap en tant que domaine de recherches

Sous l’impulsion des mouvements sociaux des personnes handicapées, chercheurs et handicap est devenue un champ interdisciplinaire23 [37] orienté vers l’amélioration des conditions de vie des personnes en situation de handicap. Ce paradigme dit « émancipatoire » [38] met en évidence l’ensemble des facteurs (e.g. sociaux, politiques et économiques) intervenant dans l’exclusion des PSH. Né de certains phénomènes sociaux de lutte pour les droits civiques (e.g. des Noirs américains, des femmes, des personnes homosexuelles, etc.), il conteste « l’imposition d’un modèle et de normes ne permettant pas l’affirmation et l’autonomie du sujet individuel et collectif, dans le respect de ses particularités» [38]. L’idée est d’aborder le handicap de manière plus large en intégrant le caractère systémique de l’exclusion vécue par les PSH. Le handicap apparaît donc comme une réalité multidimensionnelle qui nécessite la compréhension des expériences individuelles et collectives des personnes. Cette nouvelle démarche de recherche se base ainsi sur la participation des PSH et l’utilisation d’outils méthodologiques permettant de saisir les dimensions individuelles et collectives de leurs vécus [38]. Disability Studies revendique la capacité des PSH à analyser elles-mêmes leur expérience et leur situation en société. La personne en situation de handicap est au cœur de la recherche et de l’action. Ce mouvement est à la fois un mouvement de recherche et un mouvement politique, défini par « l’intrication entre l’expérience personnelle, la théorie et l’action politique » [39]. La recherche n’est pas nécessairement réalisée seulement par les PSH mais doit être contrôlée par celles-ci et surtout orientée et intégrée à leur action politique. Le modèle des Disability Studies définit le handicap comme le résultat des interactions entre les personnes atteintes d’une déficience et les personnes dites « normales » (et non comme le résultat de la déficience elle-même ou de l’incapacité qu’elle engendre).

Les modèles et définitions du handicap

Comme nous l’avons évoqué précédemment, trouver une définition consensuelle du handicap semble difficile. Concevoir une classification des handicaps est, de ce fait, un travail délicat, souvent empreint d’une connotation péjorative pour les personnes concernées. La démarche de classer les handicaps induit la crainte de voir les personnes mises « en compartiments, leur souffrance en rubriques, leurs problèmes quotidiens en tableaux et pourcentages… »[5]. Nous verrons dans ce chapitre que les définitions et classifications des handicaps ont évolué au cours du temps avec l’histoire et le regard porté par les sociétés. Cependant un trait commun à presque toutes les terminologies (que nous détaillerons) est à noter, celui de la description de la personne par un seul de ses aspects : celui de ses manques (« un infirme », « un polio », « un handicapé », etc.). Ce jusqu’à l’apparition d’une nouvelle notion, celle de « situation de handicap » et donc de personne en situation de handicap (PSH), définition par rapport à laquelle nous justifierons notre positionnement vis-à-vis des différents modèles existants.

De la Grèce Antique au XVIIème siècle, la société va conférer une place aux « infirmes » de l’ordre du symbolique c’est-à-dire une fonction sociale en dehors du quotidien, du système économique et législatif. Dans la Grèce Antique, l’infirmité était signe d’avertissement ou de sanction divine et au Moyen Age, les « bouffons » du roi étaient souvent difformes, boiteux ou faibles d’esprit, perçus comme des « bêtes curieuses » créées par la nature. Vient ensuite l’époque classique dont le besoin de rationaliser les choses (e.g. « le normal et le pathologique », « l’intégrable et le ségrégué ») va permettre de constituer les premières catégories sociales et donc les premiers phénomènes d’exclusion et de ségrégation [40]. Il faudra alors attendre le siècle « des Lumières » et l’égalité des droits des hommes pour voir apparaître l’idée démocratique que « tous les esprits se valent dès lors que l’on y met l’instruction et l’éducation qu’il faut », notamment avec la célèbre Lettre sur les aveugles à l’intention de ceux qui voient de Diderot [40]. Le passage de « l’infirme » à « l’handicapé » se fera en fait pendant la Troisième République (1870–1940) avec la deuxième révolution sociale et l’obligation de réparer les atteintes liées aux risques du travail. Le deuxième événement majeur dans la genèse du champ du handicap, pendant la Troisième République, est la Première Guerre Mondiale et la culpabilité collective engendrée par cette hécatombe. La nécessité économique à la sortie de la guerre ne peut alors laisser de côté ces opérateurs potentiels dont la réparation et la compensation est impérative. C’est ainsi que progressivement, le handicap va passer du champ lexical de l’infirmité (incapacité, invalidité, etc.) à celui de la réadaptation (rééducation, réintégration, etc.) afin de pouvoir redonner une place économique et sociale aux accidentés du travail et aux mutilés de guerre [40].

 

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