Le Jardin « des Deux Rives »
Dans le cadre de ce PFE et du choix d’un terrain d’étude, ayant vécu quelques années à Strasbourg et connaissant le Jardin des Deux Rives, ce projet transfrontalier me semblait le plus emblématique. Il pouvait potentiellement être en lien avec les représentations sociales de cette population. Ce projet a été lancé et mené à bien en tenant compte de l’aspect symbolique de la frontière lié aux guerres et en franchissant les barrières techniques, administratives et politiques du transfrontalier. Claire Armbruster, chargée de l’organisation du Festival des Deux Rives sur ce Jardin, soutient qu’il est « rare que des projets soient aussi transversaux : beaucoup de services ont été mobilisés. La mayonnaise a pris ». Ce Jardin, commun aux deux villes et commun aux deux pays, est le premier aménagement ludique qui symbolise un effacement concret de la frontière. Michel Krieger, qui a eu l’idée de jardin transfrontalier à Strasbourg, pense que cet aménagement commun transfrontalier est un exemple pour tout projet transfrontalier d’échelle européenne : « Le Jardin des Deux Rives, c’était un laboratoire de ce qui peut se faire au niveau des territoires de citoyens européens […] : créer un espace de citoyenneté européenne ». Nos références dans cette partie sont issues d’ouvrages, de brochures et d’articles mais aussi de dix huit entretiens menés entre le 3 et le 19 avril 2010 auprès des principaux acteurs (élus et techniciens) du projet (cf. table des acteurs rencontrés en annexe). Nous allons voir tout d’abord comment et où ce projet est apparu puis nous verrons la particularité de sa situation et de ses aménagements.
Naissance du projet à Strasbourg et à Kehl
De part les difficultés de coordination et de coopération dans le transfrontalier, le Jardin des Deux Rives est un projet qui a mis du temps à être élaboré et a nécessité beaucoup d’engagement et de volonté de la part des acteurs et des élus pour être concrétisé. L’idée est venue des deux côtés du Rhin au début des années 1990, à Strasbourg grâce à Michel Krieger, à Kehl pour l’occasion du Landesgartenshau (structure festive allemande pour le développement urbain), des deux côtés en vue d’initier un développement entre les deux villes frontalières. Le projet a été inauguré le 23 avril 2004 par Strasbourg et Kehl pour accueillir le Landesgartenshau, appelé aussi en France le Festival des Deux Rives. territoire alsacien mais aussi en raison de la géographie du site (le Rhin n’a été canalisé qu’à la fin du XIXème siècle), le développement de Strasbourg s’est fait vers la France à une certaine distance du Rhin ; « Strasbourg tournait le dos au fleuve », précise Michel Krieger. Mais ces dernières années, devant les difficultés à trouver des terrains disponibles pour le développement de l’agglomération vers l’ouest et le nord, les politiques se sont rendus à l’évidence qu’il fallait « redonner à Strasbourg l’envie de regarder vers l’Est » (Michel Krieger).
Parallèlement à ce développement tourné vers la France, les politiques français cherchaient à faire de Strasbourg une capitale européenne qui est également le symbole de l’amitié franco-allemande : « c’est la symbolique de cette relation qui était à une femme de gauche, Catherine Trautmann, portant notamment le projet du tramway. Michel Krieger fait partie de son équipe en tant que représentant de la société civile. Catherine Trautmann demande à revoir les différentes portes d’entrée de la ville ; Michel Krieger s’intéresse à celle de l’est. Mais Strasbourg a des réticences à revoir cette porte de la ville parce que, Strasbourg rebute à avoir des relations ouvertes avec la voisine allemande, Kehl étant vue comme une petite ville et Strasbourg étant reconnue internationalement. Dans les années 1990, entre la rive du Rhin et Strasbourg, il reste des traces de l’histoire (bunkers, bureaux de douanes), des déchets, des encombrants, un « Parc du Rhin » peu fréquenté puisque peu aménagé. La zone est délaissée sur quelques kilomètres de long et des rideaux de végétation semblent faire office de protection contre le regard de l’autre. Rheinfest y était célébrée sur les bancs de sables, c’était un espace d’une grande convivialité : « Il y avait effectivement beaucoup plus de raisons de faire quelque chose que de ne rien faire mais il fallait rompre l’aspect psychologique lié à ce territoire. » (Michel Krieger) Michel Krieger décide de traiter la « porte de l’est » par la question du paysage au sein duquel le fleuve a une place importante, ce dernier renvoyant à une histoire commune à toute la région. En 1994, la proposition du projet est faite au maire de Strasbourg qui demande à ses services d’étudier les possibilités d’étudier un jardin transfrontalier.