Rôle de l’inertie thermique et du couplage surface-atmosphère sur la valeur moyenne

Rôle de l’inertie thermique et du couplage
surface-atmosphère sur la valeur moyenne

Les modèles de climat

 Le climat résulte d’un système très complexe au sein duquel divers milieux (atmosphère, océan, végétation, calottes de glaces… ) sont en interaction permanente. Afin de simuler, de comprendre et de prédire les évolutions temporelles des variables climatiques, en tenant compte des différentes interactions entre les composantes du système, des modèles numériques de climat sont utilisés. Ces modèles reposent sur des lois physiques, traduites en équations mathématiques permettant une approximation des mécanismes observés. Ces équations sont ensuite résolues sur une grille tri-dimensionnelle à l’échelle du globe à l’aide de super calculateurs, pour obtenir des simulations du climat de la planète passé, présent et futur. Ces simulations tiennent compte de différents scénarios d’émission de gaz à effet de serre, d’utilisation des sols, de déforestation etc… Les composantes du système climatique sont ainsi représentées chacune par un sous-modèle permettant de calculer les processus internes à chacun. Ces modèles peuvent être forcés par des conditions aux limites, ou couplés aux autres composantes du système climatique. Par exemple, le Modèle de Circulation Générale Atmosphérique (Atmospheric Global Circulation Model, AGCM), longtemps utilisé seul, calcule et transporte les quantités de mouvement, de chaleur et d’eau à travers le globe. Ces quantités sont entre autre échangées avec les surfaces continentales et océaniques. L’AGCM représente aussi l’humidité dans l’atmosphère, les nuages, les précipitations, l’absorption et la diffusion du rayonnement solaire incident, ainsi que l’absorption et l’émission du rayonnement infrarouge par les nuages, les gaz atmosphériques et les surfaces Figure 1.1 – Représentation des différentes composantes d’un modèle de climat. Exemple : Le modèle de climat de l’IPSL (Institut Pierre Simon Laplace). continentales et océaniques [Ducros, 2002]. De nombreux processus, comme les processus nuageux sont actifs à des échelles spatiales et temporelles bien inférieures à celles de la maille ou du pas de temps du modèle, on ne peut donc les modéliser de façon explicite dans les modèles de climat. Leurs effets sont donc pris en compte en les modélisant à partir de relations physiques avec les variables de grande échelle. C’est ce qu’on appelle les paramétrisations. Le modèle d’Océan représente quant à lui la circulation océanique et permet le calcul de la salinité et de la température à la surface océanique. Tout comme le modèle de circulation atmosphérique, le modèle d’océan participe au transport de chaleur à travers le globe [Vonder-Haar and Oort, 1973]), avec cependant une échelle temporelle beaucoup plus grande, du fait de sa grande inertie thermique. Le couplage entre le modèle d’atmosphère et le modèle d’océan permet de représenter les grandes caractéristiques du climat et sa variabilité, mais il ne permet pas la production de simulations détaillées de ce qui se passe sur les continents. En effet, les échanges d’énergie entre les surfaces continentales et l’atmosphère dépendent fortement des caractéristiques de la surface telles que la topographie, le couvert végétal, ou la disponibilité en eau. De fait, la représentation des surfaces continentales dans les modèles de climat est primordiale, et passe par les modèles que l’on appelle : Modèles de surfaces continentales (Land Surface Model, LSM). Durant les 30 dernières années, trois générations de modèles de surfaces se sont succédées [Sellers et al., 1997]. La première était basée sur de simples équations de transfert aérodynamiques de type bulk, avec une représentation uniforme des paramètres de surface. La seconde génération de modèle a intégré les effets de la végétation sur la transpiration, et a commencé à tenir compte de la variabilité spatiale de certains paramètres de surface. Et la troisième génération a intégré des théories modernes reliant la photosynthèse et la quantité d’eau dans le sol pour avoir une meilleure représentation des échanges d’énergie, de l’évapotranspiration, et du carbone dans l’atmosphère. Les modèles de surface permettent ainsi de simuler aussi bien les échanges énergétiques entre les surfaces continentales et l’atmosphère, que le cycle hydrologique (évaporation, infiltration, débit…). Le couplage entre le modèle d’atmosphère et le modèle de surface permet la simulation et la prédiction de variables climatiques déterminantes pour la vie de l’être humain, dont on peut citer l’humidité, les précipitations, ou encore la température. 

Enjeux de la modélisation dans le contexte du changement climatique 

« Canicule mortelle en 2003 », [Beniston, 2004; Schär et al., 2004], « Tempête du siècle en 1999 » [Goyette et al., 2003; Ulbrich et al., 2001], « Augmentation des inondations en Europe » [Christensen and Christensen, 2003]… Autant d’événements alarmants qui font la une des quotidiens dans plusieurs pays du monde, et qui sont susceptibles d’augmenter en nombre dans les années qui viennent. Le changement climatique concerne un nombre croissant de communautés de recherche, de partenaires et d’acteurs politiques [Dalmedico and Guillemot, 2006]. Alors que j’écris ces quelques lignes, Paris accueille la 21 ème édition de la Conférence Climat des Nations unies (COP 21), réunissant 195 Etats, dans l’optique d’établir des objectifs rigoureux dans la lutte contre le changement climatique. De nombreuses études ont démontré l’impact du changement climatique sur les écosystèmes terrestres et marins [Brown et al., 2015; Wakelin et al., 2015; Wang et al., 2016], mais aussi sur l’agriculture [Graff Zivin and Neidell, 2013; IPCC, 2014; McMichael et al., 2006], et la santé [Barreca, 2012; Bouzid et al., 2014; Fukuda, 2014; Gasparrini et al., 2015; Li, 2013; Wu et al., 2016]. Dans ce contexte, l’accent est mis sur l’anticipation des risques liés au changement climatique [Tabiana et al., 2010]. Afin d’y parvenir, des efforts considérables ont été déployés pour le développement des modèles de climat depuis la seconde partie du XXe siècle. Cependant, les modèles de climat ne servent pas uniquement à la prédiction des risques liés au changement climatiques, mais ils sont également utilisés pour la compréhension du système terrestre qui nous entoure, et l’amélioration des connaissances des phénomènes physiques qui régissent l’atmosphère dans laquelle nous vivons. Ils peuvent ainsi être utilisés pour des expériences de sensibilité à certains paramètres ou processus, ou à des forçages internes ou externes. En retour, l’élargissement du champs des savoirs dans le domaine du climat permet de réduire les incertitudes liées à des processus mal représentés dans les modèles, voir pas représentés du tout, et d’améliorer leurs performances. Par ailleurs, les modèles peuvent également être utilisés pour les reconstructions de données comme les réanalyses, ou des climat antérieurs par des simulations paléoclimatiques. Dans le cadre de cette thèse, nous nous intéressons à l’étude du couplage entre la surface continentale et l’atmosphère. Pour ce faire, nous utiliserons le modèle de surface continentale ORCHIDEE, couplé au modèle d’atmosphère LMDZ. Ces deux modèles seront présentés en détail dans le chapitre 2 de cette thèse.

Bilan d’énergie à la surface 

La couche limite est la couche de l’atmosphère comprise entre la troposphère libre, et la surface de la terre. Elle est caractérisée par des temps de réponses rapides des variables météorologiques, ainsi que par la forte influence qu’exerce la surface sur le fluide. Comme le contraste entre la surface et la couche limite est fort, l’interface entre les deux est caractérisée par des échanges importants d’énergie, de quantité de mouvement et de matière. Si on considère une couche épaisse de sol, le bilan d’énergie à la surface s’exprime comme suit : Cs ∂T ∂t = SWnet + LWnet − H − LE − G (1.1) où Cs, Ts et t sont respectivement la capacité thermique de la couche de surface considérée, la température de surface, et le temps, et où SWnet, LWnet, H, LE et G sont le flux radiatif de courtes longueurs d’onde (ou flux solaire), le flux radiatif de grandes longueurs d’ondes (flux radiatif infrarouge), le flux turbulent sensibles et latent, et le flux de conduction thermique dans le sol respectivement. Si on considère une couche d’épaisseur infinitésimale, le terme de gauche s’annule, et l’équilibre d’énergie à la surface devient : SWnet + LWnet = H + LE + G (1.2) où la somme SWnet + LWnet représente le rayonnement net Rnet, qui est équilibré par le flux sensible qui refroidit ou réchauffe la surface en échangeant de l’énergie par convection entre la surface et l’atmosphère, le flux de conduction thermique, qui réchauffe ou refroidit les couches profondes du sol par conduction, et le flux latent, qui représente l’énergie dégagée ou absorbé à la surface suite au changement de phase de l’eau (évaporation ou condensation), et qui sert également à la refroidir ou à la réchauffer. En résumé, à l’interface entre la surface et l’atmosphère, on distingue trois types de flux : Les flux radiatifs, conductifs et turbulents.

Table des matières

I Introduction générale
1 Contexte général
1.1 Modélisation climatique
1.1.1 Les modèles de climat
1.1.2 Enjeux de la modélisation dans le contexte du changement climatique
1.2 Bilan d’énergie à la surface
1.2.1 Les flux radiatifs
1.2.2 Flux de conduction thermique
1.2.3 Les flux turbulents
1.3 Un témoin important pour le climat : La température
1.3.1 La température de surface
1.3.2 Importance du cycle diurne de la température
1.4 Couplage entre l’humidité de surface et la température
1.5 Problématique générale
1.5.1 Contexte
1.5.2 Organisation de la thèse
2 Matériel et méthode
2.1 Modèle de sol : ORCHIDEE
2.1.1 Description de la surface
2.1.2 Discrétisation verticale
2.2 Modèle d’atmosphère LMDZ
2.2.1 La Physique Standard : « LMDZ5A »
2.2.2 La nouvelle physique « LMDZ5B »
2.2.3 Différence entre les deux physiques atmosphériques
2.3 Simulations 3D
2.3.1 Simulations de référence
2.3.2 Guidage en vent
2.4 Simulations 1D
2.4.1 Le cas DICE
2.4.2 Description du cas
2.4.3 Mise en place et évaluation
2.5 Conclusion
II Sensibilité de la température de surface dans les régions sèches
3 Rôle de l’inertie thermique du sol dans les régions semi-arides
3.1 Température de surface dans le cas DICE
3.1.1 Modélisation du cycle diurne de la température
3.1.2 Rôle de l’inertie thermique
3.1.3 Contribution des flux turbulents
3.1.4 Dissymétrie entre le jour et la nuit de la sensibilité de la température à l’inertie thermique
3.2 Analyse du rôle de l’inertie thermique
3.2.1 Mise en place du modèle
3.2.2 Prise en compte de la dérive
3.2.3 Discussion
3.3 Extension à des simulations globales
3.3.1 Rôle de l’inertie thermique dans les différences entre ORC2 et ORC11
3.3.2 Rôle de l’inertie thermique à l’échelle globale dans les régions
semi-arides
3.3.3 Extension aux modèles CMIP5
3.4 Conclusion
4 Origine de la dissymétrie entre le jour et la nuit de la réponse de la température de surface à l’inertie thermique
4.1 Description du modèle
4.1.1 Processus de base
4.1.2 Équations de base du modèle
4.1.3 Configurations du modèle
4.1.4 Paramètres du modèle
4.2 Validité du modèle et sensibilité aux échanges atmosphériques
4.2.1 Modèle radiatif convectif
4.2.2 Modèle radiatif pur
4.2.3 Conclusion
4.3 Sensibilité à l’inertie thermique
4.3.1 Rôle de la non-linéarité des échanges turbulents
4.3.2 Rôle de la non-linéarité du flux infrarouge
4.3.3 Rôle de la forme du forçage solaire
4.4 Conclusion
III Rôle de l’inertie thermique dans les régions humides
5 Rôle de l’inertie thermique dans les régions humides et de transition
5.1 Description des résultats
5.2 Interprétation des résultats
5.2.1 Mise en place du modèle
5.2.2 Validation du modèle
5.2.3 Discussion
5.3 Variabilité journalière
5.3.1 Variabilité journalière du flux latent et sensibilité à l’inertie thermique
5.3.2 Impact de la dépendance de l’inertie thermique à l’humidité de surface sur la température
5.3.3 Conséquence pour la détection des zones de transition
5.4 Conclusion
6 Conclusions et perspectives
6.1 Conclusions
6.2 Perspectives
Bibliographie
A Annexes
A.1 Phase 1b du cas DICE

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